Zep : « Quand je fais Titeuf, je suis Titeuf »

Chaque sortie d'un nouvel album de Titeuf est un événement. Succès de libraire, on se rue, lecteurs de tous âges, sur les aventures de la terreur à la mèche. «À fond le slip » ne déroge pas à la règle : Zep, son auteur, aime ancrer son personnage fétiche dans l'actualité, le rire en plus… Nous l'avons rencontré à la Fête de la BD le week-end dernier.
par
Nicolas
Temps de lecture 1 min.

AFP / T. Samson

Dans ce nouvel album de Titeuf, vous lui « confiez » des sujets d'actualité que vous traitez par ailleurs sur le blog du Monde « What a wonderful world». Comment passez-vous de l'un à l'autre ?

« Il est vrai que le blog a un peu influencé cet album. Cela m'intéressait de les reprendre par le regard de Titeuf. Il y a quelque chose d'assez intéressant dans ce personnage : il pose un regard enfantin sur le monde. On a souvent soutenu l'idée que les enfants ne vivaient pas dans le mêmemonde que les adultes. On essaie de les protéger en essayant de leur cacher des faits, des images,… Mais ils voient et entendent tout ça. Et si ce n'est pas à la maison, leurs copains de l'école se chargent très bien de leur rappeler ce qui se passe dans le monde. Ils sont déjà assez grands pour comprendre que les adultes leur cachent des choses. Titeuf ne peut donc compter que sur lui-même pour le comprendre, ce monde.»

Il y a d'ailleurs une planche où Titeuf sait qu'on lui cache la vérité…

« Il est assez grand pour comprendre que ce n'est pas la vérité. Mais il n'est pas assez grand pour connaître la vérité.»

Vous introduisez un personnage comme celui de Loïc, enfant partisan de la théorie du complot qui ne croit que de sombres vidéos vues sur le web. Titeuf est un outil d'éducation aux médias ?

« Il n'y a pas de réponse dans Titeuf. J'essaie simplement d'amener des sujets et qu'on puisse en rire. Titeuf décrit un monde réaliste même si on ne peut pas vraiment parler de BD réaliste. Il est vrai qu'internet a changé la donne. L'adulte qui leur apprend des choses, ce n'est plus un parent ou un prof, c'est internet. Il y a toujours eu des légendes urbaines -une météorite qui va frapper la Terre, le président est un extraterrestre,…-, mais aujourd'hui elles sont relayées par des blogueurs qui utilisent ce désir des enfants de donner une couleur fantastique à leur vie. »

Idem pour la sexualité ? Manu et Titeuf passent beaucoup de temps à s'informer en ligne…

«Titeuf n'est pas un obsédé sexuel. Il est légitime pour lui de savoir ce qui va advenir. Ce qui l'intéresse est tout sauf excitant : être tout nu avec une fille lui fait horreur. Je pense sincèrement que si les enfants tombent sur des pages internet sur la sexualité voire pornographiques, c'est parce qu'ils veulent se documenter et pas pour les mêmes raisons que les adultes (rires). »

Vous vous sentez investi d'une responsabilité, vu le succès de la série ?

« Non, je ne peux pas dire ça. Quand je fais Titeuf, je suis Titeuf. Peut-être parfois dans le choix des histoires… J'essaie d'avoir quelque chose d'équilibré. J'alterne sujets plus graves et sujets potaches. J'essaie simplement de ne rien avoir de pontifiant. »

Nicolas Naizy

Follow @NNaizy

En quelques lignes

C'est un Titeuf reboosté que nous retrouvons. Et un Zep également empli d'une nouvelle fraîcheur pour son personnage fétiche. Dans le 14e tome, il l'avait fait grandir, le faisant rêver son adolescence. Retour ici dans la cour de récré où nous assistons à de singulières analyses du monde. Car le dessinateur suisse est un fin observateur. Il nous le prouve depuis plusieurs années sur son blog du Monde «What a wonderful world» (deux recueils parus chez Rue de Sèvres). Dans cette nouvelle livraison, c'est à travers le regard du blondinet que l'on pose le nôtre sur la question des réfugiés, du complotisme et de la diversité. Mais Zep n'en oublie pas les blagues potaches et toujours cette savoureuse découverte des mœurs amoureuses à l'heure d'internet et des réseaux sociaux. Les enfants le savent, les adultes mentent, et Titeuf entend bien découvrir la vérité.

«Titeuf - t. 15: À fond le slip!», de Zep, éditions Glénat, 48 pages, 10,50€ ****