Christian Bale : « On ne voulait pas faire le western de papa »

par
elli.mastorou
Temps de lecture 4 min.

 

Connu pour ses transformations physiques et son jeu plein de gravité, Christian Bale incarne dans ‘Hostiles' un capitaine de cavalerie qui a connu la guerre toute sa vie. Obligé de traverser les Etats-Unis avec un chef Cheyenne qu'il considère comme son pire ennemi, l'expédition lui apprendra à dépasser sa haine. On a papoté au téléphone avec l'acteur de ‘Batman' sur cet anti-western avec un message puissant.

 

‘Hostiles' est votre seconde collaboration avec Scott Cooper après ‘Out of The Furnace' (‘Les Brasiers de la Colère' en VF, NDLR). Un film dur et intense, et votre personnage, le Capitaine Blocker, l'est aussi. Comment avez-vous préparé ce rôle ?

Christian Bale : « Comme dans chaque rôle, connaitre l'histoire du personnage est pour moi fondamentale pour le préparer. Peu importe si le public la connait ou pas. Ça vous permet d'être toujours prêt s'il faut improviser – ce qui peut toujours arriver, aussi bon que soit un scénario. Donc avec Scott, on a entièrement construit son passé. C'est un homme qui a passé toute la vie au combat, d'abord dans la Guerre de Sécession, et ensuite lors des Guerres Indiennes. Il ne connaît que ça. Cette histoire, c'est sa tentative de retour vers l'humanité. Concrètement, il y a d'abord des choses pratiques à apprendre : comment se servir d'une arme tout en courant sur un cheval, comment travaillait un capitaine de cavalerie, les ordres, etc… »

Vous avez aussi appris le Cheyenne…

« Oui. Au départ quand Scott et moi avons décidé que le Capitaine devait parler Cheyenne, c'était surtout une décision pratique en termes de cinéma. Mais quand j'ai rencontré Chief Phillip, le chef des Cheyennes du Nord, venu pour m'apprendre la langue, j'ai été impressionné. C'est un homme incroyable. Et en fait au début, il a refusé… »

Il n'a pas voulu ?

« Non (rires) ! C'était intéressant. Il m'a dit : ‘Pour pouvoir parler la langue, tu dois comprendre la culture d'abord'. C'était comme une sorte de mise à l'épreuve, mais dans un sens positif : on a eu des grandes conversations, où il m'a appris énormément de choses sur sa culture. Ça a beaucoup nourri le film, parce que ça m'a donné énormément d'idées que j'ai ensuite transmises à Scott. C'était vraiment une expérience considérable. »

Vous avez dit en interview, et c'est vrai, que même si le film se passe en 1892, il résonne beaucoup avec l'époque actuelle. L'histoire d'un homme qui doit dépasser son racisme, sa bigoterie...

« Oui, on a tourné le film avant les élections américaines et le Brexit, et...  Eh bien, je ne pensais pas que tout ça arriverait (rires) ! Donc à la base c'est vraiment juste l'histoire qui me fascinait. Et puis en effet ça a été un choc de voir ce résultat, les discours de haine qui divisent le pays... Mais au fond ces discours ont toujours été là. C'est juste que soudain, quelqu'un a rendu ce discours acceptable à exprimer. Et je pense que c'est ce qui fait que les gens retournent toujours au western : c'est une ère très particulière dans la construction de l'Amérique. Sa violence, son aspect sauvage, résonnent avec l'histoire américaine de façon viscérale. »

En tant que Blanc, on est souvent moins sensible aux questions de représentation car on n'y est pas confronté. ‘Hostiles' a ceci d'intéressant qu'il raconte aussi l'histoire du point de vue de l'Indien.

« Oui, on ne voulait certainement pas faire un film de gentils contre les méchants. De plus en plus, les westerns aujourd'hui s'écartent du style traditionnel. Mais c'est clair qu'on ne voulait pas faire le western de papa. Pour moi, ce qui fait un bon film, c'est quand on sent qu'au-delà de l'écran il y a tout un univers, et qu'on en voit seulement une petite partie. Et en tant qu'acteur, le meilleur dans un film pour moi c'est quand vous découvrez des acteurs que vous n'aviez jamais vu auparavant. C'est l'expérience ultime. »

C'est quelque chose que vous essayez de reproduire aussi, dans votre façon de disparaître derrière chaque rôle ?

« Oui, j'espère en tout cas. »

Êtes-vous conscient de l'image que vous renvoyez en tant qu'acteur ?

« J'ai joué tellement de rôles différents, certains ont plu, d'autres pas, mais je ne sais pas, ça ne m'intéresse pas vraiment d'y penser. Ça vous empêche d'essayer des nouvelles choses. Quelle que soit l'image que les gens se font de moi... c'est la bonne. Tout me va (rires) ! »

Notre avis

La guerre, le capitaine Joseph Blocker (Christian Bale) la connaît bien : sur les champs de bataille, combattant les Indiens, il a vu le pire de l'être humain. Alors quand son supérieur lui confie la mission d'escorter le chef Cheyenne Wellow Hawk (Wes Studi) vers sa terre natale du Montana, sa première réaction est : pas question. Pour Blocker, ce sauvage est son ennemi. Mais parce qu'il connaît la langue Cheyenne et le chemin, il est forcé d'accepter. Sur leur route, ces deux hommes qui se détestent mutuellement devront faire preuve de solidarité face à un ennemi commun : les Comanches, qui détruisent tout sur leur passage. Ils croiseront aussi Rosalie (Rosamund Pike), seule survivante d'une de ces attaques, où elle a perdu sa famille. Avec voyage superbement filmé, Scott Cooper (‘Black Mass') signe un anti-film de cowboys puissant, qui questionne notre rapport à l'étranger. L'histoire des hommes s'est construite sur des rapports dominants-dominés, avec le racisme comme prétexte pour ‘civiliser'. Mais entre celui qui brandit une hache et celui qui tire au pistolet, qui est le civilisé ?

 

Elli Mastorou