Sur les planches ce week-end - 1er mai 2015

par
Nicolas
Temps de lecture 2 min.

Chaque semaine, Metro sélectionne le must des spectacles.

La Ville

Ph. Alessia Contu

C'est un récit bien étrange que cette « Ville » de Martin Crimp. Un couple, dans la banalité de sa vie, échange leur journée tout aussi routinière. Quand soudain, le mari, interprété par un virevoltant Serge Demoulin, annonce qu'il est licencié. Sa femme, la toujours intense Anne Claire, s'en étonne tout en s'accommodant. Elle poursuit son rêve, celui de rencontrer les auteurs qu'elle traduit -c'est son métier-, dans l'espoir peut-être un jour d'écrire sa propre histoire. Et si s'écrivait-elle devant nos yeux de spectateur ? Séquencée, la trame de la pièce, difficile à raconter sans en dévoiler les astuces, étonne par les scènes qui se répondent, s'interpellent et se contredisent parfois. Plus on avance, plus les personnages nous apparaissent en dehors du monde et de sa rationalité. Pourtant c'est vers leur propre réalisation qu'ils tendent quitte à frôler la folie au rire sardonique et à se confronter à des personnages qui les déstabilisent, comme cette voisine interprétée par Valérie Marchand ou la fille du couple. Michaël Delaunoy capte parfaitement ambiance minutieusement, mise en place par l'auteur britannique, par sa mise en scène toute en latéralité. Le public en bi-frontal assiste à une véritable virtuosité de jeu qui nous fait littéralement accrocher à l'éclosion de villes bouillonnantes qui à la manière de mégalopoles ne dorment finalement jamais. C'est ça la rumeur de la Ville.

L'Enfant-colère

Ph. Michel Boermans

Premier projet, « L'Enfant-Colère » de Sophie Maillard repose sur un précieux travail d'acteur autour de la famille. La jeune artiste, auteur et metteuse en scène, explore avec ses quatre comédiens (Sophie Arnulf, Mathieu Besnard, Gabriel Da Costa, Séverine Porzio), tous excellents, les histoires d'enfance et d'entrée dans l'âge adulte de deux frères et d'une sœur. Cela commence de manière joyeuse au mariage de l'aîné où les cadets expriment leur admiration envers cette figure presque paternelle. Mais le rôle de celui-ci sera lourdement remis en cause lors d'un dîner –scène collective centrale et la plus maîtrisée du spectacle- où les silences viennent alourdir les rares propos polis. Les échanges évitent les questions qui font mal jusqu'à l'explosion. Satisfait de sa vie plus routinière, l'un s'étonne du laisser-aller et des rêves d'artiste de son frère et de sa sœur. La belle-sœur pendant ce temps-là préfère ne pas trop intervenir préférant aller arroser le rôti dans le four (et reprendre une rasade en cuisine comme pour se donner du courage). Les fêlures alors apparues sont évacuées dans des solos en deuxième partie, apportant profondeur et sensibilité au tout. La mise en scène contemporaine joue adroitement entre intérieurs et extérieurs du bâtiment et vient dissiper comme petit goût de trop peu ressenti à l'extinction des lumières. Mais le projet, déjà sur la bonne voie de par sa belle construction et son propos cohérent, ne peut que mûrir comme une belle promesse. Aller voir ce spectacle constituera aussi un beau soutien au théâtre Océan Nord qui a annoncé une saison 2015-2016 fortement réduite. Sa subvention comme celle de nombreux autres lieux n'ayant pas été augmentée, ni même indexée depuis de longues années, le théâtre a décidé de jouer le zèle de l'observation de rigueur budgétaire. Sa directrice Isabelle Pousseur a ainsi annoncé qu'il n'y aura que deux accueils l'année prochaine dans ce précieux lieu schaerbeekois, où la création est vive et la chance donnée aux jeunes artistes. Un coup dur pour l'émulation artistique à Bruxelles.

Nés Poumon Noir et Focus Ancre

Ph. Leslie Artamonow

 

Le théâtre carolo de l'Ancre s'installe tout le mois de mai dans le Bois de la Cambre chez son cousin le Théâtre de Poche. Le directeur de ce dernier Olivier Coyette a invité son confrère hennuyer Jean-Michel Van den Eeyde et les spectacles marquants qu'il a mis en scène. La ville et l'Homme sont peut-être les points communs des trois reprises de qualité. Ainsi, Nicolas Mispelaere explorera « Les Villes Tentaculaires » d'Émile Verhaeren, faisant de cette vision fantasmée autant qu'effrayante de l'urbanité naissante de la fin du 19e une ode tout aussi vertigineuse et hypnotique grâce notamment au support de la création vidéo du collectif Dirty Monitor. Premier spectacle à avoir été reconnu « d'intérêt public », « Un Homme debout » retrace le parcours carcéral et la vie d'après de Jean-Marc Mahy, interprète de sa propre histoire et de son combat de vouloir rester en vie même quand on a connu la marginalité honteuse. Enfin, en ouverture de ce focus, on retrouvera le rappeur Mochélan dans un spectacle à la fois concert et performance. « Nés Poumon Noir » est le portrait d'une cité décriée, Charleroi. Les fumées des usines ont carbonisé l'identité d'une jeunesse, et Simon Delecosse notamment, qui recrache avec humour et vérité l'amour qu'il pour cette ville mal aimée. Avec son DJ Rémon Jr, il forme un sacré duo. Ici aussi le visuel des Dirty Monitor, non invasif, vient souligner le propos sans le surcharger. À voir !

"Nés Poumon Noir" du 5 au 9 mai, "Un Homme debout" du 12 au 16 mai et "Les Villes tentaculaires" du 27 au 30 mai. Mochélan sera par ailleurs en concert au Poche le 23 mai pour présenter son nouvel album "Image à la pluie"

Nicolas Naizy