Loïc Nottet peaufine son second album : « Il y a de la beauté dans la tristesse »

Sans l'air d'y toucher mais avec beaucoup de rigueur et de personnalité, Loïc Nottet se fait clairement sa place au soleil. Son premier album «Selfocracy» fut le disque le plus vendu en Belgique francophone en 2017, sa victoire à «Danse avec les Stars» était éclatante, et sa quatrième place à l'Eurovision a mis son talent en lumière sans que l'événement ne devienne une étiquette trop lourde à porter.
par
ThomasW
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Aujourd'hui, Loïc Nottet peaufine son second album à paraître fin septembre ou début octobre. On y croise notamment Sacha Skarbek qui a écrit pour James Blunt, Adèle, Lana del Rey ou encore Miley Cyrus. Dans l'attente, le Souvretois nous a sorti deux singles «On Fire» et «29» qui dessinent déjà les humeurs qui ont parcouru le chanteur pendant son année d'écriture.

Ce nouveau single «29», sorti en préambule à l'album, est le fruit d'une expérience très personnelle.

«Oui, c'est le fruit d'une rupture amoureuse, comme on en a déjà tous connu. C'est l'une des chansons les plus privées que j'ai dû relâcher, laisser partir.»

C'est simple d'écrire sur un sujet aussi intime?

«En fait, le processus de création est assez facile parce qu'on est dans l'extériorisation de sentiments et d'émotions qu'on a enfouis en nous. Ce qui est plus compliqué, c'est de lâcher le produit et de le donner au monde. Ça, c'est difficile!»

Et puis de vivre avec pendant plusieurs années et les concerts?

«Ça, ça va si on est passé à autre chose et qu'on a pris assez de recul sur la situation, ce que m'a permis l'écriture de ‘29'. Si on est conscient de toutes les choses positives que cette relation nous a apportées, qu'il n'y avait pas que du négatif, et que la décision que l'on a prise ce jour-là était la meilleure pour les deux, on peut partir en paix. Et chaque soir, je me remets dans la peau d'un personnage. Une fois qu'on a tourné la page, c'est plus facile de l'interpréter tous les soirs.»

Tout comme le précédent single «On fire», c'est un morceau qui a été co-écrit par Sasha Skarbek. Il vous a aidé à trouver les mots?

«Complètement. Il m'a d'abord demandé d'écouter mes chansons parce que j'avais déjà fait les ‘top lines' à la maison. Il est tombé sous le charme de l'album en général, parce que j'ai préféré lui faire tout écouter pour avoir son avis, comme il a travaillé avec beaucoup de monde. Et il a adoré ‘29'. Je lui ai expliqué l'histoire comme à un thérapeute. Puis on a commencé à écrire.»

Il y a souvent dans votre musique une sorte de mélancolie lyrique, qu'on ne ressent pas quand on vous rencontre.

«Heureusement. Imaginez comme je serais chiant (rires). Mais je ne sais pas, en fait. Artistiquement parlant, j'ai toujours eu un petit faible pour la mélancolie, la tristesse, la noirceur. J'ai toujours préféré les personnages méchants aux gentils dans les films, parce qu'ils ont souvent un passé plus intéressant. S'ils sont devenus méchants, c'est intéressant de savoir qu'elle a été leur histoire, et pourquoi ils sont devenus comme ça. Et il y a aussi de la beauté dans la tristesse. Quand on rencontre une personne malade du cancer, par exemple, cela fend le cœur et en même temps ce sont des battants, des combattants pour la vie. Ils voient la vie différemment. Quand on les voit, ce n'est pas de la tristesse et de la mélancolie qu'on doit ressentir, mais le respect. On peut voir de la beauté dans une situation triste.»

La mélancolie est peut-être aussi plus inspirante que le bonheur.

«C'est Florence Foresti qui disait qu'on passe beaucoup plus de temps au téléphone avec un pote quand ça va mal que quand ça va bien. On a toujours plus à raconter.»

On retrouve toujours, notamment dans le clip d'«On Fire», ce goût pour le travail du corps et pour la danse.

«Oui, c'est primordial dans mon travail. Ça fait partie de moi. Le chant et la danse, c'est comme ma jambe gauche et ma jambe droite.»

Mais on trouve moins de chorégraphie pour le clip de «29». Le propos ne s'y prêtait peut-être pas non plus.

«En fait, je voulais quelque chose de réaliste, mais sans trop l'être, d'où la voiture en apesanteur et la poésie. J'aime beaucoup quand il y a des éléments métaphoriques. Cette voiture en apesanteur qui représente une balance était vraiment une image forte à mes yeux. Je voulais que ça marque les gens. La voiture représente l'équilibre, et l'on voit le garçon et la fille qui ont envie de s'aimer encore mais qui n'y arrivent plus. Mais malheureusement, ce n'est pas un' happy ending'. Et ce n'est pas grave que ça ne se termine pas comme Disney l'aurait voulu. Du coup, je sentais que la danse n'avait pas sa place, elle aurait été superflue.»

On sent que vous gardez également un côté enfantin dans votre travail.

«Oui, surtout pour le visuel, l'esthétique. Dans l'écriture, j'essaye de grandir, de parler de choses matures, même si j'ai fait des chansons un peu plus ludiques. Mais j'aime aborder des sujets de façon très sérieuse et avec maturité. Mais c'est vrai que j'aime, dans mon esthétique, cette part d'imaginaire et d'enfance, comme cette voiture qui flotte. J'aime ce côté double face d'un miroir, il y a aussi une part de fantaisie.»

Ce clip a déjà été vu des millions de fois. Il y a une vraie attente du public.

«Je suis très content, et j'ai très peur aussi. Je suis quelqu'un qui doute beaucoup. Je sais que cet album va être différent, qu'il va être très éclectique, qu'il va partir dans plein de directions différentes. Et c'est voulu, c'est un choix artistique. Il y a en fait quatre personnages qui vont prendre vie sur scène. Et ils ont été créés via des humeurs par lesquelles je suis passé ces derniers mois. Et cela m'a permis de composer des chansons de styles très différents.»

Pierre Jacobs