Caroline Désir fera tout pour avoir une rentrée scolaire en code vert

Cette année académique 2020-2021 aura été particulière pour tous les étudiants à travers le pays. Alors qu’elle s’achève dans quelques jours, la ministre de l’Enseignement obligatoire en Fédération Wallonie-Bruxelles Caroline Désir a répondu aux questions des lecteurs de Sudinfo.be lors d’un direct de près d’une heure.

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> Pourquoi changer le rythme scolaire, perturber le rythme des enfants et compliquer la vie des parents ?

On ne veut absolument pas perturber les enfants. On veut au contraire tenir beaucoup mieux compte du rythme naturel des enfants et de leurs besoins. On est parti du constat posé par de nombreux experts en chronobiologie, qui depuis 30 ans estiment que les rythmes scolaires annuels sont très peu adaptés et pensés au départ des besoins de l’enfant. On a des périodes parfois de 10 semaines de cours, suivies d’une semaine de congé, puis de 5 semaines de cours ; et donc c’est très déséquilibré tout au long de l’année. Je pense que tous les enfants ont déjà constaté que leur enfant était épuisé au bout d’une longue période d’apprentissage de 10 semaines. Ce sont des périodes difficiles aussi pour les professeurs, pour avoir l’attention de leurs élèves. Le point de départ de la réforme, c’est donc de beaucoup mieux équilibrer ces périodes tout au long de l’année avec une alternance systématique de 7 semaines d’apprentissage suivies de 2 semaines de repos et de congés. L’autre point de la réforme, c’est la période des vacances d’été de 9 semaines, qui est très longue et qu’il faut aussi occuper en trouvant des stages, des activités, etc. Et on constate que cette longue période où l’on est coupé de l’école et de l’apprentissage fait que les enfants régressent un peu et qu’à la rentrée, il faut réactiver certaines compétences et certains acquis, alors qu’une période un petit peu plus courte serait un peu plus favorable. Donc on propose de réduire les vacances d’été de 9 semaines à 7 semaines, et de redistribuer ces 2 semaines gagnées à la Toussaint et au Carnaval.

> Cela va poser problème pour ceux qui ont des gardes partagées…

C’est exact, et cela fait partie des choses sur lesquelles on travaille actuellement. Cette réforme entrera en vigueur en septembre 2022 donc on a encore toute une année scolaire pour bien préparer les conditions d’application de cette réforme. Pour les gardes alternées, les parents ont généralement des schémas de garde établis dans des conventions, et tout cela va devoir être adapté. On a pris des contacts avec avocats.be pour établir des conventions type et pouvoir faire entériner cela via des procédures de médiation notamment.

> Cette année, mes enfants sont revenus avec leurs classeurs le 21 juin alors que les cours sont censés se terminer le 30 juin. Quand les vacances commenceront plus tard, que vont faire les professeurs durant les 15 jours ?

Quand l’année scolaire se terminera par exemple le 6 ou le 7 juillet, en fonction des années, tout sera décalé. Les conseils de classe ne seront pas juste avant le 30 juin comme aujourd’hui. Il n’y a pas de raisons qu’il y ait une plus longue période d’inactivité. Et en même temps, nous allons mener une réflexion sur ces fameux jours blancs, car il y a quand même de nombreux parents qui se plaignent. Il y a un nombre de jours minimum pour organiser les conseils de classe notamment. Mais c’est vrai que c’est une période où l’on pourrait organiser beaucoup plus d’activités, notamment à destination des adolescents qui sont parfois un peu laissés dans la nature.

> Ne seront-ils pas tout autant épuisés s’ils doivent être mis en stage durant les périodes additionnelles en automne et au printemps ?

