‘Simone, le voyage du siècle’: «Le film a mis dix ans à se faire»

Elsa Zylberstein change de ton! Revenue de ses rôles comiques dans ’Adorables’ et ’Champagne’, la voici dans la peau de Simone Veil pour un biopic signé par Olivier Dahan ('La Môme'). À l’origine du projet, l’actrice s’est plongée corps et âme dans la vie de l’icône, de son combat pour la légalisation de l’avortement en France à sa survie dans le camp d’Auschwitz.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 5 min.

Vous êtes à l’origine du projet. Comment a germé l’idée d’un biopic sur Simone Veil?

Elsa Zylberstein: «J’ai eu la chance de la rencontrer plusieurs fois. Et quand j’ai lu sa biographie ’Une vie’, je me suis dit qu’elle avait un destin incroyable et qu’il faudrait un grand film sur cette femme. Ensuite ça a mis dix ans à se faire, le temps que je trouve les bons producteurs. J’avais adoré ’La Môme’ et je me suis dit que la seule personne qui pouvait faire ce film était Olivier Dahan. Pour son sens du romanesque, des femmes, de l’histoire. Je voulais qu’il y ait du cœur, de l’âme, que ce soit charnel, viscéral, habité.»

Qu’espérez-vous mettre en avant sur la personnalité de Simone Veil?

«Je veux montrer à quel point l’histoire l’a marquée au fer rouge. Comment son début de vie au camp a impacté sa vie et conditionné tous ses choix et ses décisions. Comment le personnage de sa mère l’a hantée aussi. J’avais envie de montrer la femme aux cheveux lâchés. Qu’est-ce qu’il y a derrière ce chignon et cette dureté apparente? Il y a de la pudeur, de la timidité et de l’indignation. De la brutalité parfois aussi, certes, mais encore plus d’humanité, de compassion et de sensibilité.»

Qu’avez-vous fait pour préparer le rôle?

«Oh la la, qu’est-ce que j’ai pas fait! J’ai travaillé avec plusieurs coachs pendant un an. On a fait une étude de mon oreille pour définir les sons que j’entendais, et comment aborder les siens. Pendant huit mois j’ai travaillé deux heures par jour avec un casque. J’écoutais de la musique classique, les discours au ralenti puis en accéléré, les extraits des interviews… Tout ça a flotté dans ma tête pendant huit mois. J’ai pris neuf kilos, on a contacté Chanel, qui a réimprimé les tissus de vêtements que Simone portait en 1974. [Marque une pause] Ça a été un long chemin, elle a vraiment infusé en moi pendant un an. Maintenant le rôle part tranquillement mais elle est encore un peu en moi. Elle m’a donné envie de m’indigner, d’avoir du courage et de prendre de la hauteur. C’était une leçon de vie de rentrer en elle et de comprendre comment elle fonctionnait.»

Une scène la voit annoncer qu’elle n’est pas féministe…

«Oui, j’aime beaucoup cette scène en Israël. Une jeune femme lui demande pourquoi elle ne quitte pas la France et ses problèmes. Et Simone lui répond qu’elle est Française, en toute simplicité. Après tout, c’est pas parce qu’on est juif qu’on a nécessairement envie d’aller vivre en Israël. C’est l’histoire qui la rend juive, Simone Veil. Bref, elle en vient à lui dire qu’elle n’est pas féministe. C’est dur à imaginer parce qu’elle est intrinsèquement féministe, tous ses choix de vie le disent! Dans les années ’70 et ’80, la bataille pour s’affranchir comme femme était vraiment difficile. Elle était d’une modernité incroyable, sans toujours s’en rendre compte.»

La dernière partie du film couvre son combat pour l’Europe. Est-ce une invitation à ne pas lâcher ses acquis?

«En fait, tous les discours compilés dans le livre ’Mes combats’ sont encore d’actualité. On dirait qu’ils ont été écrits avant-hier. C’est fou! On pourrait se dire que les jeunes générations ne se sentiront pas concernées par sa lutte pour légaliser l’avortement, et d’un coup tu vois qu’en Amérique les états bafouant ce droit se multiplient. Quand on voit qu’elle s’est battue comme une chienne pour obtenir ce droit-là, c’est dur d’entendre que certains pays sont prêts à le catapulter, à revenir en arrière. En Espagne, en Pologne… En fait le film est super actuel. Idem avec l’Europe, c’est un acquis qui vient de loin. Et qu’on sabote au lieu de protéger. Tout ça rend le film d’une acuité et d’une modernité étonnantes.»

‘Simone, le voyage du siècle’est projeté en salles depuis le 12 octobre

Qu’en a-t-on pensé?

La mode des biopics ne s’arrête jamais! Une recette plutôt associée à Hollywood, et célèbrement reprise en France par Olivier Dahan pour ‘La Môme’, le portrait d’Edith Piaf auréolé de succès aux Oscars en 2008. Malheureusement pour le cinéaste, celui qu’il dresse de Simone Veil aujourd’hui ne risque pas d’obtenir les mêmes lauriers. On y retrouve sa patte dans l’éclatement chronologique du scénario et les maniérismes de la mise en scène, qu’il pousse sans frein à leur paroxysme. Le résultat finit donc par ressembler à une longue bande-annonce scintillante de deux heures, avec des scènes très inégales et des dialogues souvent caricaturaux, bloquant les comédiens (d’un calibre pourtant impressionnant) dans un premier degré kitsch, proche des grandes sagas de l’été sur TF1 dans les années nonante. Tout cela est d’autant plus gênant vu lu sujet du film. Malgré ses bonnes intentions, on se dit qu’une personnalité historique aussi fascinante et essentielle que Simone Veil méritait bien mieux.