Les recettes des accises sur le tabac en baisse : polémique au gouvernement

La hausse des accises sur le tabac a rapporté 151 millions € de moins que prévu en 2016, selon les chiffres du SPF Finances. Le ministre des Finances souhaitent les diminuer. Pas question, lui répond la ministre de la Santé publique.
par
Nicolas
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L'an dernier, le gouvernement avait en effet compté sur 3,238 milliards € de recettes fiscales provenant de la vente de produits de tabac mais ceux-ci n'en ont finalement rapporté que 3,087 milliards à l'État.

De ce montant, 2,351 milliards correspondent aux accises et 736 millions à la TVA, alors qu'en 2015, les recettes du tabac s'étaient élevées à 3,039 milliards, dont 2,301 milliards d'accises et 738 millions de la TVA, détaille le SPF Finances.

Les cigarettiers font pression

Des 199 millions d'euros supplémentaires attendus par le gouvernement, «à peine 48 millions d'euros ont été réalisés, pas même le quart, donc», déplore la fédération sectorielle Cimabel représentant les producteurs et importateurs de cigarettes en Belgique et au Luxembourg. Chaque seconde, 4,78 € ont échappé au Trésor en 2016, ou 151 millions d'euros sur une année, illustre-elle.

«Avec cette hausse drastique des accises, le gouvernement a obtenu l'effet inverse», résume le président des producteurs et importateurs de cigarettes, Pierre Durinck. Les consommateurs belges sont ainsi à la recherche d'alternatives moins chères, soit sur le marché illégal en croissance, soit à l'étranger, essentiellement au Luxembourg et dans les pays d'Europe du Sud et de l'Est.

Les ventes frontalières avec la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni sont en outre en chute libre, ajoute Cimabel.

Débat au gouvernement

Devant cette baisse des recettes pour l'État, le ministre des Finances Johan Van Overtveldt n'a pas exclu lundi de revoir ces accises à la baisse.

«Une baisse des accises ne devrait pas constituer un tabou, surtout si elle permet de maintenir les recettes à niveau», a commenté le ministre N-VA.

«Le fait que certaines hausses de tarifs commencent à se traduire par des recettes plus faibles montre que la limite a été atteinte», selon M. Van Overtveldt. Le ministre a présenté au gouvernement en fin d'année une évaluation des rentrées sur les accises.

"Une baisse des accises ne devrait pas constituer un tabou", le ministre des finances Johan Van Overtveldt.

Certaines catégories, comme les accises sur le carburant, affichent des rentrées plus élevées que prévu, mais pour d'autres, comme l'alcool et le tabac, c'est la baisse. Et Johan Van Overtveldt de se tourner vers les Pays-Bas, où les accises sont à la baisse, et de souligner le niveau élevé de la charge fiscale en Belgique.

Sa collègue Open VLD, la ministre fédérale de la Santé Maggie De Block s'est dressée contre une baisse des accises sur le tabac. «On ne peut pas être d'accord si l'on envisage (le débat) sous l'angle de la santé publique, ce n'est pas une mesure nécessaire», réagissait-on au cabinet de la ministre. «Si la hausse des accises a entraîné une baisse des recettes, cela peut en effet signifier que certains vont faire leurs courses à l'étranger. Mais nous partons du principe que d'autres aussi ont arrêté de fumer, ou sont passés à la cigarette électronique. Les recettes sont donc plus faibles, mais le système fonctionne».

Le Premier ministre tempère

Maggie De Block a été rejointe dans sa position par la ministre fédérale de l'Environnement Marie-Christine Marghem (MR). «La lutte contre le tabagisme est une des cibles des Objectifs de Développement Durable proposés par l'ONU», rappelle la ministre MR, en charge du Développement durable, dans un communiqué. La Belgique s'est engagée en septembre 2015 au niveau international à soutenir et promouvoir ces Objectifs.

«La démarche qui vise à diminuer les accises sur le tabac en vue d'augmenter les ventes pour améliorer les recettes de l'État est en contradiction avec cet engagement», tranche Mme Marghem, qui compte en parler «au plus tôt» avec M. Van Overtveldt (N-VA).

Le Premier ministre a tempéré la polémique. «Ce débat n'est pas à l'ordre du jour maintenant. C'est au contrôle budgétaire que l'on regarde les implications des décisions qui sont prises, notamment pour ce qui concerne les accises» sur le tabac, a déclaré Charles Michel au micro de la radio Bel RTL dont il était l'invité matinal.