Rencontre avec le Vélosophe: «Il y a une foule de domaines dans lesquels vélo et créativité peuvent se rencontrer»

Traducteur de formation, marketeur de contenu dans la vie, Pascal Mageren se transforme en vélosophe lorsqu'il s'agit de partager sa passion pour le vélo. Rencontre avec un passionnant passionné qui propose un regard original et éclairant sur la place du vélo dans notre société.
par
ThomasW
Temps de lecture 2 min.

Comment est né le Vélosophe ?

« J'ai lancé le blog Vélosophe (www.velosophe.be) il y a dix ans. L'idée de départ était de montrer à quel point les gens pouvaient être créatifs et surprenants avec finalement toujours les mêmes ingrédients, à savoir deux roues, un guidon, une selle. Ce projet est né de l'un des derniers beaux voyages que j'ai fait à vélo avec mes deux frères. Nous avons réalisé un vieux rêve en partant à trois sur le même vélo. On a donc fait fabriquer une triplette et nous sommes partis cinq semaines en Colombie-Britannique, au Canada. Ce n'était pas un vélo comme les autres et à chaque rencontre, c'était un peu comme une baguette magique. Il donnait la banane aux gens. Jamais je n'aurai cru que ce rêve un peu fou allait avoir un tel impact sur ma vie, même 18 ans plus tard.

A partir de là, j'ai voulu comprendre pourquoi un vélo, un peu particulier, attirait autant la sympathie et pourquoi tant de créatifs s'inspiraient du vélo. Je suis tombé sur plein de projets originaux et me suis dit que je ne pouvais pas garder ça pour moi. J'ai donc lancé le blog www.velosophe.be  sur lequel je publie des articles sur des vélos originaux. C'est un sujet inépuisable et il y a une foule de domaines dans lesquels vélo et créativité peuvent se rencontrer. Depuis, j'ai aussi écrit deux livres, organisé des expositions et donné des conférences. »

Qu'est-ce qui vous inspire dans le vélo ?

« De tout temps le vélo a inspiré et inspire. C'est un objet fascinant mais aussi paradoxal. D'un côté, c'est un objet hyper complexe qui est fourni sans mode d'emploi. Pourtant, si on le propose à un enfant, il le décodera immédiatement. Il saura qu'il faut l'utiliser en mettant les mains sur le guidon et les pieds sur les pédales. A l'inverse, si on demande de dessiner un vélo sans réfléchir, peu de gens sont capables de directement placer le triangle du cadre dans le bon sens. »

Dans vos livres, on retrouve des vélos sans selle, sans guidon ou sans chaîne. Finalement, qu'est-ce qu'un vélo ?

« C'est l'une des questions les plus compliquées à répondre. Dans l'imaginaire, c'est deux roues. Mais pas toujours !  Rondes ? Pas toujours ! Avec un guidon et une selle ? Là non plus, ce n'est pas toujours le cas. Il peut aussi être pour deux, quatre, six ou huit personnes. C'est déclinable à infini. Que le vélo soit un loisir ou un outil de mobilité au quotidien, chacun a sa manière de l'aborder. Cet objet est modulable à l'infini et plein d'esprits loufoques se sont amusés avec ça. Mon projet est de mettre en lumière cette créativité. »

Vous avez beaucoup voyagé à vélo à l'étranger. Quel regard portez-vous sur la situation en Belgique ?

« Le rêve serait d'arriver à la même situation qu'à Copenhague ou aux Pays-Bas. Mais le mouvement entamé il y a quelques années en Belgique est en train de prendre une dimension intéressante. Quand on voit l'augmentation du nombre de cyclistes chaque année à Bruxelles, c'est très réjouissant. On arrive aujourd'hui à une masse critique telle que les décideurs politiques ne peuvent plus ignorer les cyclistes en ville. Pour moi, nous sommes à un moment charnière. En Flandre par exemple, ça ne viendrait jamais à l'idée à un automobiliste de tourner à droite sans regarder si un cycliste arrive. A Mons ou à Namur, c'est beaucoup plus kamikaze de prendre sa priorité à vélo. Il n'y a pas encore ce réflexe mais plus on verra de cyclistes dans la circulation, plus ils seront en sécurité car les automobilistes vont développer inconsciemment de nouveaux réflexes. »

Ces dernières années, le nombre de vélos électriques et de vélos pliants a fortement augmenté. Selon vous, qu'est-ce qui devrait se développer dans les prochaines années ?

