Le réalisateur de «Notting Hill» revient avec un petit bijou de comédie

«The Duke» est le nouveau film feel-good de Roger Michell. Il retrace le cambriolage le plus cocasse de l’histoire du Royaume-Uni.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 5 min.

Plus de vingt ans après le carton de ‘Notting Hill’, son réalisateur Roger Michell revient avec un petit bijou de comédie, retraçant le cambriolage le plus cocasse de l’histoire du Royaume-Uni: le vol d’un tableau de Goya en 1961 dans la National Gallery, par un monsieur-tout-le-monde des plus sympathiques. Rencontre!

D’où est née l’idée de réaliser un film sur le cambriolage du Goya de la National Gallery?

Roger Michell : «J’ai reçu un scénario de ce fait divers dont je ne savais absolument rien. Bizarrement, personne en Angleterre ne connaît cette histoire, alors que ça a fait un bruit énorme à l’époque. Au point d’entrer dans la culture populaire, avec par exemple un clin d’œil assumé dans ’James Bond contre Docteur No’ en 1962. On peut y voir le tableau de Goya accroché au mur de repère du méchant (rires). Bref, l’histoire était neuve pour moi, et les rebondissements qui structurent le scénario m’ont tenu en haleine.»

L’histoire émeut pour son côté spectaculaire, mais elle sert surtout à parler du deuil d’un père…

«C’était écrit comme ça depuis le début. J’ai même dû retirer quelques dialogues pour que ces deux couches narratives, celle du casse du siècle et celle des motivations des personnages, s’entremêlent mieux et ne fassent qu’un. Quand le film démarre, on voit Kempton Bunton comme un joyeux perdant, mais au tempérament exubérant. J’ai voulu qu’on découvre sa douleur, et donc sa motivation, progressivement. Ça crée plus d’émotions, sans que ce ne soit artificiel.»

Comment la famille de Bunton a-t-elle réagi en voyant le film?

«Très bien! Son fils Jackie, qui était dans le coup en 1961 avec Kempton, a adoré le film. Il nous a dit combien sa famille avait apprécié notre souci du détail. Ils se sont sentis écoutés.»

Parlez-nous de vos choix pour le casting!

«On était tous d’accord pour dire qu’on ne ferait le film que si Jim Broadbent (vu dans ’Bridget Jones’, ’Moulin Rouge’, NDLR) acceptait le rôle. Les producteurs pensaient déjà à lui avant même que je n’arrive. Il y a des scènes où je n’avais même pas à le diriger! Ce rôle lui va tout simplement comme un gant. Pour Helen Mirren (vue dans ’The Queen’, NDLR), on se disait qu’elle ne voudrait pas du rôle. Mais les personnages de reines ne sont apparemment pas les seuls à réveiller son intérêt (rires)! Elle a sauté sur l’occasion, et s’est glissée dans la peau de cette femme au foyer avec beaucoup de sérieux et d’aisance.»

Avec son contexte ouvrier dans les années ’60, peut-on qualifier le film de socialiste?

«On se situe dans la tradition des ’Ealing comedies’, vous connaissez? C’est une série de comédies tournées dans le début des années soixante dans un studio appelé Ealing. Ces films s’inséraient dans le mouvement ’New Britain’, concentré sur des principes comme le soutien des syndicats, des ouvriers et de la gauche en général, à une époque où le pays se reconstruisait. Ça parlait donc surtout de personnes ordinaires faisant face au pouvoir pour diffuser une vérité. J’ai clairement voulu situer ’The Duke’ dans la lignée de ce genre spécifique, à la fois dans sa tonalité et son propos sociologique.»

On est tentés de dire qu’il s’agit d’un film typiquement britannique. Pourquoi à votre avis?

«C’est une histoire assez britannique de base, c’est vrai, en cela qu’elle célèbre l’excentricité d’un homme. Mais j’espère qu’elle aura une résonance au-delà de notre île. Notamment à cause de la pandémie qu’on vient de vivre, et le dédain que la classe moyenne a parfois ressenti de la part des autorités. Le bat a fort blessé, mais je pense que ça reste une opportunité pour se réveiller et prendre conscience que l’entraide doit toujours faire partie de nos décisions politiques. Je pense aussi que les gens ont envie de rire. Tout le monde, pas que les Anglais. C’est pour ça que la réaction du public est si chaleureuse. Il réagit à la relative légèreté de l’intrigue, tout en cueillant les idées plus sociales qui la nourrissent. C’est un joyeux hasard pour moi, qui ai plutôt tendance à raconter des histoires cafardeuses (rires).»

Notre critique de The Duke

Attention, coup de cœur! Vingt ans après ‘Notting Hill’, le réalisateur Roger Michell témoigne à nouveau de son talent pour emballer des histoires plus subtiles qu’elles n’en ont l’air dans l’enjouement d’un divertissement feel-good. Nous suivons l’excentrique Kempton Bunton (magnifique Jim Broadbent), un ouvrier de Newcastle jouant nonchalamment avec le feu à travers ses campagnes contre les autorités, défendant sans relâche l’intérêt des petites gens. Sa femme (Helen Mirren) et son fils jouent le jeu, jusqu’au jour où ce monsieur-tout-le-monde décide, sur un coup de tête, de voler un tableau de Goya dans la National Gallery! Le pays tout entier s’agite, le gouvernement se met en traque du pro qui a fait le coup, et notre bonne humeur explose dans ce jeu du chat et de la souris, aussi aventureux que socialiste. Le charme britannique de ‘The Duke’ opère tout de suite, et l’impressionnante fluidité de la mise en scène nous tient en haleine jusqu’au bout. Assurément l’une des meilleures comédies de l’année! (si) 4/5