Avec «Où est Anne Frank?», Ari Folman lit le fameux journal sous un nouvel angle

Tout le monde connaît le «Journal d’Anne Frank», mais le livre a-t-il des choses à nous apprendre sur notre actualité? Ari Folman, le réalisateur de ‘Valse avec Bachir’, a son avis sur la question!

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 3 min.

Quand avez-vous lu le «Journal d’Anne Frank»?

Ari Folman: «Je l’ai d’abord lu à 14 ans à l’école. C’était obligatoire, mais en vérité je ne m’en souviens pas du tout. Ça n’a pas dû beaucoup me toucher. J’ai grandi dans une famille de survivants de l’Holocauste, et ce que j’entendais aux réunions était dix fois plus dur que ce livre, dont le succès vient sans doute de l’absence de scènes d’atrocités. Pas de ghettos, pas de camps, pas d’interactions cruelles… ça aide à digérer. Mais je l’ai relu il a quelques années pour ce projet, et j’ai été choqué par la qualité du texte.»

L’histoire d’Anne Frank est tristement célèbre. Pourquoi y revenir?

«On y revient, mais pas vraiment. Dès le début, j’ai dit que je ne voulais pas raconter son histoire à elle, car vous avez raison, on la connaît. Le film n’aurait aucun intérêt si on s’était lancés dans un énième mémoire, mais notre histoire est un récit d’apprentissage (le genre du ’coming-of-age’, diraient les anglophones, NdlR), destiné aux enfants d’aujourd’hui. Le récit d’Anne Frank n’est qu’un tremplin vers notre film.»

Vous n’avez pas peur de tisser un lien avec la crise migratoire actuelle? Comparer la Shoah à quoi que ce soit, c’est compliqué…

«C’est une question qu’on me pose beaucoup, et on est bien sûr d’accord: ce sont deux situations différentes, tant dans le film que dans la vie. Un journaliste hollandais m’a reproché de comparer les autorités néerlandaises aux gardes nazi. Je lui ai répondu qu’il avait fait cette comparaison tout seul, comme un grand. Regardez la maison des réfugiés dans notre film! C’est un espace coloré, où les enfants patinent, écoutent de la musique et apprennent… Ce n’est pas comme ça que je représenterais un camp de concentration. Bref, je comprends la question, mais je pense qu’un enfant de dix ans ne me la poserait jamais.»

Anne Frank a inventé Kitty. À qui ressemblerait votre confident imaginaire?

«Frank Zappa! Pas le Frank de la fin, plutôt celui des années ’60 et ’70, quand ses deux premiers albums sont sortis (rires).»

Notre critique de «Où est Anne Frank» ?

Et si le «Journal d’Anne Frank», bien rangé dans son musée, prenait vie sous les traits de Kitty, la confidente imaginaire de la jeune fille? Que penserait-elle de ces touristes défilant en masse pour observer ses pages? Et quel regard porterait-elle sur notre société occidentale, aussi vibrante qu’intimidante? Treize ans après le succès critique et commercial de ‘Valse avec Bachir’, son réalisateur Ari Folman utilise une fois de plus l’animation pour parler de choses sérieuses. Mais il change son public d’épaule, et s’adresse surtout aux enfants dans une jolie parabole sur la puissance de l’art pour agir sur la réalité. Mais le ton général est fort didactique et donne souvent l’impression… d’être au musée! L’animation vaut le détour, mais on attend toujours le retour au sommet d’Ari Folman. 2/5