Soprano: «J'ai toujours été le rappeur positif»

Membre des Psy 4 de la Rime, incontournable groupe de rap marseillais des années 2000, Soprano fait son retour en solo. Après trois premiers albums singuliers, il assume une fois de plus son éclectisme musical sur lequel il continue de véhiculer un message positif qui le fait gravir «L'Everest» depuis tant d'années.
par
Laura
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Après 20 d'années de carrière, peut-on dire que vous avez atteint les sommets?

Soprano: «Les sommets, je ne sais pas parce qu'il y a toujours plus haut. Mais c'est vrai que dans ma vie je voulais faire de la musique, des tournées et je voulais en vivre. Même si cela s'était arrêté il y a cinq ans, j'avais déjà réalisé mon rêve de gosse.»

Ce n'est que du plaisir maintenant, alors?

«Voilà. À mes concerts, quand j'aperçois des gens que j'ai vu petits et qui maintenant ont eux-mêmes des enfants, je prends conscience que ça fait longtemps que je suis là.»

L'ascension a été difficile ou devient-elle plus aisée avec le succès?

«Normalement, plus tu deviens célèbre, plus c'est difficile parce que tu es plus attendu. Mais je pense que c'est plus facile si tu es ouvert et que tu es toujours à la recherche de quelque chose. Si tu surprends les gens, que ce soit en bien ou en mal, tu attises la curiosité.»

C'est un peu quitte ou double.

«C'est quitte ou double. Après tout est possible quand tu sais qui tu es. Moi, par exemple, je ne peux pas faire du rap hardcore. La vulgarité, même quand je suis avec mes collègues, je n'y arrive pas. Tu ne m'entendras pas dire des trucs vulgaires. Je sais qui je suis, donc j'essaie de faire la musique qui me ressemble.»

Vous vous décrivez comme un rappeur positif. C'est important de véhiculer cette image?

«Ouais, mais pour les gens qui me connaissent depuis longtemps, j'ai toujours été le rappeur positif, souriant. Avec les Psy 4 c'était pareil, même s'il y avait beaucoup plus de textes mélancoliques. Mais je n'ai jamais fait le voyou dans mes chansons. À part pour ‘Le son des bandits'. À l'époque je disais que j'étais un bandit mais c'était une métaphore. J'étais loin de prôner la vente de drogue ou d'alcool. Je ne bois pas et ne fume pas depuis toujours. Tu sais comment ils m'appellent, mes collègues? La colombe. Ce n'est pas pour rien.»

Pourtant, en écoutant «Le Diable ne s'habille plus en Prada» et «Cœurdonnier», on a l'impression que vous perdez un peu foi en l'humanité.

«C'est vrai qu'avec tout ce qu'il s‘est passé, que ce soit en France, en Belgique, aux États-Unis ou en Afrique… tu es un peu découragé, triste. La chanson après ‘Le diable ne s'habille plus Prada' c'est justement ‘Cœurdonnier' dont la dernière phrase résume tout en fait. Si on n'essaie pas de changer le monde, il ne changera pas. C'est un peu ça le truc positif et le message de ces deux morceaux.»

 

"La chanson la plus engagée que j'ai faite depuis longtemps est aussi ma chanson la plus légère, ‘Cosmo'"

 

C'est pour cela que vous faites le choix de passer vos messages sur des chansons plus rythmées?

«Oui. La chanson la plus engagée que j'ai faite depuis longtemps est aussi ma chanson la plus légère, ‘Cosmo'. C'est un morceau sur lequel les jeunes, les grands, les papas, les vieux, tout le monde dansent. Mais quand tu écoutes ce que je dis vraiment, c'est le message le plus engagé que j'ai fait. Peut-être que la forme permet de mieux faire passer les messages. Ça me rappelle quelqu'un dont je suis un super fan, qui est Belge, Monsieur Stromae. Quand il va te faire une chanson comme ‘Formidable', c'est une chanson triste et tout le monde est dessus. C'est un peu l'alternative du rap conscient (rire). Et c'est vrai que tu l'écoutes plus facilement comme ça.»

Dans «Post-scriptum», vous vous adressez à vos enfants en évoquant les valeurs qui vous tiennent à cœur. C'était important de leur rappeler?

«Oui, c'est important. Je voulais leur laisser un héritage sur quoi se baser. Et puis je ne suis pas trop là, j'en suis conscient. Je les éduque à travers ma chanson, c'est pour ça que je suis positif.»

Vous avez également tenu à interpréter une chanson pour votre ami d'enfance, Sya Styles, décédé l'année passée. C'était une manière d'exorciser vos démons?

«Mes démons, je ne sais pas mais exorciser oui. Quand il est parti, je n'arrivais plus à écrire. La chanson est venue dans la nuit. Dès que je l'ai écrit, toutes les autres sont arrivées. Bien sûr, c'est parti de Sya Styles mais ça ne parle pas que de lui. C'est une chanson pour tout le monde parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont vécu ça, ou qui ont quelqu'un de proche malade, et qui, je pense, se reconnaissent dans cette chanson.»

C'est une chanson que vous souhaitez interpréter sur scène?

«Je vais la faire parce que ça donne de la force à beaucoup de gens. Il y avait une chanson que j'avais faite il y a longtemps qui s'appelle ‘Parle moi'. Celle-là, jamais de ma vie je n'arriverai à la faire en concert. En fait, j'ai d'autres amis, depuis Sya Styles, qui sont partis à cause du cancer ou qui maintenant sont malades. C'était une année très difficile sur ça. Donc, je trouve que c'est important. Il y a beaucoup de gens qui me disent merci pour cette chanson.»

Soprano sera en concert le 22 avril 2017 au Palais 12

 

En quelques lignes

Avec «En feu» et «Marseille c'est…», Soprano fait des chansons sur lesquelles danser et il assume. En fusionnant sa prose à des rythmes issus d'univers musicaux différents, il transmet son message et ses valeurs à un public désormais transgénérationnel. Mais il n'en oublie pas pour autant sa plume. C'est d'ailleurs tout en métaphore que le rappeur-chanteur propose sa vision de la société dans «Le Diable ne s'habille plus en Prada» ou le «Cœurdonnier». Sur la chanson «Roule», il revient avec beaucoup d'émotion sur la mort de son ami de Psy4, Sya Styles, tout en s'adressant à ses enfants dans un très beau «Post-scriptum». 4/5