Sur les planches cette semaine - 23 avril 2014

par
Nicolas
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Metro fait le tour des spectacles du moment.

Revolt

Ph. Hichem Dahes

Chorégraphe bien connu de nos scènes, Thierry Smits propose ici un projet plus intime, mais tout aussi frontal que ses créations antérieurs. Dans "Revolt", il offre un intense solo à une de ses fidèles Nicola Leahey. La jeune femme face à nous va connaître une évolution passionnante et parfois terrifiante: celle de la reconquête de son corps et de sa féminité. D'abord spasmodiques, les caresses et les tensions que la danseuse s'inflige évoquent une certaine violence dans un premier temps, imposées. Mais à mesure que l'accompagnement sonore et musical devient plus sinusoïdal et mélodique, le geste s'amplifie et s'adouçit, tendant vers l'apaisement et l'accomplissement d'un désir assumé.

Cette danse aux pas et aux tableaux répétés évoque le parcours, la révolte - si pas dans la souffrance, alors dans l'effort - d'une femme. Comme toujours, Smits part d'un discours politique, ici celui des contestations  actuelles et des violences faites au femmes, pour parler d'une libération et d'un choix libre à vivre son corps. Nicolas Leahey captive par sa précision et sa maîtrise du mouvement autant que de l'espace, dans ce face-à-face avec le public particulièrement touchant.

Passions Humaines

Ph. Kurt Van Der Elst

C'est l'histoire passionnante d'une sculpture considérée comme honteuse, parce que décadente. Aujourd'hui,  les marbres des Passions humaines (cf. la photo d'en-tête de cet article) de Jef Lambeaux (cf. la photo d'en-tête de cet article) sont toujours visibles dans le pavillon construit, non sans mal, par Horta au fond du Parc du Cinquantenaire derrière la Grande Mosquée de Bruxelles.

Le metteur en scène Guy Cassiers décrypte dans l'amas des corps que constitue le monument une symbolique des êtres et des sentiments qui ont conduit à sa création. Tout d'abord Léopold II (Thierry Hellin), roi des Belges et du Congo et tyran retrouvant ici humanité, qui veut bousculer l'existence trop prude à ses yeux de son peuple ingrat. Veuf depuis peu, il console ses derniers jours dans les bras de sa maîtresse (Candy Saulnier. Autour du critique et auteur Max Sulzberger, débattent socialistes et anarchistes, comme le poète George Eekhoud (Jorre Vandenbussche), connu pour avoir été l'un des premiers à traiter d'homosexualité dans ses écrits. La relation tendre qu'il entretient avec l'auteur naissant Sander Pierron (Vincent Hennebicq) renforce au final son mariage complice avec la pragmatique Cornélie (Katelijne Damen).

Extrêmement riche dans sa langue et dans ses thèmes, le texte d'Erwin Mortier parvient à mêler les déboires sociaux, politiques et linguistiques de la Belgique bourgeoise de la fin du 19e et du début du 20e. Cette histoire honteuse de l'oeuvre de Lambeaux, délaissée par les Belges pendant autant d'années, cristallise les tensions d'une époque et d'une société à deux étages, à l'image de la scénographie nivelée et jouant sur les cadrages. La distribution bilingue, maîtrise les enjeux dramatiques de dialogues en deux langues qui embrassent parfois beaucoup (trop?) de sujets à la fois, parvenant toutefois à une tension dramatique explosive. L'épilogue de Jef Lambeaux face à son oeuvre vient quelque peu aplatir cette conclusion.

Nombre de belles reprises sont aussi au programme cette semaine :

Joséphina

Ph. D. R.

Du théâtre, de la danse, du mime ou du cirque ? Qu'importe la case dans laquelle se place "Joséphina", cet objet scénique non identifié subjugue. Dans ce théâtre que la Compagnoie Chaliwaté qualifie de gestuel, Sandrine Heyraud et Sicaire Durieux emmènent leur public dans la torpeur d'un appartement de Buenos Aires, un été en fin d'après-midi. Un homme se souvient d'une femme qui l'obsède: Joséphina. Quand soudain elle surgit du décor, s'entame un tango langoureux parfois tonique, comme une relation faite d'autant de tendresse que de caractère. Les corps se font souvenirs, objets et noyaux de sensualité. On est subjugué par la facilité et la poésie d'exécution de ce spectacle salué dans tous les pays où il passe.

Terrain Vague

Ph. Charlotte Sampermans

Étonnante performance que celle de Céline Peret dans ce spectacle créé voici deux saisons et qu'n est content de voir revenir. Devenue mère, Céline se pose beaucoup de questions. Parviendra-t-elle à élever sa fille ? Le spectre de sa mère, femme-enfant dépressive, plane sur sa vie. La comédienne entre dans la peau de celle qui n'a pas pu l'élever, la fille devenant mère de sa propre mère. Cette autofiction décortique l'intime des âmes parfois damnées de notre société. Une écriture juste de Thibaut Nève, mise en scène par Jessica Gazon.

Ciao Ciao Bambino

Ph. Julien Pohl

Ciccio Bello est mort et sa famille le pleure. Autour du cercueil, Sébastien Ministru fait défiler une galerie de personnages qu'il connaît bien. Les archétypes de la famille italo-belge d'un milieu populaire. L'auteur y évoque les relations mère-fils, l'homosexualité dans un milieu plutôt macho et les guéguerres de famille. Dans ce milieu métissé, rien n'est tabou et tout est drôle. Mention spéciale pour la dynamique distribution Laurence Bibot, Alexis Goslain, Antoine Guillaume, Marie-Sylvie Hubot, Aurelio Mergola et Frédéric Nyssen.

Nicolas Naizy