Découvrez «Rebel», un film osé autour d’un jeune Belge combattant en Syrie

Le duo de réalisateurs belges Adil El Arbi et Bilall Fallah – Adil & Bilall, comme ils se font appeler – était aux anges lorsque ‘Rebel’ a été projeté en première mondiale à Cannes. Il s’agit tout compte fait d’un projet osé dans lequel ils ont investi 8 ans de leur vie. Le drame sur un combattant en Syrie de Molenbeek aidera aussi à adoucir la déception du film de superhéros ‘Batgirl’, qui n’a pas survécu à un changement de direction au studio hollywoodien Warner Bros.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 4 min.

‘Rebel’ est un film personnel, car il y a une dizaine d’années, vous avez vu beaucoup de jeunes autour de vous partir se battre en Syrie. Comprenez-vous pourquoi ce phénomène était si marqué en Belgique?

Adil El Arbi : «Je ne sais pas s’il y a déjà une conclusion claire quant à la raison pour laquelle tant de Belges y sont allés. Je pense que c’était une combinaison d’exclusion sociale et le fait que les autorités ne l’ont pas pris au sérieux. Cela a donné un cocktail toxique, qui a fait que, chez nous, beaucoup plus de jeunes sont partis. Dans d’autres pays, ils avaient peut-être plus de perspectives ou les autorités sont plus intervenues au moindre signe de radicalisme.»

Dans le film, vous comparez l’expérience auprès de l’EI avec l’île aux plaisirs de ‘Pinocchio’ Qu’entendez-vous par là?

«Lorsque l’EI a commencé à diffuser ces vidéos de propagande avec des enfants, ils faisaient comme si c’était un grand jeu là-bas. Cela me faisait penser à ‘Pinocchio’. L’EI laissait entendre que ces enfants pouvaient venir y jouer à la guerre avec de vraies armes, et que tout était permis. Mais en réalité, ils leur faisaient un lavage de cerveau et les poussaient à des atrocités.»

‘Rebel’ montre l’histoire de trois points de vue, une mère et ses deux fils. Vous y associez aussi les attentats de Bruxelles. Avez-vous longtemps hésité à le faire?

«En fait, non. Nous étions déjà en train de travailler sur ‘Rebel’, et quand il y a eu ces attentats, nous avons trouvé important d’en parler dans le film. Dans certaines versions du scénario, il y avait d’ailleurs tout un volet sur le sujet. Finalement, nous avons choisi de les intégrer dans une vidéo de propagande de l’EI. En nous focalisant sur le fils qui voit que la ville où vit sa mère et d’où il vient est devenue une cible, alors qu’il est si loin.»

Le cadet est joué par votre propre frère Amir. Écoutait-il plus facilement tonton Bilall que vous?

(rires) «Il nous écoutait tous les deux. Amir était super-efficace sur le plateau. Une ou deux prises et c’était dans la boîte. C’était très facile de travailler avec lui. Il s’intéresse aussi énormément à cette histoire. Il regarde des tas de docus et de reportages.»

Une femme toute vêtue de rouge apparaît plusieurs fois dans le film. Qui est-ce?

«Elle symbolise Scheherazade, la narratrice. J’avais l’idée de faire un film qui serait une version moderne des ‘1001 Nuits’, qui transporterait le public vers ce pays au Moyen-Orient. Aussi brutale et violente que soit cette histoire, je voulais tout de même la raconter d’une manière accessible et créer une sorte d’atmosphère transcendentale. Et cette femme symbolise la narratrice qui nous guide dans ce conte des ‘Nuits arabes’»

Vous avez reçu un mail de félicitations d’Oliver Stone, qui a écrit aussi que vous auriez dû davantage souligner le rôle de l’Amérique dans la naissance de l’EI. Une remarque justifiée?

«Je comprends ce qu’il veut dire. Les films d’Oliver Stone sont toujours très critiques de la politique américaine. Notre scénario initial abordait aussi la naissance de l’EI de manière plus approfondie. Nous avons même tourné quelques scènes où le recruteur faisait tout un speech qui déconstruisait tout le bloc américain. Mais, il fallait faire un film de 2 h 15, et ça a été coupé au montage. Ce sera pour une prochaine fois.»

Ou une minisérie de ‘Rebel’?

(rires) «Nous avons certainement assez d’images.»

Pas de réponse concluante

Qu’est-ce qui a pris à tant de jeunes hommes de partir pour la Syrie alors qu’y éclatait la sanglante guerre civile? ‘Rebel’ ne donne pas de réponse concluante à cette question, mais aborde un possible scénario de trois points de vue. Kamal, la vingtaine, se rend en Syrie pour échapper à la police et donner du sens à sa vie en y aidant des réfugiés. Il est loin d’imaginer qu’il sera embrigadé par l’EI. Pendant ce temps-là, sa mère Leila est très inquiète, surtout qu’elle voit son autre fils, le jeune Nassim, devenir la cible de recruteurs fondamentalistes. Ces trois perspectives créent une vue d’ensemble, mais mériteraient chacune leur propre film et ne reçoivent donc pas ici toute l’attention qu’il leur faudrait. Un gros coup de chapeau quand-même pour le panache et le culot incroyable du duo de réalisateurs Adil & Bilall, tant sur le plan visuel que formel. Auriez-vous seulement imaginé que les personnages se mettent à danser à un moment donné?

‘Rebel’ sort en salles le mercredi 5 octobre.