Sean Penn met en scène sa fille dans «Flag Day»: «J’ai très vite su que je lui offrirais le rôle»

Après avoir dirigé sa femme et son fils, Sean Penn braque sa caméra sur sa fille Dylan dans son nouveau film ‘Flag Day’. Un drame familial lui permettant de retrouver les vastes décors du cœur des USA qu’il chérit tant.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 4 min.

'Flag Day’ retrace la vie de Jennifer Vogel, une journaliste dont le père était un menteur pathologique. Pourquoi avoir choisi son histoire?

Sean Penn: «J’ai lu le scénario avant de lire le livre ou de la rencontrer. Ce script magnifique a directement provoqué des images dans mon cerveau. Et bientôt je n’avais qu’une seule envie: voir ces scènes prendre vie, et creuser encore plus loin dans les relations qui s’y trouvaient décrites.»

Quand avez-vous pensé à votre fille Dylan pour le rôle?

«Très vite! Son visage a surgi dans ces images qui me traversaient. Son truc à elle, c’est l’écoute. C’est une qualité non seulement très appréciable, mais qui était nécessaire pour ce rôle. Et Dylan a ça naturellement. Je savais que ce serait intéressant de placer une caméra devant elle. Ce personnage de journaliste au centre du film se défend en écoutant attentivement ce qu’on lui dit, mais en filtrant tout en direct. Quand on lui raconte des conneries, elle le sait. Et quand on lui partage sa peine, elle la comprend. Le visage de Dylan a guidé toute l’écriture qui a suivi. Pour mon premier film (’Indian Runner’, Ndlr), c’était l’image d’une voiture devant l’horizon. Et puis ont surgi ces paysages du Midwest américain pour lesquels j’ai déjà une certaine affinité.»

D’où vient cette sensibilité pour les espaces ruraux du Midwest?

«Je crois qu’elle vient de mon excitation sans bornes lorsque j’ai reçu mon permis de conduire à 16ans, et que mes parents m’ont laissé prendre la route pour traverser le pays. Pas qu’une seule fois en plus! Je ne pense pas cet enthousiasme découle d’une familiarité avec ma nation, mais plutôt de mon amour pour les films qui y ont été tournés. Enfin, je découvrais ce gros morceau des USA que j’avais fantasmé à travers le cinéma en grandissant, tel un Européen qui débarque à New York, ou dans un restoroute typiquement américain. C’est donc cette tradition, ce romantisme que le septième art applique sur mon pays qui me fait vibrer. Quand on a 16ans, qu’on devient indépendant pour la première fois, et que le lieu le plus exotique pour vous est un gros trou au milieu de votre pays, ça ne vous quitte jamais (rires)!»

Avez-vous déjà ressenti cette culpabilité parentale que votre personnage de mythomane ressent envers sa fille?

«Bien sûr! Il ne faut pas aller jusqu’à braquer des banques comme John pour comprendre ce que c’est de décevoir son enfant. J’ai donc très vite saisi que ça faisait partie du lien les unissant. Et je me suis dit que ce serait pareil pour le public. Qu’on allait tous en profiter pour faire une micro-thérapie ensemble (rires)! Mon seul job en tant que cinéaste est de faire en sorte que les gens qui voient mon film se sentent un peu moins seuls qu’en entrant dans la salle. Mais ça va dans les deux sens. Si le public comprend ’Flag Day’, ce sera agréable pour moi de savoir que je ne suis pas seul.»

Le film célèbre le métier de journaliste, mais vous avez déclaré par le passé que vous détestiez cette profession…

«J’ai toujours mes réserves concernant les journalistes écrivant sur le type de papier toilette que les célébrités utilisent, oui! Le journalisme devient un crime quand les lecteurs en déduisent des arguments autoritaires, ou conspirationnistes. Enfin disons que ça, ce n’est pas du journalisme. On est d’accord, non? Et on sait bien ce que le bon journalisme devrait être, soyons francs. Sans journalisme, nous les Américains serions de moins bons citoyens, peu informés sur les horreurs que l’on pratique en dehors de chez nous, comme en Afghanistan par exemple. Bref, je hais la façon dont le journalisme peut être déformé, et j’aime et reconnais le besoin d’être informé correctement. Je pense que ce seront les journalistes qui effaceront les tumeurs actuelles de notre société, pas les chirurgiens. Aujourd’hui, on arrive au point où l’on a jamais autant eu besoin d’eux.»

‘Flag Day’ est disponible depuis le 20 juillet en VOD sur BETV, Proximus, Google Play et iTunes.