Mostra de Venise: Les temps forts d’une édition gonflée à bloc

L’édition 2021 de la Mostra de Venise a marqué le retour en force d’un septième art blessé par la pandémie, mais prêt à rugir de plus belle.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 5 min.

‘Ce soir, je me sens entendue’! En offrant le Lion d’or à Audrey Diwan pour ‘L’événement’, le jury présidé par Bong Joon-ho sacre un drame puissant contant la lutte épuisante d’une jeune femme pour avorter dans les années soixante en France. Une conclusion parfaite à une édition marquant le retour en force d’un septième art blessé par la pandémie, mais prêt à rugir de plus belle.

Lion d’or pour ‘L’Événement’

Deux mois après la Palme d’Or cannoise de Julia Ducournau pour ‘Titane’, une autre réalisatrice prend la part du lion à Venise. La classe! Dans un film d’une puissance émotionnelle folle, elle dénonce la culture du silence autour de l’avortement. ‘Je suis la réalisatrice du film, et j’ai pourtant hésité à parler publiquement de mon propre avortement. Et encore, je suis Française et j’ai des droits, ça montre bien qu’on n’a pas fini le combat’!

Le retour des stars

Entre le casting stellaire de ‘Dune’ (Timothée Chalamet, Zendaya, Josh Brolin, Javier Bardem, Jason Momoa, Oscar Isaac… on continue?) et les passages remarqués de Kirsten Dunst, Benedict Cumberbatch, Anya Taylor-Joy, Maggie Gyllenhaal, Olivia Colman, Kate Hudson, ou encore Adam Driver, le retour post-COVID des célébrités sur le Lido ne faisait aucun doute. Avec, cerise sur le tapis, une apparition surprise de Jennifer Lopez aux côtés de Ben Affleck en fin de festival.

Ridley Scott reprend du poil de la bête

Le roi du divertissement ne déçoit jamais, mais ça fait un bail qu’on attendait un film du calibre de ‘Blade Runner’ ou ‘Alien’. C’est chose faite avec ‘The Last Duel’, combinant la touche féministe de ‘Thelma et Louise’ avec la plongée historique de ‘Gladiator’. Le tout scénarisé par le duo Matt Damon et Ben Affleck, et porté par l’incroyable Jodie Comer (‘Killing Eve’).

Virginie Efira est partout

Alors que sa comédie ‘Benedetta’ vient justement de sortir dans nos salles, l’invincible Virginie fait briller nos couleurs à Venise. Comme membre du jury de Bong Joon-ho déjà, mais aussi sur le grand écran, où elle vit une double vie dans le thriller ‘Madeleine Collins’ aux côtés de Bruno Salomone. Allez, un César en février prochain, et le Grand Chelem sera complet!

Prix d’interprétation pour Penelope Cruz

À ce stade, on peut parler de ‘malédiction Almodóvar’, l’homme qui fait gagner des prix à tous ses acteurs, mais rentre toujours les mains vides. Pourtant les cœurs se sont réchauffés devant la septième collaboration du duo le plus tendre du cinéma espagnol. L’histoire de deux femmes dont les maternités vont s’entremêler, ‘Madres Paralelas’ retrouve la poésie électrique d’anciens titres comme ‘Volver’ ou ‘Parle avec elle’, tout en s’aventurant sur le terrain politique de la mémoire collective en Espagne.

Netflix étend son emprise

Boudant toujours le festival de Cannes, qui impose à ses films de sortir sur grand écran, Netflix poursuit son histoire d’amour avec Venise. Trois ans après le sacre de ‘Roma’ d’Alfonso Cuarón, c’est Paolo Sorrentino (‘La Main de dieu’) et Jane Campion (‘The Power of the Dog’) qui apportent un cachet de légitimité au fameux logo rouge, en obtenant chacun un prix majeur.

Fluidité des genres au Brésil

Prix du public de la section parallèle ‘Venice Days’, ‘Deserto Particular’ a remonté le moral des foules avec une histoire d’amour énergisante entre un flic hétéro et une personne non-binaire. Utopie d’une culture de la masculinité dépassant ses angles morts, le film séduit et surprend de bout en bout. Notre scène préférée? La danse en boîte gay sur ‘Total Eclipse of the Heart’ de Bonnie Tyler. Plus kitsch, tu meurs! Plus beau, tu pleures!

Laure Calamy continue son ascension

L’assistante préférée des fans de ‘Dix pour cent’ continue son parcours sans faute au cinéma dans ‘À plein temps’, qui lui vaut le Prix de la meilleure actrice de la section Orizzonti. Elle y joue une mère célibataire poussée à bout mais ne lâchant rien, évoquant tant les héros combattifs des Frères Dardenne que la course électro-pop de ‘Cours, Lola, cours’. Six mois à peine après son prix aux Césars pour ‘Antoinette dans les Cévennes’, l’actrice s’impose comme un des noms les plus solides du cinéma français.

Isabelle Huppert nous redonne foi en la politique

On est tellement habitués à la voir jouer des peaux de vache qu’il y a de quoi presque tomber de sa chaise en découvrant ‘Les Promesses’. Dans la peau d’une maire de banlieue parisienne, l’héroïne de ‘Huit Femmes’ ne se transforme pas totalement en Mère Theresa, mais surprend en politicienne déterminée à œuvrer pour l’intérêt public. Après dix ans de fictions politiques fatalistes à la ‘House of Cards’, on vote à deux mains pour ce retour subtil à l’optimisme citoyen. Sans doute le symbole d’un septième art bien décidé à nous refaire rêver.

Le palmarès officiel:

Lion d’or: ‘L’Événement’ d’Audrey Diwan

Lion d’argent – Grand Prix du Jury: ‘La Main de dieu’ de Paolo Sorrentino

Lion d’argent du meilleur réalisateur: Jane Campion pour ‘The Power of the Dog’

Coupe Volpi de la meilleure actrice: Penelope Cruz pour ‘Madres Paralelas’

Coupe Volpi du meilleur acteur: John Arcilla pour ‘On the Job: The Missing 8’

Prix du meilleur scénario: Maggie Gyllenhaal pour ‘The Lost Daughter’

Prix du meilleur espoir: Filippo Scotti pour ‘La Main de dieu’

Prix spécial du Jury: ‘Il Buco’ de Michelangelo Frammartino

Prix Orizzonti du meilleur film: ‘Pilgrims’ de Laurynas Bareisa

Prix du meilleur premier film: ‘Imaculat’ de Monica Stan et George Chiper-Lillemark

Prix de la réalité virtuelle: ‘Goliath: Playing with reality’ de Barry Gene Murphy et May Abdalla