Une mini-série de six épisodes retrace la carrière des Sex Pistols: «Ils nous ont donné le courage de nous exprimer»

Rien d’étonnant à ce que le réalisateur britannique Danny Boyle soit sensible au punk. C’est en effet l’homme qui nous a donné ‘Trainspotting’ et ‘28 Days Later’, entre autres. Dans la minisérie en six épisodes ‘Pistol’, il retrace la courte mais fulgurante carrière du groupe légendaire qui a catalysé le mouvement punk: les Sex Pistols.

par
Rubet Nollet
Temps de lecture 4 min.

Vous aviez 19 ans lorsque les Sex Pistols sont nés. Quelle influence ont-ils eu sur vous?

Danny Boyle (petite photo) : «Je suis persuadé que je ne serais pas ici s’ils n’avaient pas existé. Je viens d’une famille d’ouvriers ordinaire. Enfant, j’ai grandi avec l’idée que ma classe sociale déterminerait toute ma vie. Car cela se passait toujours ainsi: les garçons feraient le même métier que leur père et les filles feraient comme leur mère. Les Sex Pistols ont mis fin à ça, définitivement. Ils ont déclenché une révolution et ont modifié le parcours de beaucoup de gens de ma génération. Ils nous ont donné le courage de nous exprimer.»

Sont-ils pour cela aussi un groupe résolument britannique?

«Avec sa monarchie et la société de classes sclérosée, la Grande-Bretagne avait en tous les cas besoin de quelque chose comme les Sex Pistols. Ils sont allés ébranler les portes du pouvoir. Je m’en souviens très bien. Nous avions vraiment le sentiment d’être libérés, avec tout d’un coup des possibilités impensables auparavant. Cela a été une révélation pour moi. C’est pourquoi aussi je suis si heureux d’avoir pu faire cette série. Même si, honnêtement, j’étais plus fan de The Clash que des Sex Pistols. Mais c’est un détail.» (rires)

Pourquoi les Sex Pistols sont-ils encore importants aujourd’hui?

«Au cœur de la vision et de la philosophie de Malcolm McLaren et Vivienne Westwood, les concepteurs du mouvement, il y a l’idée que vous devez toujours créer le chaos. Car du chaos vient la créativité. Cette idée est toujours très précieuse. Nous devons continuer à défier la façon traditionnelle d’aborder les choses. Personne ne sait quand, mais il y aura certainement encore des artistes qui se révolteront comme les Sex Pistols. C’est un instinct humain d’attaquer les valeurs établies. Il ne faut pas de formation ou de diplômes ou de bonnes origines pour le faire. John Lydon, l’ancien leader des Sex Pistols en est un parfait exemple. Nous savions dès le début qu’il attaquerait cette série. Et nous en sommes très heureux. Nous aimons sa façon d’être en opposition.»

Lydon n’a pas collaboré à la série. Le lui aviez-vous proposé?

«J’avais rencontré John à l’époque où nous avions utilisé la musique des Sex Pistols et de Public Image Ltd pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres. Je lui avais alors aussi parlé de nos projets pour cette série. Je l’avais trouvé très agréable. En janvier de l’année dernière, deux mois avant le début du tournage, nous avons à nouveau essayé de le joindre, mais n’avons pas pu aller au-delà de son manager. J’espère qu’il regardera ‘Pistol’, car il verra alors combien nous l’admirons. Il est comme Oscar Wilde ou [le poète irlandais] Brendan Behan.»

Quelle a été votre approche visuelle pour ‘Pistol’ ?

«Nous avons essayé de maintenir le chaos dont découle le punk. En laissant les scènes aux acteurs, par exemple. Au lieu de leur dire où ils devaient se placer, nous les avons suivis avec la caméra. Et si cela nous faisait rater un gros plan, eh bien tant pis. C’était l’énergie de chaque scène qui comptait. Pareil pour les morceaux. Les acteurs les jouent vraiment, et ils décidaient eux-mêmes de quelle façon.»

La série complète ‘Pistol’ est disponible sur Disney+.

Review

Quand on voit l’énorme impact qu’ont eu les Sex Pistols, il semble invraisemblable qu’ils n’ont fait, en tout et pour tout, qu’un seul album. Mais c’était bien plus qu’un groupe de musiciens. Ils étaient le porte-voix mal léché de tout un mouvement, une génération qui voulait s’arracher au conformisme sans avenir des parents et grands-parents. La minisérie ‘Pistol’ tente de résumer tout cela en six épisodes énergiques, mêlant images historiques, drame poignant et humour corrosif. Difficile de remplir une telle mission et la réussite n’est donc pas toujours au rendez-vous -comment pourrait-il en être autrement? La manière dont les créateurs explicitent la motivation philosophique du mouvement punk et tous les autres thèmes sociaux est même d’une maladresse hilarante par moments. Mais la série dispose aussi d’énormes atouts, dont les acteurs très enthousiastes et convaincants, et bien sûr aussi la musique inoubliable. Au mieux, ‘Pistol’ vous renversera agréablement, et il ne faut même pas être fan de punk pour l’apprécier.

3/5