«Coupez!»: Michel Hazanavicius revient avec une comédie déjantée sur les zombies

Dix ans après avoir gagné plusieurs Oscars pour ‘The Artist’, le cinéaste français Michel Hazanavicius change radicalement de registre avec ‘Coupez!’. Présentée en ouverture du Brussels International Film Festival (BRIFF), cette comédie déjantée sur le tournage chaotique d’un film de zombies est aussi une déclaration d’amour au septième art.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 5 min.

'Coupez!’ repose sur un concept comique assez fou. Comment le résumer?

Michel Hazanavicius: «C’est une comédie sur le tournage d’un film raté, mais raté avec panache, et même une petite dose d’héroïsme! Parce que pour le rater, il faut quand même le faire.»

Il s’agit d’un remake du film japonais ’Ne coupez pas!’. Quand l’avez-vous découvert?

«C’était une coïncidence, car je travaillais déjà de mon côté sur un film de tournage quand on m’en a parlé. J’avais ce fantasme d’écrire une vraie comédie sur le monde du cinéma, parce que j’en ai vu des acteurs tarés, des techniciens capricieux et des producteurs à l’ouest dans ce milieu (rires). Je me suis lancé dans l’écriture, et j’en ai parlé par hasard avec un producteur qui venait d’acheter les droits de ’Ne coupez pas!’. Il me l’a montré, et je me suis jeté sur l’occasion.»

À quel point vous êtes-vous éloigné de l’original?

«Je suis resté très fidèle au film japonais. La structure en trois temps est la même, c’est-à-dire qu’on voit le film raté pendant 30 minutes, puis sa pré-production, et enfin les coulisses du tournage. Par contre, j’ai ajouté le personnage de l’ingénieur du son, et toutes les vannes plus françaises on va dire, en surface du film. Car ça a beau être un remake, c’est aussi personnel dans ma façon de plonger les personnages dans une sorte de connerie, où chacun va défendre son point de vue glissant avec beaucoup de sérieux.»

Le film commence par un faux film de zombies…

«Mais ce petit film dans le grand sert en fait de base aux gags qui suivent. Et à l’histoire du cinéaste raté joué par Romain Duris. Ces 30 premières minutes de pastiche créent de l’incompréhension, et nous préparent à l’effet jouissif de la troisième partie, dédiée aux coulisses du tournage. Pas mal de spectateurs se sont laissés avoir par cette première partie, pensant qu’on s’était contentés d’un exercice de style. Je trouve ça plutôt marrant qu’aujourd’hui encore, alors que tout se sait si vite, on puisse encore se laisser prendre par un spectacle. C’est réjouissant!»

Pensez-vous que le visionnage en salle soit nécessaire pour vivre l’expérience pleinement?

«Il y a un plaisir de groupe dans la salle, comme pour toutes les comédies, ça c’est sûr. Et encore, une salle n’est pas l’autre. Que les gens rient directement, ou qu’ils restent un certain temps dans la perplexité, la prise de conscience commune du dispositif narratif multiplie les émotions. Après, je crois que c’est un film qu’on prend beaucoup de plaisir à revoir plusieurs fois, et qu’on n’est pas obligés de le revoir en salle pour continuer à l’apprécier. Il fonctionne un peu comme un tour de magie, qu’on revoit après le premier éclat pour tenter de le décortiquer.»

Pourquoi avoir choisi Romain Duris, un comédien peu habitué aux comédies?

«Justement, j’adore quand les acteurs qui ne sont pas dits ‘de comédie’ se frottent au genre. Et Romain n’a pas essayé de modifier son jeu pour ajouter une corde à son arc. Non, il a tracé sa route et n’en avait rien à foutre d’essayer d’être drôle. Ça, c’est mon affaire à moi. Et avec ce type de jeu au premier degré, il suffit de décaler un tout petit peu pour que ça devienne hilarant. Tom Cruise, c’est pareil. Personne ne dit de lui que c’est un acteur comique, mais certaines scènes de ’Edge of Tomorrow’ sont tordantes, grâce à son aplomb d’acteur dit ‘sérieux’.»

Vos films sont très éclectiques. Quel en serait le fil rouge?

«Je n’y réfléchis pas trop mais on m’a fait remarquer que tous mes héros sont dépassés par une époque qui va plus vite qu’eux, qu’ils laissent le monde leur passer devant en quelque sorte. Il y a de ça dans ’The Artist’ bien sûr, mais aussi dans les autres si on y réfléchit.»

Review:

Vous aimez les films de zombies? Pas besoin d’aimer la chair fraîche ou les peaux verdâtres pour savourer l’humour décalé de ‘Coupez!’. En surface, il s’agit d’une comédie sur le tournage d’un film de morts-vivants partant en sucette. Ce faux film nous est présenté dans une intro surfant entre le pastiche et l’hommage aux films de série Z. Un premier morceau volontairement foutraque, mais dans lequel Michel Hazanavicius (‘La Classe américaine’, ‘OSS 117’) place tous ses dominos pour mieux nous faire rire ensuite. D’abord dans un second volet dédié à la pré-production du film, puis dans une troisième partie jouissive, où l’on revit le tournage du film depuis les coulisses. Mais ‘Coupez!’ est aussi une véritable lettre d’amour à la création cinématographique, jouant avec le langage filmé pour nous amuser, et reposant sur le récit d’un père (le cinéaste joué par Romain Duris) retrouvant le plaisir de créer en cédant sa caméra à son enfant (jouée par la propre fille d’Hazanavicius). Laissez-vous mordre, vous ne le regretterez pas! 4/5