Jonas Vermeulen en patron de discothèque : «Dans les murs du Zillion, tout devait être possible»

De 1997 à 2001, la discothèque anversoise Zillion a enflammé la vie nocturne belge. Même si elle n’a pas survécu longtemps, elle a marqué les esprits pour toutes les raisons possibles. L’excellent drame ‘Zillion’ permet de revivre cette folle époque, tandis que le rôle du patron de la boîte, le fameux Frank Verstraeten a été confié à Jonas Vermeulen. Son premier grand rôle principal… du costaud.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 5 min.

Vous étiez le guitariste du groupe de rock Psycho 44, qui s’est séparé récemment. Vous connaissez un peu cet univers des discothèques?

Jonas Vermeulen: «Moins que le monde de la scène, je l’avoue. Je suis déjà allé dans une discothèque, mais des clubs comme le Zillion, on n’en trouve plus aujourd’hui. Je suis aussi un grand fan de musique électronique, et la culture new beat des années 1990 est étroitement liée à ces grands dancings comme le Zillion.»

Dans le film, votre personnage qualifie le Zillion de ‘way of life’. Qu’entend-il par là?

«Je pense que Frank voulait créer avec le Zillion un endroit où il pouvait faire tout ce dont il avait envie. Le grand conflit dans le film, c’est qu’il doit quand même respecter toutes sortes de règles dans le monde extérieur, et il se heurte donc à des contrôleurs des impôts, des bourgmestres et des riverains. Cela s’est passé ainsi en vrai aussi. Mais dans les murs du Zillion, tout devait être possible. C’était son grand moteur.»

Vous avez pu parler abondamment avec le vrai Frank Verstraeten. Comment était-ce de le sonder?

«Frank est un personnage incroyablement fascinant. Mais il faut tenir compte du fait que vous ne pouvez jamais le lire à 100%. Vous avez constamment le sentiment que beaucoup de choses restent cachées. Mais il est terriblement divertissant. Il n’arrête pas de raconter des histoires de l’époque, et il se fiche toujours complètement des règles ou des codes sociaux. C’est simple, il fait ce qu’il veut. C’est aussi très intéressant à jouer.»

Le film le présente quand même comme un mythomane, quelqu’un qui ne craint pas le mensonge ou l’exagération. Croyiez-vous tout ce qu’il vous racontait?

«Il était très ouvert et direct. Mais à chaque anecdote, je me demandais quand même si tout cela s’était vraiment passé. Une des premières choses qui m’ont frappé quand je l’ai rencontré, c’est qu’il parle de lui comme s’il était une sorte de produit. Il parle de la même manière de Frank Verstraeten que du Zillion ou de l’entreprise qu’il gère aujourd’hui. Il se regarde avec énormément de distance, comme s’il faisait partie de l’opinion publique. Il aime créer un mysticisme autour de sa personne.»

Comment rend-on humain quelqu’un de si extravagant?

«Je voyais deux grands défis. Pour commencer, Frank est psychologiquement différent de la plupart des gens. Il pense et réagit avec une logique qui lui est tout à fait propre. Ce n’était pas simple à déchiffrer. Du fait qu’il est ainsi, il se comporte parfois de façon très crue et insensible, et vous ne voulez pas bâtir un film autour d’une personne que les gens trouvent repoussante et méchante. Nous devions passer par lui sans pour autant trahir son caractère. Le film n’excuse certainement pas tout ce qu’il a fait.»

Selon le film, Frank veut absolument faire ses preuves en raison de sa petite taille. Est-ce vraiment le cas? En avez-vous parlé avec lui?

«Non, mais c’est aussi typiquement Frank. Il est très ouvert pour partager toutes les histoires folles de l’époque. Mais dès que vous abordez le côté plus personnel et posez des questions sur sa relation avec ses parents ou ce complexe de Napoléon, vous n’obtenez pas de réponse. Il se met alors à parler d’autre chose.»

Vous y croyez, vous, à ce complexe de Napoléon?

«Je fais un mètre 65 et je n’ai jamais eu de problème avec ça. Mais pour Frank, c’était différent apparemment. On l’appelait toujours ‘De Kleine van Meise’ (‘Le Petit de Meise’) alors qu’il avait de très grands rêves et ambitions. Il se sentait limité par toutes les règles et restrictions. Il est incontestable aussi qu’il a un immense QI et donc d’énormes capacités. C’est hallucinant comme il était en avance sur son temps avec les ordinateurs. Il l’est sans doute toujours.»

EN QUELQUES LIGNES

À la fin des années 1990, Frank Verstraeten était célèbre. Ou tristement célèbre. C’est selon. Ses premiers sous, il les amassa avec une petite entreprise d’informatique innovante, sa vraie notoriété suivit avec la création de sa discothèque hors normes, le Zillion. Ce club branché devenu mythique pour ses excès, sexe, drogue et gros beats, disparut tout aussi vite. Mais durant quatre années les gens affluèrent de partout à Anvers pour vivre le phénomène. Dans ‘Zillion’, Robin Pront nous présente cela comme une histoire de gueux explosive, avec Verstraeten en Robin des Bois cinglé à l’ego inversement proportionnel à sa taille. Comparez-le à un ‘Loup de Wall Street’, un portrait aussi délirant d’hédonisme pur, plein de personnages que vous trouvez imbuvables au fond, mais dont vous ne parvenez pas à détourner les yeux. Mais le film a aussi un côté très belge, avec ses petits indépendants très créatifs pour frauder le fisc.

4/5