« Un phénomène qui va prendre de l'ampleur, c'est le vélo cargo. Je pense que c'est l'étape suivante et assez logique. A partir du moment où on adopte le vélo comme mode de déplacement principal, il faut aussi pouvoir transporter les enfants, des courses et des poids et des volumes plus conséquents. Le phénomène s'observe dans beaucoup de villes qui sont à un stade plus avancé et on commence à en voir de plus en plus à Bruxelles.

De plus, dans l'avènement du vélo, au-delà du nombre de cyclistes, il y a un certain nombre d'indicateurs comme l'apparition des cafés vélos. Cela reflète la communauté cycliste d'une ville. A Bruxelles, depuis un an, il y a même une radio 100 % vélo, ‘Les socquettes en titane'. Si, dans une ville, ce genre d'initiative commence à émerger et à se faire une place, cela signifie qu'on franchit des paliers. Nous ne sommes qu'au début d'un mouvement d'une ampleur beaucoup plus importante. Du moins, si le politique investit de manière intelligente dans l'infrastructure. »

Justement quelle est l'importance des infrastructures dans le développement du vélo ?

« C'est capital. Aujourd'hui, quand on voit les grandes villes qui misent sur le vélo, c'est avant tout une question de développement d'infrastructures de qualité. Pour moi, une infrastructure ce n'est pas prendre un pot de peinture et tracer quelques pointillés avec un dessin de vélo sur 35 m et puis quand on arrive à un carrefour ou à un endroit un peu compliqué, laisser les cyclistes se débrouiller. On pourra parler d'infrastructure réussie à partir du moment où on n'aura plus peur de laisser ses enfants se balader en ville à vélo. Quand on arrivera à ce stade, on aura franchi un pas énorme.

Les gens n'attendent que ça, des infrastructures de qualité. Dès qu'elles sont là, elles sont utilisées de manière naturelle. C'est fou de voir le nombre de gens qui circulent à vélo sur le réseau Ravel en Wallonie, par exemple. Développons des infrastructures de qualité et elles seront d'office utilisées. Les villes et les communes ne devraient pas se baser sur le nombre de cyclistes actuels mais bien sur le nombre de cyclistes latents pour justifier ces investissements. Pensez-vous que Copenhague (et la sécurité sociale danoise) regrette ses investissements dans les infrastructures cyclistes ? Travaillons intelligemment. La bonne nouvelle est qu'il y a aujourd'hui une prise de conscience politique, bien que parfois un peu forcée. »

Quels sont vos conseils pour entreprendre un voyage à vélo ?

«  Tout d'abord, pour moi, la destination est une excuse. Ça ne sert à rien de voir trop grand ou de vouloir aller à l'autre bout du monde la première fois. Le meilleur départ, c'est de commencer en partant de chez soi, par un week-end ou par quelques jours, et surtout de se tester. Il faut y aller graduellement. Je conseillerais aussi de beaucoup lire les récits d'autres voyageurs. Cela permet d'apprendre et de ne pas refaire les erreurs des autres. Enfin, c'est d'investir dans une sonnette loufoque. La sonnette classique produit un son aigu et strident qui suscite l'irritation. Avant de partir sur la triplette au Canada, on avait trouvé une sonnette avec le son le plus loufoque possible. Chaque fois qu'on l'actionnait, les gens se retournaient et rigolaient. C'est tout bête mais cela permet d'améliorer la qualité du contact avec les gens autour de soi. »

Les deux tomes de « La créativité liée au vélo » de Pascal Mageren sont autoédités et vendus 30 € pièce, frais de port offerts. Pour se les procurer, une seule adresse www.velosophe.be/livre.

Thomas Wallemacq