Viggo Mortensen se confie sur David Cronenberg: «Il a un sens de l’humour particulier, et ça les gens ne le comprennent pas toujours»

Dans «Crimes of the Future» («Les Crimes du Futur»), l’acteur Viggo Mortensen travaille pour la quatrième fois avec son ami, le réalisateur David Cronenberg. Metro l’a rencontré.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 5 min.

Quatre. C’est le nombre de films que Viggo Mortensen (‘The Lord of the Rings’) a tournés avec le réalisateur David Cronenberg. Le premier était ‘A History of Violence’, en 2005, suivi de ‘Eastern Promises’ et ‘A Dangerous Method’, et enfin l’étonnant ‘Crimes of the Future’, aujourd’hui. Mortensen y joue un artiste se servant d’organes bizarres qui poussent dans son corps. Du Cronenberg, quoi.

Cronenberg a écrit ce scénario il y a déjà 24ans. Pourquoi est-il toujours pertinent?

Viggo Mortensen : «David parlait déjà à l’époque de l’impact de l’environnement sur le corps, et cela ne va pas mieux depuis. Nous avons tous des microplastiques dans le corps, peu importe si nous mangeons sainement. Le changement climatique est aussi plus que jamais une urgence. Nous avons tourné le film en Grèce, où il faisait 45degrés, avec des feux de forêt en permanence. Notre relation aux réseaux sociaux et à la technologie y est aussi abordée.»

Que faites-vous personnellement pour protéger l’environnement?

«J’essaie d’avoir un comportement responsable. J’achète le moins de choses possible en plastique, même si cela me demande plus d’efforts. C’est pareil pour la manière dont je consomme les infos. J’essaie de m’informer du mieux que je peux en écoutant les sources d’infos les plus variées possibles. Même des chaînes avec lesquelles je ne suis pas d’accord, comme Fox News. Je lis des journaux de différentes parties du monde, pour me faire une idée la plus complète possible d’une situation. Là aussi, ça demande un peu plus d’efforts. Je dois me lever un peu plus tôt, mais ça en vaut la peine.»

‘Crimes of the Future’ fait penser à certains égards à ‘Crash’. Quand ce film a été présenté à Cannes en 1996, il a fait scandale. ‘Crimes of the Future’ a été applaudi. Comment expliquez-vous cette différence?

«David Cronenberg a toujours été en avance sur son temps. Je pense que le monde le comprend mieux aujourd’hui. Les gens sont nettement plus habitués à voir des films et des séries qui abordent des thèmes difficiles. Et pas seulement les cinéphiles ou les fans de Cronenberg. David a eu aussi une énorme influence sur beaucoup de cinéastes, et ceux-ci ont permis que son travail soit davantage accepté aujourd’hui.»

Kristen Stewart a déclaré à Cannes qu’elle n’avait, en réalité, aucune idée du sujet du film en lisant le scénario. Et vous?

«Je pouvais quand même m’en faire une idée, comme d’un film noir classique. Pour la plupart des personnages, cela ne se termine pas très bien, il y a de la trahison, des agents doubles, beaucoup de choses. Le film se passe aussi en grande partie la nuit, avec beaucoup d’ombres. Mais il contient bien d’autres thèmes, comme la censure, l’autocensure et l’oppression. Je ne vais pas affirmer que j’avais compris tout de suite toutes les nuances, mais je voyais où il voulait en venir. Cela fait longtemps que David et moi sommes sur la même longueur d’ondes. Nous n’avons pas besoin de beaucoup parler sur le plateau, en général.»

Cronenberg vend sur SuperRare des photos de ses calculs rénaux en tant que NFT. En avez-vous déjà acheté?

«J’ai entendu parler de ça. Je ne peux pas dire que cela m’étonne (rires). Pour moi, c’est surtout une blague, en réalité. David a un sens de l’humour particulier, dans ses films et dans la vie quotidienne. Les gens ne le comprennent pas toujours. Je n’en ai pas acheté. J’avoue que je ne sais même pas comment ça marche ces NFT. La technologie ne me fait pas réagir comme David, qu’elle enthousiasme comme un enfant.»

Y a-t-il quelque chose que vous ne feriez pas au nom de l’art?

«Je ne vais jamais obliger quelqu’un à faire une chose contre sa volonté. Je ne vais pas faire du mal aux gens consciemment. La cruauté délibérée est impardonnable dans notre métier, et je pense que David partage cet avis. En même temps, je me fiche des normes sociales usuelles. Je ne vais pas éviter d’aller dans certains pays parce que, soi-disant, cela ne se fait pas, ou ne pas dire certaines choses parce qu’elles vont à l’encontre de l’opinion publique. Je ne me soucie pas de ça.»

Notre critique de Crimes of the Future:

Peu importe ce qu’on pense des films de David Cronenberg, il faut admettre que personne ne fait du cinéma comme lui. Ce n’est pas que personne n’ait essayé. Au contraire, le terme ‘cronenbergian’ existe et renvoie à des histoires de mutilations physiques et de personnages qui tentent de vivre avec. Dans ‘Crimes of the Future’, le réalisateur canadien remet – le sens de – tout ça en lumière. Le film se passe dans un futur proche et parle d’un artiste (Viggo Mortensen) qui pratique un art de la performance unique: des interventions chirurgicales publiques pour retirer les organes bizarres qui poussent dans son corps. Et ce n’est que le début. Cronenberg crée autour un univers érotique intriguant, surréaliste, souvent pince-sans-rire et tout aussi souvent pervers, avec un rôle particulier pour Kirsten Stewart en fonctionnaire intriguée. ‘Crimes of the Future’ s’adresse clairement à un public averti, les connaisseurs sauront l’apprécier. 4/5