«Le tournage de la suite de ‘L’auberge espagnole’ a débuté», révèle Cédric Klapisch

Dans «En Corps», Cédric Klapisch filme la danse et l’expression de soi. Le réalisateur français prépare également la suite de «L’Auberge espagnole».

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 5 min.

En filmant la reconstruction d’une ballerine découvrant la danse contemporaine, Cédric Klapisch ('L’auberge espagnole’, ’Ce qui nous lie') ajoute une corde à son bel arc de comédies sondant l’air du temps.

Quelle est l’origine du film? Votre envie de filmer la danse, ou l’histoire d’une reconstruction?

Cédric Klapish : «J’ai toujours vu un scénario comme une boîte à idées, une fusion de plein d’éléments disparates. On y met plein de choses, comme des réflexions sur le rapport homme-femme, sur les liens familiaux, sur la transmission… Et dans ce cas-ci sur la danse bien sûr. L’enjeu, c’est d’en tirer une seule histoire nourrie par ses ramifications, au lieu de dix. Par exemple, j’ai failli enlever le personnage de cuisinier joué par Pio Marmaï. J’avais l’impression de forcer son intrigue dans celle d’Elise. Alors qu’au bout du compte, il offre un bel écho à son besoin d’expression. Elle avec son corps, lui avec sa cuisine. Le thème premier du film est donc l’expression de soi.»

La danse et le cinéma font souvent bon ménage. Vous êtes-vous inspiré de grands classiques?

«Pas vraiment. Quand je pense à la danse, c’est plutôt dans le spectacle vivant. Je me suis demandé si je voulais qu’En Corps’ soit une comédie musicale. Assez rapidement j’ai balayé l’idée. C’est un film sur le monde de la danse, soit, mais sans la logique de ce genre spécifique et de ses codes. Et il n’y avait pas tant d’exemples de films comme ça. Bon, on me parle de ’Black Swan’, mais c’est un thriller, ça parle finalement très peu du monde de la danse… Et assez mal à vrai dire (rires)! Le terrain était donc assez vierge.»

La danse a-t-elle impacté vos choix de mise en scène?

«Oui, il faut se mettre à son service. Il y a trois styles dans le film: le classique, le hip-hop et le contemporain. Le hip-hop, ça se passe surtout au sol donc il faut filmer en plongée, ou carrément par terre. Le classique, c’est plus tourné vers le ciel et l’envol. Ça donne d’autres images à l’écran, ça vient naturellement. Et puis on s’est amusés avec notre fantaisie. Dans le ballet d’intro, les coulisses sont plutôt colorées en bleu, alors que la scène et la salle sont rouges. Le chaud, le froid, vous voyez l’idée. Mais ces couleurs se mélangent dans le spectacle final, et ça raconte quelque chose sur le parcours d’Elise.»

Comme d’habitude dans vos films, les personnages secondaires sont très nourris, et responsables des notes d’humour…

«J’aime quand on déborde du cadre. Ces rôles sont écrits, et ils sont bien là dès le début, mais ils sont susceptibles d’apporter quelque chose en impro. Comme la scène où Pio Marmaï mime la mort d’un gangster pour faire marrer les danseurs. Au départ, il y avait simplement écrit ’Pio fait le con’. Je ne savais pas que la scène allait devenir cette superbe leçon de faux ralenti.»

Y a-t-il un écho de la remise en question d’Elise dans votre propre jeunesse?

«Un peu, sans doute. À mes débuts, je voulais rentrer dans une école de cinéma prestigieuse à Paris, mais j’ai raté deux fois le concours. Ça, ça a été une blessure, comme le pied d’Elise dans le film. Mais j’ai fait autrement, je suis parti deux ans dans une école de cinéma à New York, et on retrouve un peu de cette tranche de vie dans ’L’Auberge espagnole’. Parfois, les grandes blessures fabriquent nos dépassements.»

Vous préparez d’ailleurs ’Salade Grecque’, une suite télévisée à la trilogie de ’L’auberge espagnole’. Ça se passe bien?

«On est en tournage à Athènes là, il y aura vingt-quatre épisodes! C’est bien la suite de l’histoire, et ça parle des deux enfants de Xavier et Wendy, qui maintenant ont la vingtaine. Ça parle de la nouvelle jeunesse européenne, et on s’amuse vraiment beaucoup. C’est agréable de continuer cette expérience de vie entamée il y a plus de vingt ans. Mais plus que ça, c’est nécessaire de montrer que l’Europe est en train de devenir quelque chose d’assez positif. Le Brexit a beaucoup questionné sa raison d’être, mais je crois qu’elle est encore en construction.»

Notre critique d’En Corps

C’est bien connu, il faut parfois tomber pour mieux se relever. C’est en tout cas ce qu’apprend Elise, une ballerine de vingt-six ans forcée de remettre sa carrière (et sa vie) en question suite à une fracture. Et comme le lui annonce chaleureusement le personnage de Muriel Robin: C’est pas plus mal que t’en chies un peu, toi’! Oubliez les geignardises de son dernier film (‘Deux moi’) et soufflez un bon coup, Cédric Klapisch a retrouvé sa forme d’antan. Et si la reconstruction d’Elise au centre du récit frôle parfois le bingo du coaching bien-être (la perfection est une chimère, le saviez-vous?), la joyeuse galerie de personnages secondaires orbitant autour d’elle vaut largement le détour. Qu’il s’agisse des sages conseils de Muriel Robin, de la bonhomie de François Civil, de la maladresse paternelle de Denis Podalydès, ou des fabuleuses engueulades entre Pio Marmaï et Souheila Yacoub, chaque note vient nourrir les jolies intentions de Klapisch, et son impressionnante faculté à sonder l’air du temps. (si) 3/5