Cannes expérimental

L'an dernier, c'était l'anniversaire des 70 ans, l'occasion de fêter le chemin parcouru et célébrer les grands noms du passé. Après le coup d'œil dans le rétro, pour ses 71 ans, le festival met le cap sur le futur ! Conscient des changements de l'air du temps, de la concurrence et des nouvelles façons de communiquer, Cannes 2018 sera, sur certains aspects, une édition expérimentale…
par
elli.mastorou
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? Rappel du principe

Le Festival de Cannes se compose de deux sections : la Sélection officielle (Palme d'Or à la clé) et Un Certain Regard (les futurs grands) présentent leurs films au Palais des Festivals, avec montée des marches et tapis rouge. A côté, il y a les sections parallèles : La Quinzaine des Réalisateurs (créée par des réalisateurs indépendants dans la foulée de Mai 68), la Semaine de la Critique (créée en 1962 par le syndicat des critiques ciné), et l'ACID (association de cinémas indépendants, à Cannes depuis 1993).

Traditionnellement, le festival s'ouvrait un mercredi de mai, jour des sorties ciné, pour se clôturer le dimanche d'après. Premier changement, la 71ème édition commence un mardi, et se terminera samedi 19 mai... histoire de faire la fête le samedi plutôt que le dimanche soir, et d'offrir aux festivaliers le jour d'après pour se remettre de leurs émotions. (Coup de chance : lundi 21 est également férié). Dans le jury présidé par Cate Blanchett qui décidera de la Palme d'or, on retrouve des représentantes de la jeune génération avec Kristen Stewart et Léa Seydoux, mais aussi Khadha Nin, chanteuse du Burundi, ou Chang Chen, acteur taïwanais. L'ouverture sera glamour à souhait, avec ‘Everybody Knows', le nouveau film d'Asghar Fahradi (‘Le Passé') avec Penélope Cruz et Javier Bardem. Quant à la clôture, à l'heure où on écrit ces lignes, son sort n'est pas encore joué : Terry Gilliam et son ‘Don Quichotte' est censé être montré, mais le producteur du film, avec qui Gilliam est brouillé, menace d'interdire la projection…

? La Sélection officielle : grands absents et nouveaux venus

Cette année, on ne peut pas dire que ‘c'est toujours les mêmes' comme on entend souvent après l'annonce de la sélection. Surprise ! Des jeunes loups (et louves) font leur première apparition, comme Eva Husson et Yann Gonzalez (France), David Robert Mitchell (USA), Ryusuke Hamaguchi (Japon), Nadine Labaki (Liban) et un premier film venu d'Egypte (Yomeddine de A.B. Shawky). Le quota ‘monstres sacrés' est quand même respecté a minima, avec le Japonais Kore-Eda, le Turc Nuri Bilge Ceylan (Palme d'or pour ‘Winter Sleep' en 2014) ou le Sud-Coréen Lee Chang-Dong. Lars Von Trier fait aussi son grand retour sept ans après avoir été banni pour ses propos étranges sur Hitler… mais son nouveau film sera montré hors compétition – faut pas pousser non plus. Enfin, n'oublions pas Jean-Luc Godard, infatigable et symbolique, de nouveau en sélection, 50 ans après avoir fait annuler l'édition de 1968, avec 'Le Livre d'Image'.

Le Grand Théâtre Lumière

Comment expliquer ce coup de vent frais ? On salue le désir d'innovation – mais on ne va pas se mentir, l'influence de la concurrence se fait sentir. D'un côté, l'arrivée de Netflix a bousculé l'industrie depuis l'an dernier. Après la nouvelle règle du festival, disant que pour qu'un film soit sélectionné en compétition il doit sortir aussi en salles, Netflix a décidé de boycotter Cannes cette année. Et comme ils ont produit, par exemple, le dernier Alfonso Cuaron (‘Gravity'), le Festival doit les supplier de les laisser le montrer… De l'autre, notons l'influence croissante de Venise et Toronto, des festivals qui se passent en septembre et donc plus près des Oscars : les succès récents de ‘La La Land' ou ‘La forme de l'eau', présentés à la Mostra de Venise, donnent envie à certains de se réserver pour la rentrée…

Presse : bouleversements

Traditionnellement, le film de la soirée de gala, avec montée des marches et tout le tralala, était montré à la presse le matin même. Ça donnait aux journalistes le temps de préparer leurs articles pour qu'ils soient dans le journal du lendemain. Mais avec les évolutions technologiques récentes, les réseaux sociaux avaient déjà disséqué le film au moment de sa présentation. Pour garder le côté ‘exclusivité', le festival a décidé cette année de ne pas montrer le film à la presse avant… mais après. Ça a suscité un tollé dans la profession, et une inquiétude – compréhensible – quant aux délais de publication. Le syndicat de la critique française et la FIPRESCI (fédération internationale des critiques ciné) ont publié des communiqués exprimant leur inquiétude. Le Festival fait de son mieux pour rassurer. Nous, on attend de voir : on n'est pas du genre à vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

 

Les films qui font déjà parler d'eux

Tout le monde a envie de voir ‘Rafiki' (Un Certain Regard), un film venu du Kenya qui raconte une histoire d'amour entre 2 filles, et déjà banni dans son pays. ‘Sauvage' (Semaine de la Critique), un film sur la prostitution masculine fait déjà parler de lui. Les nouveaux films de Gaspar Noé et de Romain Gavras avec François Damiens (Quinzaine) sont aussi attendus.

 

Et les Belges dans tout ça ?

 La Wallonie est présente avec ‘Nos Batailles' de Guillaume Senez à la Semaine de la Critique, un film avec Romain Duris et Lucie Debay, et ‘Seule à mon mariage' à l'ACID. La Flandre, elle, est présente à Un Certain Regard avec ‘Girl' de Lukas Dhont, l'histoire d'une fille transgenre dont l'affiche fait déjà beaucoup parler. Pour le reste, la Belgique est présente dans des coproductions, comme ‘Les filles du soleil' d'Eva Husson (Compétition), ‘L'homme qui tua Don Quichotte' de Terry Gilliam et ‘Le Grand Bain' de Gilles Lellouche (Hors Compétition).

Girl de Lucas Dhont (c) Menuet / Frakas / Topkapi / Lumière Belgium

 

Romain Duris et Laetitia Dosch dans Nos Batailles (c) Cinéart / Semaine de la Critique

 

 

 

71ème festival de Cannes – du 8 au 19 mai 2018. www.festival-cannes.com

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Elli Mastorou