Metro a rencontré Jean Dujardin : « Je doute moins qu'avant »

L'acteur français le plus connu de sa génération a fait du chemin ! Après l'Oscar pour ‘The Artist' et un tour à Hollywood chez Martin Scorsese (‘Le Loup de Wall Street') et George Clooney (‘Monuments Men'), Jean Dujardin a décidé de prendre des risques. Comme dans ‘Le Daim', la nouvelle comédie sans queue ni tête de Quentin Dupieux (‘Rubber', ‘Au poste').
par
ThomasW
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Dans 'Le Daim', vous plaquez tout pour vous acheter un blouson trop stylé. C'est quoi votre vêtement préféré ?

Jean Dujardin : « Des bottes camarguaises en daim. C'est vrai, je te jure. Celles du film, c'est les miennes ! Je les ai achetées parce qu'elles avaient la classe. Je voulais vraiment les avoir, les posséder, mais pas les mettre. Je les vois à chaque fois que j'ouvre mon placard, je les trouve super belles, mais t'as l'air un peu con avec. Et pour trouver le fameux blouson du titre, quatre ou cinq essais ont suffi. La veste beaucoup trop courte, bien ridicule avec les franges, j'adore. »

Vous connaissiez Quentin Dupieux avant le tournage ?

« Quand tu reçois un scénario avec son nom dessus, t'es en confiance. Il ne s'excuse pas d'arriver avec un projet chelou, il croit à son truc. Et comme tu sais que ça va être constamment drôle, c'est assez rassurant. Quentin est un mec drôle et lumineux, et tu sais qu'il ne va pas trancher des têtes pour se branler dessus. Il le dit d'ailleurs, son film parle de folie, mais c'est paradoxalement le moins délirant. 'Rubber', ça parlait quand même d'un pneu en caoutchouc qui tue des gens... Ici, mon personnage Georges bascule, mais l'histoire est assez conventionnelle à suivre. Et puis on est tous un peu comme lui, à deux doigts de passer de l'autre côté, avec l'envie de se barrer... L'ennui c'est qu'on ne se l'avoue pas, parce qu'on est un peu formatés. Et je ne te parle même pas du cinéma, où on voit tout le temps les mêmes trucs. »

Vous enchaînez les films barrés. Marre des comédies populaires?

« Ils ne sont pas si barrés que ça. Dans 'I Feel Good' (comédie aux accents sociaux de Benoît Delépine et Gustave Kervern) je vois du cinéma engagé, plus poétique, quelque chose d'assez pointu, finalement. C'est ça que je cherche. Parce que si c'est pour refaire des situations convenues, des scènes sur ta mère, ton frère et ton colocataire dans un appartement, c'est très vite ennuyeux. Je m'ennuie vite dans la lecture de scénario en fait. Du coup, je vais chercher l'originalité. C'est pas pour faire le malin, je n'ai pas de plan de carrière. Je laisse juste de la place pour avoir de bonnes surprises. Et ça, ça prend du temps. Pour 'I Feel Good' on a mis cinq ans entre la rencontre avec les réalisateurs et la sortie du film. Et quand Quentin m'a proposé 'Le Daim', j'ai sauté sur l'occasion. 'The Artist' aussi j'ai sauté dessus. Là, Roman Polanski m'a proposé son prochain film (‘J'accuse', un long-métrage sur l'affaire Dreyfus). Un projet pareil, ça ne se refuse pas. Il y a des acteurs qui aiment avoir leur petite boutique. Moi j'aime bien changer, trouver de nouvelles sensations. »

Mais ça reste important de faire rire ?

« J'essaie plutôt de me faire rire moi-même que les autres. Pardon (rires) ! Je pars toujours du principe que si moi ça me fait marrer, je peux emmener les gens avec moi. Je trouve ça un peu gênant les gens qui veulent me faire rire. Dans la séduction, une fille qui essaie de me faire rire, c'est terrible. Tout comme un mec lourdeau à table qui veut te faire marrer. Dans la vie je ne suis pas quelqu'un de très drôle, j'aime surtout la bonne humeur. Et au cinéma, j'aime les situations comiques. Là, je me marre.»

Vous pensez que vous vous améliorez avec le temps ?

« Ma foi, ce n'est pas à moi de le dire (rires) ! Disons que je doute moins, je perds moins de temps à essayer de me justifier. Si je croise un casse-couilles sur Instagram, je le bloque directement maintenant. J'ai moins besoin de me rassurer, et je me sens plus fort. Peut-être que cette force-là se voit un peu plus dans mes films. »

Stanislas Ide

En quelques lignes

Georges (Jean Dujardin) s'est trouvé une veste en daim qui lui donne un style de malade. Son plaisir est tel qu'un plan machiavélique surgit : devenir le seul être au monde à posséder un blouson… Sous ses airs de nouveau délire surréaliste, Quentin Dupieux (‘Au poste') nous livre sa comédie la plus touchante. Le cahier des charges du cinéaste est pourtant respecté à la lettre (fétiche autour d'un objet inanimé, réflexion sur le pouvoir du cinéma, situations absurdes sans besoin d'explication). Mais même si Georges bascule dans la folie et s'apprête à commettre un paquet d'atrocités, on retient surtout la douceur de Dujardin. Couché dans sa chambre d'hôtel, parlant tendrement à sa veste de cowboy, il dessine un personnage aussi frappé qu'émouvant. Sans perdre le sens de la déconne, grâce à son duo avec l'impressionnante Adèle Haenel (‘En Liberté'). Leurs scènes ponctuées de silences gênants forcent le malaise, et ça claque ! Bref, que vous soyez fan de scénarios sans queue ni tête, ou que vous soyez plus sensible au magnétisme comique des acteurs, ce film vous ira comme un gant ! (si) 4/5