Multiple Blutch

par
Laura
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Auteur majeur, Blutch se révèle illustrateur et créateur de décors dans une exposition tout en noir et blanc visible à la Galerie Champaka à Bruxelles.

L'exercice de l'exposition-vente peut être délicat. Il doit à la fois intéresser les collectionneurs et attirer les amateurs de dessin qui n'ont pas forcément l'envie d'acheter. Éric Verhoest de la galerie Champaka a l'art d'amener les artistes qu'il accueille sur ses cimaises au-delà de la simple planche, tout aussi magnifique soit-elle. Avec Christian Hincker, alias Blutch, le choix d'albums était vaste, mais il lui a commandé quelques inédits, histoire de dynamiser cette exposition entièrement consacrée au noir et blanc. Cela tombe bien, parce que le dessinateur, possède un rapport ambigu à la couleur, qu'il a de moins en moins utilisée, ou du moins avec une parcimonie qui vient soutenir avant tout la narration.

Planches de cœur

Aidé du galeriste, Blutch a pioché dans ce qui lui restait de planches de certains de ses albums, ceux où il a joué l'expérimentation de son dessin, à l'encre de Chine, au pinceau ou encore au simple stylo à bille. «Pendant longtemps, j'avais la volonté de prendre les moyens les plus économiques. Le stylo à bille et le papier machine par exemple, pour gommer toute notion de luxe et ne pas être intimidé par un papier trop cher», nous confie-t-il sur l'angoisse du dessinateur face à une page blanche, comme trop belle pour lui. Des planches rassemblées à Champaka, on retrouve quelques belles compositions issues de «Mitchum», patchwork graphique et scénaristique, «Sunnymoon» ou encore sa déclaration d'amour au 7e art «Pour en finir avec le cinéma».

Prêt à tout pour Resnais

Car Blutch est cinéphile au grand étonnement d'Alain Resnais qui l'appelle pour créer affiches et décors, notamment sur son dernier long-métrage «Aimer boire et chanter». L'exposition recense quatre grands dessins en format cinémascope, paysages urbains et campagnards typiquement britanniques. La précision du trait témoigne de l'exigence du maître et la volonté pour Blutch d'accéder à tous ses desiderata: «Pour moi, c'était un travail accidentel. Alain Resnais est venu me chercher. Il était la tête, j'étais les jambes. Je me suis coulé dans son désir jusque dans les petits détails», se rappelle-t-il avec une tendre affection pour le réalisateur décédé l'année dernière. «C'est agréable de ne pas être responsable d'un discours», ajoute-t-il en expliquant les enjeux d'un travail qui participe aux envies d'un autre artiste. «Mais physiquement, ça reste difficile. Mais pour cet homme-là, j'étais prêt à tout. Il avait un tel goût de la bande dessinée, une telle gourmandise. Le dessin le mettait en joie.»

Enfin, dans cette exposition, Blutch présente aussi une série de tableaux grand format au pastel sec, une variation autour d'une femme nue tour à tour poseuse, pensive et trouble. Les six dessins témoignent une fois encore d'une constante recherche de l'artiste, qui entre deux albums, aime à explorer de nouveaux terrains graphiques.

L'exposition «Blanc & Noir» de Blutch est visible jusqu'au 9 mai à la Galerie Champaka à Bruxelles (Sablon).