Sur les planches cette semaine

par
Nicolas
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Chaque semaine, Metro vous offre son point de vue sur les spectacles à voir dans nos salles.

Amor Mundi

Ph. Serge Gutwirth

Elle danse, elle nous apparaît festive. La raison ? En cette année 1951, Hannah Arendt, à New York depuis dix ans, vient de publier son livre majeur « Les Origines du totalitarisme ». Mais le succès de l'ouvrage ne cache qu'une soucieuse légèreté. Entouré de ses proches -son mari Heinrich Blücher, le philosophe et ami de jeunesse Hans Jonas, l'artiste Robert Gilbert et l'auteur Mary Mac Carthy-, la liberté retrouvée ne parvient pas à dissimuler les questionnements d'une génération passée par le pire. Et quand le mal a surgi parmi les siens -référence aux sympathies nazies du mentor Heidegger-, tout ce petit monde intellectuel s'interroge sur comment parler de l'Histoire qui a conduit aux pires crimes, sur l'idéologie qui a permis de les justifier et sur le rôle du philosophe dans un monde K.O. qui tente de retrouver le goût du bonheur par le progrès.

Vastes questions qui nous sont amenées naturellement par Myriam Saduis. Elle compose avec une formidable bande de comédiens, une partition sautillant entre intenses échanges et  respirations oniriques. La metteuse en scène, sur un plateau où le réel côtoie le songe, parvient à partager avec le spectateur des raisonnements profonds sans oublier l'émotion. Mathilde Lefèvre donne énergie et corps à l'intellectuelle allemande avec une belle conviction douce-amère, tandis que Jérôme De Falloise joue son époux en contrepoint d'équilibre. Des relances comiques comme dramatiques sont apportées par l'entourage (Aline Mahaux, Romain David, Soufian El Boubsi, Ariane Rousseau), hanté par le fantôme de Walter Benjamin, au geste ultime toujours incompris. Ces exilés du pays et de la pensée font résonner en nous l'actualité d'un monde en mal de repères.

"Amor Mundi", de Myriam Saduis (qui signe aussi la mise en scène) et Valérie Battaglia, au Théâtre Océan Nord jusqu'au 19 septembre.

Les Trois Mousquetaires

Ph. Zvonock

C'est le spectacle familial de la rentrée où la mythique tirade « Tous pour un, un pour tous » résonne. Le Théâtre du Parc nous a habitués à l'adaptation des grands classiques de la littérature avec des succès variés (l'excellent « Tour du Monde en 80 jours » de Verne revient d'ailleurs en fin de saison). Force est de constater, que son directeur, ici adaptateur et metteur en scène a réussi son coup avec le roman-feuilleton d'Alexandre Dumas.

Rythmée grâce à un décor astucieux fait de hauts blocs mobiles de Catherine Cosme, la pièce emmène ses spectateurs dans une aventure effrénée où les combats à l'épée bénéficient de la virtuosité chorégraphique de Jacques Cappelle. Et fait de plus en plus rare sur nos scènes, pas moins de 29 comédiens défilent sur scène. Vous me direz, la quantité ne fait pas a qualité mais l'esprit de troupe amène ici une belle énergie. Le jeune Julien Besure (vu dans « Happy Slapping ») incarne un d'Artagnan fougueux et naïf comme on imagine le Gascon. Éric De Staercke amène bonhomie à Porthos tandis que Benoît Verhaert joue Richelieu avec la perversité manipulatrice qu'il convient.

Enfin, mention aussi à Anouchka Vingtier, une Milady de Winter qui dissimule derrière sa cruauté une circonstance atténuante, une profonde blessure jamais refermée. Maroine Amimi en valet provincial et un androgyne Louis XIII (Marc Laurent) amènent les éléments comiques. On ne vous révélera pas toutes les surprises de ce spectacle qui convie ombres chinoises et théâtre d'objet. Laissez-vous emporter dans la chevauchée des Mousquetaires du Roi.

"Les Trois Mousquetaires", par Thierry Debroux d'après Alexandre Dumas, au Théâtre Royal du Parc jusqu'au 25 octobre.

Pigeons

Ph. Alessia Contu

Qui l'eût cru que la colombophilie puisse nous émouvoir autant ? Sans doute par ce que justement, Kévin Defossez transmet à travers son récit les émotions que suscite une telle passion, notamment dans le nord de la France et en campagne hennuyère. Pour le comédien, c'est d'abord une rencontre avec Ghislain, cet aimable vieil homme qui le prend sous son aile et lui communique l'amour des volatiles. Ensuite, ce sont des instants, fébriles, à attendre l'animal rentrer enfin dans son pigeonnier (D'où vient-il? qu'a-t-il traversé?). Enfin, c'est aussi un rapport à cet oiseau. Présent sur scène, les pigeons sont attrapés tendrement par leur maître. La main est délicate tout en étant franche, le rapport est finalement sensuel dans cette relation si particulière.

Au gré de souvenirs, ce seul en scène joue la simplicité de l'anecdote et du quotidien, mais touche profondément. Nominée comme meilleur seul en scène aux Prix de la critique l'année dernière, cette production du Manège.Mons entame une nouvelle série de représentations, à la création trop peu nombreuses, à Bruxelles dans un écrin qui lui va bien: le Théâtre de la Vie.

"Pigeons", de et avec Kévin Defossez, mis en scène par Thierry Lefèvre du 17 au 26 septembre au Théâtre de la Vie.

Nicolas Naizy