Vaccination : le vrai du faux

D'ici quelques semaines, l'humanité lancera la plus vaste campagne de vaccination jamais lancée: celle contre le Sars-Cov-2, le virus responsable de la Covid-19. Pourtant, depuis quelques années, les vaccins sont souvent remis en question. Metro se penche sur quelques-uns des débats et rumeurs qui entourent les vaccins.
par
Clement
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Les vaccins entraînent parfois des effets secondaires

Vrai. Les effets secondaires suite à une vaccination sont assez fréquents, et c'est tout à fait normal. Le patient peut ressentir une légère fièvre, une douleur localisée… Ces symptômes durent généralement un jour ou deux. Ils s'expliquent par le fait que le corps est mis à l'épreuve. Dans un vaccin, la capacité qu'a le microbe de rendre malade a été diminuée, mais sa capacité à stimuler les défenses immunitaires a été préservée. Pas d'inquiétude toutefois: la vaccination n'aura évidemment pas les mêmes effets que la maladie.

Certains vaccins sont responsables de l'autisme

Faux. Le vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons (RRO) est parfois la cible de telles accusations. Il n'y a aucune preuve scientifique étayant ce point de vue. Cette croyance pourrait venir du fait que les premiers symptômes de l'autisme se manifestent souvent à l'âge d'administration du vaccin RRO. Il n'y a pourtant pas de cause à effet.

Le vaccin contre l'hépatite B est responsable de la sclérose en plaque

Cette rumeur s'est diffusée dans les années 90 et ressurgit régulièrement depuis. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, rien dans les données cliniques actuellement disponibles n'apporte de preuve de l'existence d'un lien entre la vaccination et cette maladie.

Des études confirment la dangerosité des vaccins

Faux. Il faut savoir qu'il y a « étude » et « étude ». Les études considérées comme les plus fiables sont celles qui ont été publiées dans des titres prestigieux comme The Lancet, The New England Journal of Medicine… Pour être publiée dans ces pages, une étude doit se soumettre à la « revue par les pairs » (peer review). Le processus consiste à soumettre l'analyse à d'autres scientifiques, qui analysent comment elle a été menée, quels facteurs pourraient la fausser, afin de dire, in fine, si la conclusion qui est tirée est juste. L'université de Rennes qualifie de « revues prédatrices » des revues qui publient systématiquement les articles « moyennant des frais de publication, et quelle que soit la valeur scientifique des travaux soumis ». Cela mène à ce que des documents soient présentés comme des études, alors qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune vérification.

Les vaccins affaiblissent le système immunitaire

Faux. En fait, c'est l'inverse : les vaccins renforcent le système immunitaire. On peut les voir comme un activateur du système immunitaire : ils lui envoient le signal de fabriquer des anticorps sans activer la maladie. Le système immunitaire sort donc renforcé de la vaccination.

Il n'est plus nécessaire de se faire vacciner

Faux. Les maladies comme la rougeole, la rubéole, la poliomyélite, existent toujours. Elles sont devenues très rares grâce à la vaccination. Elles ne sont pas définitivement éradiquées pour autant: en 2018 (date des derniers chiffres disponibles), elle a tué 140.000 personnes à travers le monde. Les États-Unis ont connu l'an dernier une recrudescence de la maladie, poussant certaines villes (notamment New York) à rendre la vaccination obligatoire. Pour cette maladie, il est nécessaire que 95% de la population soit vaccinée afin d'atteindre l'immunité collective. Les spécialistes insistent pour que toutes les personnes qui le peuvent se fassent vacciner, afin de protéger celles qui ne le peuvent pas, en raison de maladies chroniques notamment.

L'allaitement favorise la protection immunitaire du bébé

Vrai. Le lait maternel est très riche, et contribue à la protection du bébé contre les infections. C'est important, mais pas suffisant pour le protéger de toutes les infections possibles. « C'est précieux pour le bébé mais cela ne suffit pas à le protéger complètement ni suffisamment longtemps », souligne vaccination-info.be, un site de l'asbl Question santé réalisé en collaboration avec les autorités francophones en charge de la famille.

