Avec «Memory», un film belge a droit à un remake avec Liam Neeson dans le rôle principal

Avec «Memory», Martin Campbell s’attaque au film belge «La mémoire du tueur». Metro a rencontré le réalisateur.

par
Ruben Nollet
Temps de lecture 5 min.

Un film belge qui a droit à un remake avec Liam Neeson dans le rôle principal, cela n’arrive pas toutes les semaines. La réalisation de ‘Memory’, une adaptation de ‘La mémoire du tueur’ (‘De Zaak Alzheimer’, en v.o.), est en outre aux mains d’un homme qui, outre deux James Bond (‘GoldenEye’ et ‘Casino Royale’), a d’autres films d’action à succès tels ‘Le Masque de Zorro’ à son actif: Martin Campbell.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans un remake de ‘La mémoire du tueur’?

MARTIN CAMPBELL : «Je trouvais le film original vraiment bon. L’histoire a des choses à dire sur la traite des femmes et l’industrie du sexe. C’est pourquoi nous avons aussi situé notre version à la frontière entre les USA et le Mexique. Le trafic sexuel y est omniprésent. Et c’est aussi un concept fort, une histoire intrigante autour d’un personnage complexe.»

‘Memory’ reste pour la majeure partie très proche de l’original.

«Pourquoi toucher à un scénario si bien ficelé? Même si nous avons adapté certaines choses, comme notre fin, qui est tout à fait différente. J’y ai aussi ajouté une nouvelle scène d’ouverture, pour faire comprendre dès le début quel genre de personne est ici Liam Neeson. Dans le passé, Liam était généralement la figure paternelle qui se révélait à mi-film le sauveur. Je voulais montrer d’emblée que, dans ‘Memory’, il joue un tout autre personnage.»

Le fait que le méchant dans votre version soit une femme a-t-il une importance?

«Cela donne en tout cas une étrange relation oedipienne avec son fils. (il ricane) Je trouve une mère par définition plus dangereuse qu’un père. L’idée m’est venue avec un de mes films préférés, ‘The Manchurian Candidate’ (‘Un crime dans la tête’). Angela Lansbury y joue une femme extrêmement nocive et manipulatrice, mais elle agit par amour pour son fils. Dans ‘Memory’, c’est pareil. Le personnage de Monica Bellucci aime son fils de toute son âme.»

Vous êtes-vous beaucoup documenté sur la maladie d’Alzheimer, ou estimiez-vous que ce n’était pas vraiment nécessaire?

«Nous avons fait quelques recherches. J’ai bien sûr fortement réduit et resserré l’évolution de la maladie. Je n’avais qu’une heure trois quarts, à compter du moment où le personnage principal commence à oublier des choses jusqu’à la fin. Même s’il est vrai que les coups qu’il encaisse le font régresser très vite.»

C’est amusant de voir Guy Pearce dans un film sur un personnage qui écrit des informations sur ses bras pour ne pas les oublier. Avez-vous discuté de ‘Memento’?

«Honnêtement, cela n’a pas été évoqué. (rires) Le personnage de Guy Pearce est différent aussi de Vyncke dans ‘La mémoire du tueur’. Je voulais un enquêteur ayant déjà vécu beaucoup de choses, un policier honnête dans un système corrompu. On voit sur son visage combien il a déjà dû se battre contre un système qui, manifestement, n’a pas envie de demander des comptes aux vrais coupables.»

Vous montrez les centres d’accueil où les sans papiers attendent leur sort dans de grandes cages. J’ignorais totalement que ces ‘processing facilities’ étaient exploitées par des entreprises privées.

«C’est souvent le cas, oui. Et c’est donc un élément parfait pour cette histoire. Il s’y passe beaucoup de choses que vous préférez ne pas savoir. Dario Scadarpane, le scénariste de ‘Memory’, a écrit aussi la version américaine de la série danoise ‘The Bridge’, et celle-ci se passait aussi à la frontière américano-mexicaine. Dario sait donc parfaitement ce qui se passe là-bas.»

Etiez-vous stupéfait en le découvrant, ou est-on, à 78 ans, devenu trop cynique?

«Non, j’ai été vraiment surpris. Quand vous faites un film dans un tel cadre, vous apprenez automatiquement des choses. Vous voyez des choses que vous ne saviez pas, et je n’étais jamais allé à cette frontière. Au départ,‘Memory’ devait se passer à Phoenix dans l’Arizona, mais cette ville est en plein désert, très loin de la frontière. Nous avons donc déménagé à El Paso. Là, il est impossible d’ignorer la problématique.»

Notre critique de «Memory»:

«Je suis très content de ‘La mémoire du tueur’», avait lâché récemment Liam Neeson lors de notre entretien pour la sortie de ‘Blacklight’. On comprend facilement pourquoi. Comparé à ce terne thriller d’action, ‘Memory’ est une perle, du fait aussi que Neeson a ici un vrai rôle. Il s’agit tout compte fait du remake du thriller d’Erik Van Looy, ‘La mémoire du tueur’ (‘De Zaak Alzheimer’), sur un tueur à gages atteint de pertes de mémoire. ‘Memory’ peut s’appuyer sur le solide concept du roman original de Jef Geeraerts, Liam Neeson et Guy Pearce sont très bien dans les rôles principaux, et le réalisateur Martin Campbell est un professionnel du film d’action et assez malin aussi pour reprendre les meilleures scènes du film original. La frontière américano-mexicaine donne en outre un décor intrigant. Mais le manque flagrant d’humour et quelques piètres seconds couteaux (dont hélas Monica Bellucci aussi) lui mettent trop de bâtons dans les roues. Sans le moindre chauvinisme: ‘La mémoire du tueur’ était meilleur. (rn) 2/5