Volleyeuse et aspirante députée conservatrice: le combat d'une trans brésilienne

"Pourquoi pas"? C'est le slogan de campagne de Tifanny Abreu, volleyeuse professionnelle qui rêve de devenir la première députée trans élue au Parlement brésilien sous les couleurs d'un parti conservateur.
par
Camille
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Avant de se présenter au scrutin du 7 octobre, cette attaquante d'1,92 m et bientôt 34 ans née sous le nom de Rodrigo Pereira de Abreu était déjà connue. En décembre dernier, elle avait déclenché un tollé en devenant la première trans à évoluer en première division féminine au Brésil. Auparavant, sa carrière dans le volley masculin l'avait menée en Europe, au Portugal, en Espagne, en Belgique, mais aussi en France, à Asnières.

Mais elle s'est toujours sentie femme dans un corps d'homme. "Pendant 27 ans, je me consumais de l'intérieur", raconte Tifanny. "J'aurais voulu faire ma transition (de changement de sexe) quand j'avais 12 ou 13 ans, parce que dès l'enfance, je savais que j'étais une femme. Mais je manquais d'information, d'orientation et surtout d'hôpitaux pour m'opérer", raconte-t-elle.

AFP / N. Almeida

Née dans une famille pauvre de Goias, elle a finalement sauté le pas 2012, après une dépression. "J'ai quitté une équipe dans laquelle j'étais le deuxième marqueur du championnat (la deuxième division belge) pour débuter la transition. Je ne pouvais plus vivre dans ce corps", affirme celle qui défend aujourd'hui les couleurs de Bauru, club féminin de l'Etat de Sao Paulo.

Protégée par le règlement

Ce retour au Brésil dans une compétition féminine a fait l'effet d'une bombe. De nombreux joueuses se sont indignées, dénonçant une concurrence déloyale. Mais elle a obtenu le droit d'être inscrite dans la Superliga brésilienne grâce à un règlement du Comité olympique international (CIO) qui autorise les trans à disputer des compétitions féminines si leur taux de testostérone reste inférieur à 10 nmol par litre de sang.

AFP / N. Almeida

"Son corps a été construit avec de la testostérone pendant toute sa vie. Ce n'est pas une question de préjugé, mais de physiologie", s'est insurgée sur Twitter Ana Paula Henkel, ex-internationale brésilienne médaillée de bronze aux JO d'Atlanta-1996. "Si je suis protégée par le règlement, pourquoi me ferais-je du souci avec ce que disent les gens", rétorque Tifanny Abreu.

Elle balaie avec la même désinvolture les piques qui lui sont adressées au sein même de la communauté LGBT pour son choix d'être candidate à la Chambre des députés pour le MDB, parti de centre droit du très impopulaire président Michel Temer.

"Pour l'amour de Dieu"

Pour les élections générales d'octobre, 53 candidates sont trans, contre cinq lors du dernier scrutin, mais Tifanny Abreu est une des seules qui ne représente pas un parti de gauche. Très croyante, elle espère que son exemple aidera les trans à être mieux acceptées dans une société brésilienne particulièrement machiste. Selon les chiffres de l'Association nationale de travestis et transsexuels (ANTRA), le Brésil est le pays au monde où l'on tue le plus de trans, avec 179 meurtres recensés en 2017.

"Quand on m'a proposé de revenir au Brésil, beaucoup de gens m'ont conseillé de rester en Europe à cause de la discrimination, mais Dieu merci les choses commencent à changer", affirme-t-elle. L'aspirante députée sait que si elle parvient à se frayer un chemin au Parlement, d'autres obstacles l'attendent au sein d'un hémicycle où la parité et la diversité sont loin d'être de rigueur.