Visiter le Bruges… du Moyen Âge

par
Gaetan
Temps de lecture 4 min.

Être téléporté dans le Bruges du 15e siècle. Cette idée semble farfelue mais elle est au centre de la nouvelle attraction innovante de l'Historium de Bruges. À travers son « Virtual Reality Laboratorium », l'institution historico-culturelle propulse les visiteurs dans une dimension tridimensionnelle grâce à l'Oculus Rift DK2 jusqu'au 31 mai. Metro a enfilé ces lunettes de réalité virtuelle et a arpenté les rues d'une Bruges moyenâgeuse.

Un saut dans le passé

« Ah, on se retrouve mon cher ami ! », nous chuchote une voix grave à l'oreille alors que nous frôlons la cybercrise cardiaque. Et pour cause, nous voilà projetés en 1435, mais surtout à plus de 20m du sol, sur la vigie d'une caravelle naviguant sous pavillon portugais en direction de Bruges.

À cette époque, la Venise du Nord papillonnait dans son siècle d'or. Véritable plaque tournante de l'Europe de l'Ouest, la métropole regorgeait de marchandises en tous genres (épices, fourrures, tapisseries, soie, etc.) que les commerçants s'arrachaient. Du (très) haut de notre point d'observation, nous balançons des regards à droite, à gauche, en haut et en bas. Il est troublant de ne plus repérer nos genoux, ni notre corps. Nous entendons le cri des mouettes et le crépitement du bois du bateau qui tangue au contact des vagues. Nous observons les marins qui aboient leurs ordres et nous sentons la brise qui fait battre la voile du navire.

Le décor planté, l'aventure virtuelle nous transporte à bord d'une embarcation (plus basse, ouf !) sur le canal qui mène au centre-ville de la Bruges médiévale. Nous traversons les Polders et pénétrons dans la ville par son avant-port, Sluis. Nous reluquons la Grande Grue qui décharge les cargaisons les plus lourdes. Au passage, un tonneau nous a frôlés de quelques cheveux, de quoi nous donner des frissons 2.0.

Nous contemplons la porte de Damme, la place du Burg et son hôtel de ville. Alors que la silhouette de la tour du beffroi se dessine dans le brouillard, nous entrons dans la célèbre Waterhalle, un lieu de 100 mètres de long où étaient entreposées les marchandises à l'époque. Pour l'anecdote, c'est précisément à cet endroit qu'est implanté aujourd'hui l'Historium.

Un bien en patience

« Il aura fallu plus d'un an de préparation à l'Historium de Bruges pour proposer cette première belge », selon son manager général Kristof van Vaerenbergh. À l'aide de l'Oculus Rift -le plus emblématiques des casques à réalité virtuelle- et d'un casque audio, l'institution plonge astucieusement le visiteur au cœur d'un film d'une dizaine de minutes relatant une époque révolue.

Pour une reproduction historiquement fidèle, l'institution s'est appuyée sur la carte de Marcus Gerardus et elle s'est entourée d'une myriade d'architectes, d'archivistes et d'historiens pour informer avec justesse les visiteurs. L'entreprise Sevenedge, active dans le monde numérique, s'est chargée du développement 3D. Cette équipe de développeurs a également optimisé l'expérience avec des effets physiques réels (jet d'eau, souffle d'air ou sensation de chaleur). Le tout pour accentuer le sentiment d'immersion.

De cette collaboration est né ce projet innovant qui a notamment ressuscité des édifices symboliques disparus comme la cathédrale Saint-Donatien et la Waterhalle, tous deux détruits à la fin du 18e siècle. Si certaines structures culturelles restent réticentes à l'idée d'une intrusion technologique dans le secteur, l'Historium nage à contre-courant et entend bien prouver qu'histoire et technologie peuvent faire bon ménage, et de façon durable. Kristof van Vaerenbergh confie que l'institution a l'ambition de pérenniser le projet dans les sept salles thématiques du musée, du vieux port à l'atelier du peintre Jan Van Eyck. Reste à prendre en compte les critiques éventuelles du public. Des feedbacks qui s'avéreront cruciaux pour la suite de l'aventure cybernétique.

Expérience panoramique

Ces casques immergent totalement leur porteur dans une réalité parallèle via une vision panoramique quasi greffée aux yeux. Ce qui rend l'expérience bluffante. La vision à 360º éclipse le monde réel au point de devoir réprimer nos envies de saisir l'imaginaire et de palper l'impalpable.

Si les géants de l'électronique misent beaucoup sur ces casques, cette technologie n'est toujours pas arrivée à maturité. Raison pour laquelle peu de modèles sont disponibles sur le marché. Les graphiques encore grossiers manquent de réalisme et les clignotements sont trop fréquents. En pratique, il faut avouer qu'ils sont encombrants et qu'ils présentent une esthétique contestable. Enfin, il ne faut pas abuser de cette pratique. La gymnastique oculaire imposée à notre cerveau est déroutante. Pour certains, l'expérience peut virer au traumatisme, avec maux de tête à la clé.

Gaëtan Gras