Les filles du soleil : quand les femmes prennent les armes contre Daesh

Elle joue en persan, en anglais et en français, elle est intelligente et d'une beauté à tomber, et en plus de ça elle est gentille: difficile de passer à côté de Golshifteh Farahani. Celle qui a débuté voilée chez Asghar Faradi (‘À propos d'Elly') est devenue la première Iranienne à Hollywood depuis la révolution islamique (‘Mensonges d'État' avec DiCaprio). Elle incarne une soldate yézidie se battant contre Daesh dans ‘Les filles du Soleil', présenté au dernier Festival de Cannes, où on l'a rencontrée.
par
ThomasW
Temps de lecture 4 min.

Connaissiez-vous l'histoire vraie de ces ‘Filles du Soleil' avant le film?

Golshifteh Farahani: «Oui, c'est une histoire très connue, surtout là d'où je viens, j'avais hâte que quelqu'un fasse un film dessus. Donc quand Eva m'a contactée, j'étais immédiatement partante.»

Comment vous êtes-vous préparée au rôle?

«J'ai suivi un entraînement militaire, pour apprendre à manier les armes, et on a travaillé la langue kurde, que je ne parle pas, donc j'ai appris mes répliques phonétiquement. Il y a aussi une part de préparation psychologique, parce qu'on savait que ça allait être une aventure difficile.»

Vous partagez l'affiche du film avec l'actrice et réalisatrice française Emmanuelle Bercot (‘Mon Roi', ‘La Tête Haute'). Comment avez-vous collaboré?

«Emmanuelle est le genre d'actrice généreuse, qui se donne énormément même quand elle n'est pas filmée et qu'elle doit juste donner la réplique. Je lui disais: ‘Garde ça pour quand c'est ton tour (rires)!' On s'est beaucoup soutenues, on était dans une bulle d'amour, de protection… et de rires. Même pendant les scènes de viol, entre deux prises, on arrivait à rigoler! C'était nécessaire, parce que ce sont des scènes difficiles, donc c'était important de passer un bon moment à côté.»

Petite, vous avez connu la guerre en Iran…

«Oui, j'ai connu les bombardements de Téhéran, mais on n'était pas sur le champ de bataille. En gros, quand Saddam jetait des bombes, on allait se cacher dans le bunker. Mes souvenirs de guerre sont surtout des sons de sirènes, d'explosions…»

De Téhéran à Ridley Scott, Jim Jarmusch, le cinéma français: vous avez aujourd'hui une carrière internationale. Comment avez-vous fait?

«C'est quelque chose dont je rêvais, particulièrement quand j'ai quitté l'Iran. Je suis allée aux États-Unis, et au début tous les rôles qu'on me proposait étaient des trucs d'immigrée ou de terroriste. C'était terrifiant. Mais j'ai insisté, et je suis restée ouverte à tout – on m'avait demandé de jouer une Tchétchène, et j'ai dit: ‘Pas de souci!' (Rires). Et peu à peu, les choses ont changé. Je déteste les cases et les étiquettes, donc j'ai combattu contre tout ce qui aurait pu m'enfermer.»

Quel rôle pourriez-vous refuser?

«Si je ne crois pas au message du film, même si le rôle est génial. Ou si le message est génial mais que mon rôle me pose problème, que je n'y crois pas. Je ne peux pas me mentir à moi-même. Ce serait comme me trahir.»

Dans le film, même dans les scènes de bataille, on sent de la tendresse entre les soldates. Pensez-vous que ça en fait de meilleurs soldats que les hommes?

«Non, ça en fait juste des combattantes différentes. C'est sans doute parce qu'on n'a pas l'habitude de films comme ça. Nos cerveaux n'y sont pas habitués. Il y a Wonder Woman, OK, mais elle est toute seule (rires). On connaît le Soldat Ryan, mais il y a peu de films où les femmes vont au combat! Et quand les combattantes ont leurs règles ou doivent allaiter des bébés, ça donne des guerres différentes. On associe souvent féminité et fragilité, mais ça ne veut pas dire qu'elles sont plus faibles, ou meilleures. Elles sont différentes car on est différents biologiquement. Une femme ne peut pas pisser debout, elle doit s'asseoir, et même un petit détail comme ça fait une différence dans une zone de combat!»

Cela dit, j'ai des amies qui savent faire pipi debout…

«Oui, moi aussi, enfin, à moitié, je n'ai pas encore perfectionné la technique (rires).»

Pensez-vous que les armes peuvent résoudre un conflit?

«On ne résout pas une guerre par une autre guerre. C'est une question complexe, parce que l'ego humain est complexe. On veut la paix, mais on élit des présidents qui veulent la guerre. On veut de l'air pur, mais on continue de polluer… Je pense qu'il n'y aurait plus de guerre si on commençait par nos problèmes intérieurs. Le monde serait différent si on commençait par s'occuper d'abord de nous-mêmes.»

Donc rejoindre les soldats, ça ne vous tente pas?

«Non, pas vraiment. Je crois que je préférerais cuisiner pour les soldats, ou même être une prostituée pour soldats! Ce serait une meilleure idée pour moi que d'avoir une arme (rires).»

Elli Mastorou