Si les périodes scolaires sont remplacées par 100 % de stages, il peut y avoir une certaine forme de fatigue mais je pense qu’on peut aussi laisser les enfants se reposer à certains moments. Si les parents ne sont pas disponibles, il y a parfois d’autres solutions de garde dans la famille. L’équilibre entre temps de repos et temps d’activité, il faut essayer de le préserver car les enfants ont besoin aussi de temps en temps de se poser et de recharger les batteries.

> Mon enfant a échoué à son CE1D, et autour de moi j’entends de nombreux cas similaires. Des examens de rattrapage en septembre auraient pu être une deuxième chance pour ces élèves fatigués…

Pour l’instant, les résultats de fin d’année sont en train de tomber et je reçois pas mal de messages en ce sens. ça a été une année très compliquée pour les élèves et pour les enseignants. Je félicite ces élèves qui se sont accrochés tant bien que mal, avec parfois de longues semaines de cours à distance. Je sais que ça a été très difficile. J’espère que les résultats seront à la hauteur de leurs espérances. Mais n’oubliez pas qu’il existe des procédures de recours si vous n’êtes pas satisfaits de la décision d’un conseil de classe. C’est un recours à deux niveaux : il faut d’abord introduire un recours interne, qui va être examiné au sein de l’école, et ensuite un recours externe si l’école confirme la décision du conseil de classe et que vous n’êtes pas d’accord. Il faut faire très attention car les délais sont très courts en cette fin d’année pour mobiliser ces procédés de recours.

> Estimez-vous être à la hauteur des attentes du corps enseignant ?

Ça a été une année extrêmement difficile, j’ai dû prendre des décisions parfois très rapidement dans un contexte qu’on maîtrisait tous très mal ; y compris les experts qui connaissaient mal ce virus au début. J’étais en fonction depuis 6 mois quand la crise sanitaire nous est tombée dessus. On a dû tout inventer. Tout n’a pas été parfait dans la gestion de cette crise, mais on a tout le temps essayé avec mon équipe de faire de notre mieux. Je sais que des directions d’école m’ont reproché ma façon de communiquer mais on a dû parfois prendre des décisions très vite et les communiquer très rapidement. Après, je serai aussi contente de sortir de la gestion de crise car on a beaucoup de chantiers à mener dans le cadre de la réforme pour un pacte d’excellence, pour améliorer notre système scolaire. Donc j’espère avoir développé la meilleure relation avec les enseignants, qui sont sur le terrain au jour le jour et sans qui rien ne peut se faire.

> Y aura-t-il une rentrée scolaire normale ? Y aura-t-il du distanciel ?

J’aimerais pouvoir le promettre. Je n’ai pas de boules de cristal. Il y a des avancées significatives, la vaccination progresse très bien et les chiffres sont très bons. Donc on a de bons espoirs pour que la rentrée de septembre soit normale et que l’année scolaire prochaine ne soit plus perturbée. Donc on peut s’attendre à une année scolaire plus simple. Mais je reste très prudente. On espère faire une rentrée en code vert mais je verrai les experts sanitaires dans le courant du mois d’août avec les dernières données.

> Je suis enseignant depuis 20 ans, je constate un nivellement par le bas pendant les évaluations externes qui analysent le niveau minimum. Les élèves les trouvent trop faciles et ne font plus d’efforts, les bons élèves sont frustrés. Où est l’excellence ?

Notre volonté n’est absolument pas de faire du nivellement par le bas. La préparation à ces évaluations externes que sont le CE1D, le CEB, le CESS, se fait en amont. C’est un an de préparation avant la passation des épreuves. C’est un groupe de travail avec des experts, des enseignants, qui établit ces épreuves dans les matières concernées. La volonté n’est pas de faire diminuer le niveau d’exigence de nos élèves. C’est toujours un peu subjectif : certains trouvent cela trop dur, d’autres trop facile. Ce qui est important avec ces épreuves, c’est d’avoir à des moments clé du parcours des élèves, une photographie de leurs connaissances et de leurs compétences, de faire des comparatifs d’une année à l’autre et mesurer notre enseignement.