Les laboratoires ont des intérêts dans la vaccination

Vrai et Faux. La mise au point et commercialisation des vaccins ont été laissées au secteur privé. Comme acteurs économiques, les laboratoires ont tout intérêt à faire des profits, et donc à pousser en faveur de l'utilisation de leur production. Les politiques de vaccination, en revanche, sont décidées par les États Ceux-ci s'appuient sur les recommandations de comités d'experts. Ces derniers, issus du monde de la recherche, sont indépendants, et ne tiennent donc pas compte des intérêts privés. L'indépendance de ces experts est toutefois souvent remise en cause par les mouvements anti-vaccins, dont la voix porte de plus en plus dans des pays comme les États-Unis ou la France.

Vincent Lorant est professeur de sociologie de la santé à l'Institut de Recherche Santé et Société de l'UCLouvain. Il estime essentiel de rétablir la confiance dans la vaccination.

Depuis quelques années, la vaccination est de plus en plus souvent remise en cause.

«Il y a effectivement un problème d'éducation vaccinale. Des vaccinations qui semblaient acquises, comme le RRO ou la grippe, commencent à être remises en cause. Globalement, l'opposition à la vaccination est le fait de deux groupes assez distincts. Il y a, d'un côté, ceux qui sont souvent proches des théories complotistes. Ce groupe est assez peu important, mais sera très dur à convaincre d'accepter la vaccination contre le nouveau coronavirus. D'un autre, il y a de nombreuses personnes qui font preuve d'hésitation vaccinale : elles ont des doutes, mais ne sont pas radicalement opposées à la vaccination. »

Comment convaincre ces personnes d'accepter la vaccination ?

« Il faut être à l'écoute de ces gens qui ont des doutes. Ils ne sont pas irrationnels ou incompétents, mais ils veulent avoir des réponses à leurs questions. Il y a souvent, derrière leur hésitation, la référence à un article de Wakefield, publié dans le Lancet en 1998 (une publication médicale reconnue), qui liait la vaccination à l'autisme. Cette étude a été contredite et rétractée par la suite, mais cela n'a pas fait autant de bruit que l'étude elle-même. Il faut donc faire preuve de pédagogie, expliquer, et restaurer la confiance envers les autorités et les entreprises pharmaceutiques. »

Comment expliquer la défiance actuelle envers les autorités et l'industrie pharmaceutique ?

« Pour le moment, les autorités belges, comme la Commission de remboursement des médicaments (CRM-INAMI), prennent leurs avis sur base d'études fournies par le secteur privé. Cela n'aide pas à renforcer la confiance des citoyens dans l'indépendance des décisions politiques. Le temps et les ressources dont dispose la CRM pour revoir ces études sont limités. De plus, les firmes pharmaceutiques siègent dans la CRM. Mais il est très difficile d'avoir une recherche indépendante : la recherche médicale demande des moyens considérables, et seules de grosses sociétés ont les reins assez solides pour se lancer dans le développement de vaccins et médicaments. Le problème, c'est que cela n'aide pas à redonner confiance à la population. Différents travaux en matière de pharmaco-économie ont montré que les études financées par des firmes pharmaceutiques arrivent, étrangement, à des résultats plus favorables que celles qui sont financées par des fonds indépendants. Le public peut donc légitimement se poser des questions. »

Dans ce cadre délicat, comment va se passer la vaccination contre la Covid-19 ?

« Un article récent du Jama estime qu'il faudra que 50 à 70 % de la population soit immunisée pour atteindre l'immunité de groupe contre la Covid-19. Or, les jeunes seront difficiles à convaincre car le bénéfice de la vaccination est faible pour eux. C'est un groupe relativement moins touché par la maladie, avec beaucoup d'asymptomatiques, et je crains que le rejet du vaccin soit important. »