Valeria Bruni-Tedeschi à propos du film «Les Amandiers» : «La part autobiographique du film, ce sont les émotions»

Pour son septième film en tant que cinéaste, Valeria Bruni-Tedeschi (vue récemment dans ‘Été 85’) s’inspire de sa propre formation d’actrice au Théâtre des Amandiers, pour mieux nous plonger dans les aléas tragicomiques d’une jeunesse théâtrale marquée par les années ‘80.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 3 min.

'Les Amandiers’ suit toute une promotion de jeunes acteurs sous la direction de Patrice Chéreau dans les années ’80. Une formation que vous avez réellement suivie…

Valeria Bruni-Tedeschi (petite photo) : «Je suis partie de souvenirs réels pour en faire de la fiction. Ce qui reste autobiographique, ce sont les émotions. Je suis un peu dans chacun des personnages, mais celui de Stella est évidemment le plus proche. On voit dans le film qu’elle a grandi avec beaucoup d’argent, qu’elle se sent plutôt seule et qu’elle a beaucoup de candeur. Tous ces éléments viennent de moi, mais une fois que j’ai trouvé mon actrice, je lui ai donné carte blanche. Je ne lui ai pas demandé de m’imiter.»

Avez-vous inventé des personnages?

«Celui de la jeune actrice jouée par Suzanne Lindon, qui rate le concours d’entrée mais qui décide de travailler à l’école comme serveuse. Elle revient sur le lieu de son échec pour s’accrocher à son désir d’y trouver une place. Parce qu’en entrant dans une école de théâtre, on a vraiment le sentiment de gagner, d’être choisi. Et encore plus aux Amandiers, où l’on se croyait au centre du monde.»

Patrice Chéreau est joué par Louis Garrel, qui le montre aussi colérique que désabusé. Une image peu resplendissante…

«On a écrit le personnage en essayant de respecter son intelligence, son amour des acteurs et son énergie capable de soulever des montagnes. Tout ça en partant de nos souvenirs et de vieilles interviews. Mais ce que vous voyez à l’écran, c’est la version fictionnelle que Louis en a tirée. On ne voulait surtout pas tomber dans le piège du biopic. On aurait pu changer son nom comme avec les élèves, mais je pense que c’aurait été trop artificiel.»

On sait que vous avez étudié aux Amandiers en 1986, mais les musiques du film sont un peu plus ’70s…

«Disons que la reconstitution historique du film respecte mes émotions. Ce sont bien les années ’80 puisqu’on vit l’arrivée du SIDA. Mais pour la musique, j’ai choisi Janis Joplin, Disco Party… Ce sont des chansons vieillottes que j’écoutais encore à l’époque. Pour les décors, c’est pareil. On ne s’est pas ennuyés à faire la chasse aux anachronismes, mais on a intégré des objets qui plongent mes émotions dans ces années-là, comme une cabine téléphonique. On n’a pas la même conversation dans une cabine téléphonique qu’en marchant avec son smartphone dans la rue, vous ne trouvez pas?»

Marina Foïs (sa partenaire de jeu dans ’La Fracture’, NDLR) dit que jouer avec vous est une aventure car on ne sait jamais à quoi s’attendre. En attendez-vous autant de vos comédiens?

«Absolument! C’est ce que j’ai cherché pendant les auditions, des acteurs prenant un réel plaisir dans l’inconnu. Je veux qu’ils me surprennent, que Machin tombe sans prévenir et que Machine se mette à rire quand on s’y attend le moins. J’adore quand une scène me surprend et ne ressemble en rien à ce que je m’étais imaginé.»

LES AMANDIERS

Stella a 18 ans et ne rêve que d’une chose, devenir actrice. Et si possible dans la prestigieuse école des Amandiers! Avec ses légers flottements narratifs, on se demande parfois où l’intrigue des ‘Amandiers’ nous mène. Mais en s’inspirant de ses propres souvenirs de jeunesse pour filmer les joies et les peines d’une promotion de jeunes acteurs parisiens dans les années ’80, Valeria Bruni-Tedeschi touche dans le mille et nous emporte dans une fougue tragicomique des plus vibrantes. Comme si le cinéma français avait absorbé ‘Fame’ pour en tirer un alter ego moins généraliste, mais tout aussi entraînant.