Irréductible: La vie de fonctionnaire de Jérôme Commandeur

Habitué aux seconds rôles piquants ('Les Tuche’, ’Le Flambeau'), Jérôme Commandeur assume enfin le devant de l’affiche dans ’Irréductible’, sa seconde réalisation. Une comédie pleine de cœur sur le fonctionnariat, librement adaptée de ’Quo Vado?’, le plus grand succès du box-office italien à ce jour.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 4 min.

Chacun a son avis sur le statut de fonctionnaire. Quel était le vôtre avant de vous lancer dans la réalisation du film?

Jérôme Commandeur : «C’est vrai que ce statut peut provoquer des réactions assez fortes chez les gens (rires)! Eh bien j’en avais, et j’en ai toujours une image très bonne. Le film charrie joyeusement les fonctionnaires, mais il leur rend aussi hommage à travers la diversité des métiers qui sont évoqués. C’est un coup de chapeau à ceux qui font fonctionner le collectif. On ne s’en rend pas toujours compte, mais ce sont des fonctionnaires qui vont exfiltrer nos concitoyens en Ukraine, qui vont réparer les pylônes après des catastrophes naturelles, qui vont retirer la neige des routes pendant les fêtes. Sans parler des soignants, qui sont au premier rang.»

Comment vous êtes-vous intéressé à ’Quo Vado?’, le film italien dont ’Irréductible’ est le remake?

«Il a eu beaucoup de succès en 2016, et je l’ai trouvé formidable. Je me suis dit qu’il y avait un terrain de jeu incroyable pour parler de la France et des Français. Il fallait donc ’franciser’ tout ça.»

En effet, si le film était belge, il comporterait des clins d’œil à notre culture du travail…

«C’est exactement ça, j’ai donc changé un bon tiers du récit. Le personnage de Christian Clavier était un sénateur dans l’original, mais j’en ai fait un syndicaliste. Et je tenais à ce qu’il ait une référence aux migrants, qui sont quand même encadrés jour après jour par nos fonctionnaires. Il ne s’agit que d’une courte blague montrant mon personnage en train de les laisser sortir, mais je voulais que le sujet soit présent à l’écran. Je voulais un personnage féminin très fort. Eva (jouée par Laetitia Dosch, NdlR) est insoumise, indépendante et elle ne demande rien à personne. Elle a fait trois gamins avec trois mecs différents, dans trois pays différents. Le sujet du déclassement a aussi été surligné. On vit dans un monde où on peut se faire livrer des baskets depuis la Chine en moins d’un jour, mais où nos interlocuteurs nous échappent, qu’il s’agisse d’un banquier ou d’un médecin. C’est ce que Vincent vit au début du film. Il est bien à son poste, et du jour au lendemain, on lui annonce que son service est supprimé, sans qu’il n’ait voix au chapitre. On lui fait bien comprendre qu’il n’est qu’un matricule.»

La scène avec Gérard Depardieu est folle! Il a accepté le rôle facilement?

«Celle dans laquelle il déclare son amour à la France? Ça aussi c’est un ajout. Je lui ai écrit un long e-mail, et il a directement dit oui. Je lui fais dire des choses qui vont un peu à contre-courant de ce qu’il pense de notre pays en ce moment, mais la scène marche juste trop bien.»

Le film n’est pas que drôle, il est aussi très beau visuellement, grâce aux scènes tournées au Groenland. Pas trop dur à financer?

«Non, car on avait le même film en tête avec les producteurs. Une comédie populaire, mais bien plus ambitieuse qu’un film de plateforme. Parce que oui, il faut faire du grand spectacle au cinéma. Et ça coûte de l’argent, c’est vrai. Pendant le confinement, on a beaucoup demandé à Valérie Lemercier si elle acceptait de sortir son film ’Aline’ sur une plateforme. Elle a toujours refusé en expliquant qu’il s’agissait d’un film de cinéma. Je suis comme elle, un irréductible du cinéma (rires)!»

On vous retrouve bientôt dans le nouvel ’Astérix’, réalisé par Guillaume Canet…

«Je joue Abraracourcix! Le tournage a eu lieu en juin dernier, et n’a duré qu’une petite dizaine de jours pour moi. Mais j’étais très heureux, et j’ai bien rigolé avec Audrey Lamy, qui joue Bonnemine.»

EN QUELQUES LIGNES

Vincent (Jérôme Commandeur) est un gentil employé du service des ‘Eaux et Forêts’ de la ville de Limoges, terriblement attaché à son statut de fonctionnaire et aux avantages que celui-ci lui offre. Manque de bol, l’État français a décidé d’écrémer dans ses rangs, et l’inspectrice en charge des départs (dits) volontaires (Pascale Arbillot) l’a dans le collimateur. Vincent, prêt à tout pour s’accrocher à ses privilèges, refuse le départ en bloc. Quitte à être envoyé dans les quatre coins de la France pour effectuer des jobs plus surréalistes les uns que les autres. ‘Irréductible’ a beau avoir la devanture d’une comédie française typique, il s’agit en fait du remake d’un succès italien, dont Commandeur est parvenu à garder la tonalité fantaisiste. Son clown de héros est un fainéant symbolisant tout ce qui tourne mal dans le service public, mais on s’y attache instantanément. Certains gags ne parleront qu’aux Français, et la plupart des vannes graveleuses tombent à l’eau, mais la folie douce de Commandeur l’emporte. Et nous avec!

3/5