Lukas Dhont: «On peut le dire, cette année sera la grande fête belge à Cannes!»

Cannes is back! Et les Belges comptent bien en profiter, avec pas moins de huit films envoyés à la Mecque du cinéma, dont trois en compétition officielle. Du jamais vu!

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 4 min.

Le Renouveau

Pour sa 75ème édition, le festival de Cannes mise sur le renouveau, et ce n’est pas forcément au goût de tout le monde. Pour remplacer le président Pierre Lescure, qui conclura son troisième mandat à la fin du mois de juin, le choix s’est porté sur Iris Knobloch. Une femme, enfin! Oui, mais aussi quelqu’un ayant fait ses armes chez Warner, autrement dit issue du secteur privé, ce qui ne ravirait pas vraiment le Centre national du cinéma. Serait-ce une brèche dans la stratégie anti-Netlfix du festival, qui depuis dix ans rejette fermement les films de plateformes renonçant aux sorties en salle? Autre exemple de renouveau, fini les relais télé sur Canal+, au profit de France Télévisions et de sa chaîne numérique Brut. Le partenaire historique du festival suivait l’actualité cannoise depuis 28 ans, investissant la Croisette chaque année avec de somptueux plateaux télé, mais on murmure en coulisses que les prix de diffusion du foot ayant explosé, il a fallu trancher. ‘La Cité de la peur’ nous l’avait pourtant prédit: «Attention chérie, ça va couper»!

Les Habitués

Sur 21 titres en compétition, pas mal de noms déjà connus. Huit ans après avoir présenté ‘Maps to Stars’, David Cronenberg revient avec ‘Crimes of the Future’, une drôle histoire d’organes mutants et de chirurgies plastico-artistiques avec Viggo Mortensen et Kristen Stewart. Voilà qui devrait remplacer ‘Titane’ pour la Palme du gore-chic. Neuf ans après le semi-flop de Marion Cotillard dans ‘The Immigrant’, le new-yorkais James Gray entraîne Anne Hathaway et Anthony Hopkins dans le Queens pour ‘Armageddon Time’. Claire Denis (‘Stars at Noon’), Arnaud Desplechin (‘Frère et Soeur’), Park Chan-Wook (‘Decision to Leave’), ils sont tous de retour… Sans oublier ceux qui ont carrément déjà gagné une Palme: le Suédois Ruben Östlund avec ‘Triangle of Sadness’, le Japonais Kore-Eda Hirokazu avec ‘Broker’; le Roumain Cristian Mungiu avec ‘R.M.N’, et les Frères Dardenne bien sûr!

Les Films belges

Pas la première, pas la dernière, mais quelle année historique pour les Belges à Cannes! Trois films en compétition officielle sur un total de 21, ça fait de bien belles probabilités. Comme tous les trois ans depuis 1999, les Frères Dardenne ont accepté l’invitation du festival et viendront présenter leur douzième long-métrage, ‘Tori et Lokita’. Pour le reste, place à la nouvelle génération! Joachim Lafosse avait déjà secoué le tapis rouge l’an passé avec ses très jolis ‘Intranquilles’. Cette année, c’est ‘Close’ de Lukas Dhont (‘Girl’) et ‘Les Huit Montagnes’ de Felix Van Groeningen (‘La Merditude des choses’) et Charlotte Vandermeersch qui incarneront la relève noire-jaune-rouge. Et ce n’est pas tout, puisque les autres sections du festival accueillent nos films à la pelle: ‘Dalva’ d’Emmanuelle Nicot à la Semaine de la critique, ‘Rebel’ d’Adil et Bilal en séance spéciale de minuit (une case souvent réservée aux films choc de Gaspar Noé), ‘La Nuit du 12’ de Dominik Moll et ‘Don Juan’ de Serge Bozon pour Cannes Première, et ‘Le Parfum Vert’ de Nicolas Pariser à la Quinzaine des Réalisateurs. Interrogé en amont du festival, Lukas Dhont (‘Girl’) a commenté cette effervescence du cinéma belge avec enthousiasme: «Je trouve ça génial. Tous ces talents chez nous, ça donne envie de faire encore mieux, d’atteindre son meilleur potentiel. On peut le dire, cette année sera la grande fête belge à Cannes!». Pour sa première sélection en compétition, Dhont est plutôt bien accompagné puisque son actrice principale n’est autre qu’Émilie Dequenne, prix d’interprétation féminine pour ‘Rosetta’. La boucle semble bien déjà bouclée pour pouvoir briller!

Les stars attendues

Le festival de Cannes est un marché industriel autant qu’une manifestation culturelle, personne ne s’en cache. Mais la devanture glamour du tapis rouge demeure la pointe scintillante de l’iceberg. Qui pour briller plus fort que tous cette année? Tom Cruise se charge de faire venir Hollywood en France avec la suite de ‘Top Gun’, tout comme ‘Elvis’ de Baz Luhrmann avec Tom Hanks. Marion Cotillard, Isabelle Adjani, Robert Pattinson, Virginie Efira, Benoît Magimel, Michelle Williams, Nicolas Bedos, Vincent Lacoste, Sandrine Kiberlain, tout ça sent bon le gratin. Mais mieux vaut parfois sortir du vortex de la compétition, et regarder dans les plus petites sections du festival. Par exemple, cette année, notre curiosité se porte sur ‘Salam’s’, le documentaire de la chanteuse Diam’s que celle-ci viendra présenter après dix ans de silence complet. Ainsi que sur ‘Men’ d’Alex Garland (‘Ex Machina’), un slasher féministe et gore avec la star montante du cinéma britannique, Jessie Buckley (‘The Lost Daughter’).

En attendant la montée des marches, les pronostics sont ouverts. Le jury sera présidé par l’acteur Vincent Lindon, connu à la ville pour ses prises de position progressistes, voire carrément anticapitalistes, et sur le grand écran pour son sens de l’audace. Il a d’ailleurs joué dans ‘Titane’, la Palme d’Or explosive de l’an passé. De quoi promettre un palmarès 2022 des plus épicés.