Un tableau retrouvé par hasard lors d'un déménagement vendu à 24 millions €

Un chef-d'oeuvre très rare du peintre italien Cimabue (1272-1302), «Le Christ moqué», est devenu dimanche le tableau primitif le plus cher adjugé en vente publique dans le monde, pour plus de 24 millions €, frais compris, lors d'une vente aux enchères historique à Senlis, dans l'Oise.
par
oriane.renette
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La somme s'est élevée à 19,5 millions sous le marteau, sans les frais. L'oeuvre avait été estimée entre 4 et 6 millions €.

Actéon, qui organisait la vente, n'a pas précisé quel était le profil de l'acquéreur de ce tableau, retrouvé par hasard, lors d'un déménagement, dans la maison d'une dame âgée à Compiègne.

C'est la première fois depuis des dizaines d'années qu'un tableau de Cimabue était sous le marteau.

Le tableau primitif le plus cher au monde

«Ce tableau devient le tableau primitif (pré-1500) le plus cher au monde (...) et aussi le 8e tableau ancien le plus cher au monde derrière le Salvator Mundi de Léonard de Vinci (2017), Le massacre des Innocents de Rubens (2002), Loth et ses filles de Rubens (2016), le portrait de Cosme de Médicis de Pontormo (1989), le Portrait de Femme de Rembrandt (2000), le portrait de Laurent de Medicis de Raphaël (2007) et le grand Canal de Canaletto (2005)», a précisé dans un communiqué Actéon, qui avait d'abord dit qu'il s'agissait du 7e.

L'enchère a commencé à 3 millions €. Parmi les huit enchérisseurs, trois étaient dans la salle.

«Le Christ moqué» est le thème de ce tableau de petite taille (25,8 cm sur 20,3 cm), peinture à l'oeuf et fond d'or sur panneau de peuplier, élément d'un diptyque de 1280 dans lequel étaient représentées sur huit panneaux de taille semblable des scènes de la Passion. Deux des scènes étaient connues à ce jour: La Flagellation du Christ (Frick Collection, New York) et La Vierge à l'enfant trônant et entourée de deux anges (National Gallery, Londres).

 

Une vieille dame, au domicile de laquelle l'oeuvre était conservée, l'avait signalée à l'hôtel des ventes Actéon de Compiègne, sans pouvoir dire d'où elle provenait. Le petit tableau, qui montre le Christ entouré d'une foule d'hommes à l'expression hargneuse et grimaçante, était accroché entre son salon et sa cuisine, au dessus d'une plaque chauffante.

«Les traces de l'ancien encadrement, les petits pointillés ronds exécutés de la même façon au poinçon, le style, l'ornementation du fond d'or, la correspondance des dos des panneaux et l'état respectif des trois panneaux confirment que ces panneaux constituaient le volet gauche du même diptyque», avait expliqué la maison de ventes, après l'avoir fait analyser par le cabinet Turquin, expert pour les oeuvres d'art ancien à Paris.

La réflectographie à l'infrarouge a révélé un dessin sous-jacent et un état de conservation excellent, malgré quelques minimes retouches. La couche picturale est dans un excellent état bien que très encrassée au fil des siècles.

Entre austérité et émotion

«Nous avons eu de l'intérêt de la part de tous les grands musées du monde. Par ailleurs, des collectionneurs d'art contemporain que nous ne connaissions pas se sont également montrés vivement intéressés, ce qui est un phénomène tout à fait nouveau pour nous experts en peinture ancienne», a rapporté Eric Turquin. «Même si le tableau est austère, il y a une émotion dans les visages, les gestes», a-t-il estimé.

Cenni di Pepo, dit Cimabue, (1272-1302) est l'une des plus grandes figures de la pré-Renaissance. Peintre florentin, il a assuré le renouvellement de la peinture byzantine en rompant avec son formalisme et ses images codifiées par le dogme. Influencé par l'esprit franciscain, il a ouvert les portes au naturalisme de l'art de la pré-Renaissance, donnant une âme à ses personnages et réalisant les premières perspectives.

Cette oeuvre est donc un des premiers témoignages de l'art occidental, qui ouvre la voie aux plus grands peintres tels Giotto, disciple de Cimabue.