Musulmans queer : une expo photo d'histoires personnelles et spirituelles

par
Nicolas
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Le Pride festival bat son plein. Jusqu'à la fin du mois, de multiples activités entendent donner de la visibilité aux divers genres et sexualités. Parmi celles de la semaine, pointons à Bruxelles l'exposition de Samra Habib, "Just me & God!". Cette photographe a parcouru le monde pour recueillir les témoignages de musulman-es gays, bisexuel-les, lesbiennes et transgenres.

À chaque portrait, son histoire

El-Farouk Khaki, fondateur de la mosquée Unity et du groupe de soutien aux musulmans gays Salaam - Ph. Samra Habib

Les personnes ayant pris part au projet de l'artiste se confie sur leurs liens avec le spirituel. Comment vivre pleinement son identité quand sa foi ou ses détenteurs de parole condamnent ce que vous êtes? Patiemment, Samra Habib a écouté ses "sujets" sur leur chemin personnel, sans questionnaire prédéfini. "Je préfère passer du temps avec mes sujets d'abord pour apprendre à les connaître, avant de leur poser des questions. J'aime d'abord m'assurer qu'ils sont à l'aise avant d'aller plus en profondeur dans leur récit de vie", nous confie la photographe  qui a rencontré des dizaines de personnes à New York, Paris, Berlin, Istanbul, Toronto, etc. "Je ne me suis pas encore sentie prête à me lancer dans un pays musulman pour des raisons de sécurité (l'homosexualité étant proscrite dans bien des États de tradition musulmane, ndlr). Cependant j'ai rencontré durant mes voyages (en Turquie , par exemple)  des personnes qui étaient des réfugiés de pays comme l'Iran."

Dans ses portraits, Samra Habib tente de capturer l'essence de ses interlocuteurs: "J'aime que mes sujets me révèlent qui ils sont et j'aime capturer leur esprit du mieux que je peux. Les portraits sont censés être des reflets des individus qu'ils sont."

Construire sa propre foi

Shazad, Toronto - P. Samra Habib

Il y a aussi les mots, ceux de l'affirmation d'un genre, d'une sexualité, et ceux de la construction d'une identité spirituelle. Tous ont en commun une envie de ne pas couper les ponts avec la religion, souvent la même que les parents. Simplement, ils entendent développer leur propre questionnement sur la foi. Ainsi témoigne Tarek qui vit à Paris et quitente de se construire au travers de multiples identités (homosexel, arabe et musulman) : "J'essaye de créer ma propre relation avec l'islam tente de ne pas m'attacher à l'approche que mes parents ont de la religion, qui est très dogmatique. Je voudrais découvrir l'Islam par moi-même. Ma relation avec la religion est bien plus complexe que le simple fait de suivre des règles. À cet instant de ma vie, l'Islam est plus qu'une question de spiritualité. Je me sens comme une page blanche sur laquelle je dois écrire de nouvelles histoires. Je n'ai pas l'habitude de parler de ma foi parce que quand j'essaye, je me sens isolé. C'est définitivement une chose personnelle." 

Leila, Berlin - ph. Samra Habib

Ce témoignage rend parfaitement compte de l'enseignement qu'a tiré Samra Habib de son travail photographique: "J'ai appris tellement de choses et ô combien la relation avec l'islam est unique et personnelle. La plupart des musulmans queer que j'ai photographiés et interviewés essayent de modeler la religion à leur vie plutôt que de savoir s'ils peuvent ou ne peuvent pas pratiquer cette religion." Dans nos sociétés occidentales, vivre sa religion et sa sexualité, aussi minoritaire soit-elle, relèvent bien souvent du défi vis-à-vis de ses coreligionnaires mais aussi de ses autres concitoyens. Être musulman et homo ou bi, est-ce compatible ? "En tant que musulmans queer, beaucoup d'entre nous disent que nous n'avons pas accès à l'Islam en raison de notre 'non-hétérosexualité' (traduction approximative du terme anglais 'queerness', ndlr). Nombre de gens sont d'ailleurs menacés pour ce qu'ils sont. Cependant, l'Islam reste important dans nos vies."

Samra Habib

De passage à Bruxelles cette semaine, Samra poursuivra son enquête en rencontrant à Bruxelles d'autres musulmans gays, lesbiens, bi, trans. Elle tentera de mettre au jour de nouveaux parcours de vie qui méritent l'écoute, plutôt que la stigmatisation.

Nicolas Naizy