Le « syndrome de l’imposteur », un mal courant dans le monde du travail

Une «éternelle» remise en question, le sentiment de ne pas être légitime et la peur terrible d’être «démasqué»: certains souffrent au travail du «syndrome de l’imposteur», un mal insidieux que des techniques peuvent aider à dompter.

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Théorisé à la fin des années 1970 par deux psychologues américaines, le «syndrome de l’imposteur» n’est pas considéré comme une pathologie. Il «ne fait pas partie du DSM, le Manuel statistique des troubles mentaux» qui sert de référence, explique Anne-Françoise Chaperon, psychothérapeute et consultante en prévention des risques psychosociaux.

Mais pourtant c’est un sujet qui concerne «beaucoup de gens» et qui sert de «terreau au burn-out», dit-elle, notant qu’il est répertorié indirectement comme faisant partie des troubles anxieux (sous le terme d’«anxiété de performance»).

Ce phénomène concerne notamment les personnes qui ont «beaucoup de valeur professionnelle», souvent des surdiplômées, note-t-elle. «Ils font ce qu’on appelle en psychologie des ‘attributions externes’, c’est-à-dire que leur réussite n’est jamais grâce à eux: c’est toujours la chance, le fait d’être arrivé au bon moment… Ce qui fait qu’ils ne peuvent pas capitaliser de confiance en eux».

Un phénomène répandu

À en croire un sondage YouGov de décembre pour le magazine Management, le phénomène est largement répandu: 54% des femmes en ont déjà été victimes et 45% des hommes, le taux grimpant à 62% chez les managers.

Pour Julien, qui a conscience que c’est «ridicule» avec «plusieurs masters, un doctorat», «il y a ce côté très effrayant de se dire ‘en fait, je suis un imposteur. Le jour où ce sera révélé ça va être quelque chose d’absolument terrible’ ». «Du coup, on va vraiment s’épuiser à la tâche pour tenter de prouver qu’on est à la hauteur», dit ce trentenaire qui travaille dans la data.

«C’est assez violent au quotidien», confirme Fred Christian depuis La Réunion. Ce développeur informatique de 42 ans a toujours l’impression «que les autres sont meilleurs», qu’il n’est «pas assez compétent», «une remise en question éternelle».

Comme lui, qui pointe des parents «pas assez encourageants», Camille Gillet, 33 ans, pense que ce complexe a été nourri par son éducation. «Le problème, c’est que ça peut être bloquant», en se disant que «c’est perdu d’avance» ou en poussant à «peaufiner certaines choses jusqu’à la névrose», explique la jeune femme qui travaille dans le web-marketing.

Arrêter cet autosabotage

Un récent «coaching live» organisé par Management a présenté des techniques pour cesser cet autosabotage.

Elle-même passée par là, Sarah Zitouni, ingénieure et coach, suggère par exemple de donner un nom à la petite voix qui dit ‘tu es arrivée là par le plus grand des hasards’. Celui d’aliments honnis, avec «un petit côté ridicule» comme «fenouil» ou «semoule», d’«archétypes négatifs du type Diablo, Lucifer» ou encore le nom d’un ennemi.

«Nommez votre syndrome. Ça vous donne la possibilité de lui dire: ‘écoute semoule, j’ai une grande réunion et je ne veux pas t’entendre’», insiste-t-elle.

Pour déjouer ce «piège mental», Anne de Montarlot et Elisabeth Cadoche, auteures du «Syndrome d’imposture», préconisent aussi de dresser la liste de ses propres succès, en identifiant «les habiletés» les ayant permis. Pour certains en grande souffrance, une psychothérapie peut également être utile pour repérer ces «facteurs de maintien» qui bloquent la situation malgré la réussite de la personne, note Anne-Françoise Chaperon.

En général, dit la thérapeute, c’est le comportement même de l’individu vis-à-vis du travail, avec des «stratégies d’évitement»: procrastiner, «se surpréparer», développer des «stratégies de contrôle de l’anxiété de performance». «Plus les personnes ont des stratégies de contrôle, plus ils vont nourrir ce syndrome», dit-elle. Il faut donc les aider à «casser ce cercle vicieux».