Manger des insectes, est-ce dur à avaler ?

Le titre en dégoûtera peut-être plus d'un... ce qui n'est pas vraiment étonnant puisque nous baignons dans une société dont la culture est foncièrement insectophobe, voire insecticide.
par
Marie
Temps de lecture 4 min.

Rien que l'idée d'enfourner un insecte dans la bouche même si son goût peut paraître bon ne convaincra personne. Il est vrai que le plaisir alimentaire, comme tous les autres d'ailleurs, reste un phénomène irrationnel qui ne se commande pas et qui dépend de facteurs émotionnels qui puisent leurs sources déjà dans notre tendre enfance, voire même avant. On sait, par exemple, que les habitudes culinaires de la femme enceinte pourront déteindre, déjà in utero, sur les préférences alimentaires de son futur enfant. On sait aussi qu'après avoir intégré et fixé certains plaisirs gustatifs, on a généralement du mal à s'en débarrasser surtout si c'est pour les remplacer par d'autres que l'on ne connaît pas. L'idée que l'on se fait de l'inconnu est souvent faussée par la peur et les préjugés et ce malgré l'évidence des faits qui devrait pourtant sauter aux yeux.

Tous des arthropodes

Mais déjà avant tout, ne mangeons-nous pas des coquillages crus et vivants comme les huîtres et les moules parquées ? Les escargots ne font-ils pas également partie de notre gastronomie ? Les crustacés comme les crevettes et les crabes ne sont-ils pas aussi appréciés par beaucoup d'entre nous ? Or sait-on que les crustacés sont des invertébrés qui font partie du même embranchement que celui des insectes, que l'on nomme « arthropodes » ? D'ailleurs leurs protéines constitutives sont sensiblement identiques entre elles d'un point de vue histologique mais aussi gustatif.

L'entomophagie, fleuron de la paléo-nutrition

Si les chimpanzés, dont le métabolisme digestif est identique au nôtre, ont toujours fait des termites leur mets de pré- dilection, nos ancêtres du paléolithique trouvaient déjà dans les insectes une source abondante de protéines, facilement accessibles et particulièrement attractifs sur le plan gustatif. Pour en savoir plus sur le sujet, référons-nous à un ouvrage unique et remarquable intitulé « Délicieux insectes »1 et dont l'auteur, Bruno Comby, nous fait part de son expérience de mangeur d'insectes qu'il dégustait crus la plupart du temps. Selon lui, et fait qui a été confirmé par bien d'autres par la suite, les insectes comestibles qu'il a eu l'occasion de consommer se sont révélés étonnamment agréables au goût voire même délicieux. Des goûts bien de chez nous?. De plus, ce qui est à priori surprenant, c'est que leur dégustation rappelle souvent les saveurs des préparations culinaires que l'on retrouve dans notre gastronomie. Des exemples ? Les œufs de fourmis ont un goût qui fait penser à la meringue ; les abeilles rappellent le pain d'épice tandis que leurs larves évoquent une exquise crème à la vanille ; les sauterelles par contre dégagent dans la bouche un fumet exquis de steak à la crème; et il en est de même pour les grillons, les criquets, les cigales, les papillons ainsi que les larves de coléoptères qui constituent tous un mets de choix au sein d'une véritable gastronomie qui remonte vraisemblablement dans la nuit des temps. Et quoi que l'on en pense, nous les néophytes en la matière, le verdict des dégustateurs reste, à cet égard, unanime et sans appel.

Des cigales dans l'assiette des romains

Dès lors, il est n'est pas étonnant qu'un grand nombre d'espèces différentes d'insectes soit encore consommé couramment par l'homme au travers de toute la planète. Déjà dans l'Antiquité, les Romains étaient friands de cigales tandis que les Grecs avaient une préférence pour les larves de papillon (dixit Aristote, Pline et Hérodote). Actuellement les insectes sont très prisés en Afrique, en Amérique du sud et bien sûr en Asie. L'Europe, elle non plus, n'a pas été épargnée, puisque jusqu'il y peu, on pouvait en effet consommer des coléoptères en Lombardie et des cuisses de sauterelles sur les bords de la Loire.? Et comme Bruno Comby le faisait très pertinemment remarquer dans son livre, « ce qui semble le plus surprenant ce n'est pas qu'il existe encore des pays où les hommes mangent des insectes, mais plutôt qu'il existe des pays dont la population n'en mange plus. »

Insectes, crus ou cuits

Si les primates consomment les insectes tels quels, crus et vivants, l'homme leur fera plutôt subir les artifices de la cuisine comme la cuisson, la grillade, la fricassée, la friture, la marinade ou la réduc- tion en poudre qui sera intégrée dans une sauce ou avec d'autres aliments. Rappelons que toutes ces manipulations dénaturent les protéines de l'insecte qui sont très fragiles à la chaleur, tout en leur apportant des toxiques de cuisson. Par conséquent, faute de les manger crus, il est recommandé de les consommer frais, surgelés ou séchés et éventuellement assaisonnés à la vinaigrette ou moutarde.

  • «Délicieux insectes Broché, de Bruno Comby, édition Broché, 1990