"Solide mirage": François & The Atlas Mountains en ville

«Solide mirage», le titre du nouvel album de Frànçois & The Atlas Mountains est un oxymore qui transpire assez bien l'esprit qu'a voulu donner le groupe à ce nouvel opus. «Une envie de concret, de quelque chose de plus direct.» Leader de la formation, François Marry nous a confié l'état d'esprit qui a présidé à la confection de cet album, profondément urbain.
par
Nicolas
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Cela s'entend, dès le premier single, «Grand dérèglement». D'habitude emportée vers des sonorités plus aériennes, l'approche musicale est ici plus frontale, aux guitares plus acérées, aux accents grunge parfois. Rencontrer François Marry sur une terrasse d'un café, en bord de rue, nous permet d'expérimenter ce qui l'a inspiré: le contact avec une ville en particulier pour le chanteur installé depuis quelque temps à Bruxelles. «Autant ‘Piano Ombre' (précédent album de la formation, NDLR) s'est créé au contact de la forêt landaise et de la côte, autant ici, Bruxelles, ville aux mille facettes et aussi lieu de décision géopolitique d'influence mondiale, a eu un effet bœuf.»

«On ne se rend pas toujours compte de toute la diversité de l'esprit humain qu'on retrouve à Bruxelles. Il y a le Congo, le Moyen Orient, la communauté marocaine. Tout ce qu'il y a de plus institutionnel et capitaliste avec le monde des lobbys et des institutions européennes. C'est une ville très riche, très complète.» La capitale a donc nourri l'auteur et interprète, dans ce qu'elle a de divers, d'incohérent parfois dans son architecture et son urbanisme. «J'avais besoin de traduire les façades, le ciment, tous les stimulants visuels qu'on a dans une ville.» Pour le clip qui accompagne le premier titre de cet album, Frànçois and the Atlas Mountains a pris ses quartiers de manière détournée dans un «monstre» de la ville: le Palais de Justice de Bruxelles, dont on ne discerne que les intérieurs, les lignes et les marbres. Le massif monument est alors le siège d'une danse enlevée d'inspiration moyen-orientale. «J'ai été très touché par la vision de la ville qu'en a fait François Schuiten dans les ‘Cités obscures'. Il a fait du Palais de Justice un personnage.»

Symbolisme

Dans ce que nous confie François Marry, on sent aussi une volonté de se reconnecter avec une réalité, brute et violente. Il y a bien sûr son aspect mais aussi ce que Bruxelles a vécu ces derniers mois, avec les attentats. Mais n'allez pas croire qu'il en délaisse la poésie. Les textes du groupe sont toujours emplis de ce «spirit», d'une envie de se détacher d'un monde ici bas. «D'âpres après plusieurs semaines, l'on se démène pour oublier les scènes que les souvenirs essaiment même si rien n'est pareil après.» Ces mots du morceau «Âpres Après» traduisent cette volonté de prendre à bras-le-corps le concret et d'en retirer un esprit sensible et onirique à l'image des peintres symbolistes que François a découvert depuis son installation à Bruxelles «Fernand Khnopff en priorité, Spilliaert aussi».

Ph. Tom joye

Véritable animateur du projet, François Marry récolte ainsi toute cette matière qu'il amène ensuite au groupe. «Je m'accorde du temps en récoltant les idées de riffs, de phrases… Je picore dans cette collection lors des répétitions avec le groupe pour concrétiser tout ça.» Avec Amaury Ranger (basse), Jean Thévenin (percussions) et David Nzeyiman (guitare et claviers), il la met en forme en studio, avec aussi la scène en tête.

Entre deux disques, il aime à apporter sa patte à d'autres projets, en composant la musique d'un spectacle de danse ou en collaborant en musique électronique avec Rone.

Rare artiste francophone présent sur le label britannique Domino (Arctic Monkeys, Hot Chip, Franz Ferdinand), François and the Atlas Mountains continue ici de tracer le sillon d'une chanson poétique. Parfois qualifiée de maniériste, elle n'en reste pas moins sensuelle avec une impression d'envol, les pieds sur terre, la tête dans les nuages.

«Solide Mirage» (Domino)

Frànçois & The Atlas Mountains sera en concert aux Nuits du Botanique le 20 mai.

 

Nicolas Naizy