SCH : « Je n'ai pas envie de mourir pour mes idées »

Le 15 février, SCH s'est produit à l'Ancienne Belgique pour présenter l'album JVLIVS sorti en octobre. L'occasion pour lui de revenir sur la violence, les «gilets jaunes» et… François Damiens.
par
ThomasW
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En écoutant vos albums, on a l'impression qu'ils deviennent de plus en plus sombres.

«Oui, on peut dire ça. Pour l'instant, le projet est vraiment homogène et assez sombre. Je ne dirais pas pour autant que je vais de plus en plus vers le noir. J'essaye justement d'aller vers quelque chose de plus clair. Et cet album fait toujours partie du premier tome de mon projet, un tome qui est en effet assez sombre.»

Vos textes parlent beaucoup de violence, c'est quelque chose que vous avez vécu au quotidien?

«Oui, venant de Marseille, la violence c'était quelque chose de quotidien pour moi. Je l'ai ressentie dans ce que j'ai entendu, dans ce que j'ai vu faire, mais aussi à la télévision ou dans les bouquins que j'ai lus. Tous ces aspects négatifs m'ont plus nourri que les bons moments. Je pense d'ailleurs que l'humain se souvient généralement plus du négatif que du positif, et c'est bien dommage.»

Le rap était une sorte d'échappatoire?

«C'était surtout une façon de m'exprimer. Par la suite, c'est devenu un moyen de divertir par le billet de thèmes variés. Le rap a franchi aujourd'hui une certaine étape. On peut se permettre de parler de tout, il n'y a plus vraiment de tabou ou de code bien classifié comme cela pouvait être le cas il y a dix ans. Certaines parlent de l'homosexualité, moi j'ai décidé de parler du grand banditisme car c'est ce qui m'a parlé dans ma jeunesse.»

Vos textes sont toujours très imagés, pourquoi?

«Je suis toujours à la recherche de l'image qui va avec la parole, un peu comme quand on lit un livre. Il y a quelque chose qui agit sur le subconscient en lisant un récit et j'essaye de faire la même chose musicalement. Comme ça, les gens peuvent écouter ma musique les yeux fermés et mettre des images sur ce que je dis via leur propre imagination. C'est quelque chose que je trouve assez chouette.»

Vos clips sont généralement tournés comme des morceaux de films, d'où vous vient votre inspiration?

«Cela vient de tous les films que j'ai vus, je suis un vrai cinéphile. Aussi, il y a quelques années, les artistes rap ne faisaient plus vraiment de clip. On a donc voulu faire quelque chose d'un peu plus poussé dans le rapport entre l'image et le son.»

Quel est votre film préféré?

«Je peux donner un top 3: ‘Les Evadés', 'Blow' et ‘la Ligne Verte' qui sont pour moi des chefs-d'œuvre. Les films qui ont fait naître en moi le plus de sentiment sont généralement tristes avec un caractère dramatique, un peu comme dans la musique. Je n'ai rien contre la Compagnie Créole mais j'ai toujours préféré les musiques un petit peu plus profondes.»

Dans l'album, vous insérez un prélude et des interludes. Pourquoi ce choix?

«De nouveau, cela manquait au rap. Avant il y avait beaucoup plus d'albums avec des interludes qui servaient de fil conducteur et qui apportaient une certaine musicalité. J'ai voulu créer quelque chose d'homogène, un album qu'on écoute du début à la fin sans sauter de morceau.»

Plusieurs manifestants, dont des lycéens, ont utilisé certaines de vos paroles comme slogans, cela vous fait quoi?

«Cela me permet de me sentir moins seul. J'ai dit dans une musique que' se lever pour 1.200€‘ c'était insultant. C'est pour la simple et bonne raison que quand j'étais jeune, je travaillais pour moins que ça. Pendant ce temps-là, certains gagnaient quatre ou cinq fois plus en ne faisant rien dans des bureaux. Après attention, je parle de certaines personnes, je ne veux dénigrer aucun corps de métier. Mais j'ai constaté une inégalité salariale qui était assez flagrante. Aujourd'hui, c'est en train de péter à la gueule de la société française.»

On aurait pu vous imaginer dans les manifestations des «gilets jaunes»?

«Je ne sais pas car la politique ne m'a jamais vraiment intéressé. Par contre, les phénomènes de société autour du thème de la révolte m'ont toujours plu. Mais je ne me vois pas au même titre qu'un Balavoine ou un Coluche, des gens qui sont morts pour leurs idées car ils voulaient la paix. Moi, je n'ai pas envie de mourir pour mes idées.»

Vous vous êtes déjà produits en Belgique, qu'est-ce que vous retenez de notre pays?

«J'aime beaucoup l'atmosphère qui se dégage de Bruxelles. C'est une ville qui vit et qui bouge tout le temps. J'adore aussi François Damiens, pour moi c'est une sorte de père spirituel de l'humour. Mais la Belgique me fait également penser à Damso, Hamza et à un paysage rap qui est super fort chez vous.»

La nouvelle saison de The Voice a repris en Belgique, vous pensez quoi de cette émission?

«Je pense qu'il y a des gens qui méritent sans doute de réussir par des émissions comme The Voice. J'ose juste espérer que ce n'est pas trop trafiqué dans les sélections. Après je ne suis pas vraiment téléspectateur de toutes des choses-là. J'ai regardé comme tout le monde au début et c'était plutôt chouette. Je trouve juste dommage qu'il y ait des artistes avec des super voix dont on n'entend plus parler après l'émission. Mais si l'émission sert de réel tremplin, tant mieux!»

On y retrouve très peu de rappeurs, pourquoi?

«Je pense que The Voice s'intéresse surtout à la voix, pas à l'interprétation ou à un texte. Or, le rap d'aujourd'hui se concentre plus sur le texte, le flow, la façon d'interpréter. Je ne trouve donc pas cela illogique qu'il y ait peu de rappeurs dans ces émissions. Puis le généralisme des médias fait que le rap a parfois du mal à trouver sa place.»

Clément Dormal