Les conseils d'un ancien moine bouddhiste pour trouver le bonheur

Comment donner du sens à sa vie et retrouver l'essentiel? C'est à cette question que tente de répondre le Dr Christophe Fauré dans son livre «S'aime enfin!». Nous avons rencontré le psychiatre à l'hôtel Pullman à Bruxelles. Et une chose est sûre: l'ancien moine bouddhiste respire le bonheur!
par
Camille
Temps de lecture 5 min.

Dans votre livre, vous dites qu'il faut atteindre un bien-être psychologique et spirituel. Qu'est-ce que cela veut dire?

«Je suis pour des approches très basiques du quotidien et pas pour des choses éthérées. Atteindre ces deux bien-être, c'est pouvoir se donner même si on est dans des tourments. Même si j'ai des difficultés psychologiques dans mon travail ou avec mon compagnon, je dois avoir un minimum de socle intérieur sur lequel je peux m'appuyer et qui fait que je ne suis pas tourmenté au point de perdre tout repère et d'être uniquement guidé par mes émotions. Ce socle, qu'il soit psychologique ou spirituel, donne un sentiment de sécurité intérieure.»

Voulez-vous donc dire qu'atteindre un bien-être psychologique ne veut pas dire qu'on n'est jamais en colère ou bouleversé?

«Je pleure comme tout le monde, ça m'arrive d'être malheureux et je suis parfois envieux. Mais il y a, à côté de cela, quelque chose qui est de l'ordre de la conscience d'un ancrage intérieur. C'est quelque chose qui n'est pas acquis mais qui se nourrit durant toute une vie. Le travail d'une vie, c'est de nourrir consciemment la psychologie et la spiritualité, deux aspects qui marchent main dans la main, comme le disait le psychanalyste Carl Jung. Nourrir la dimension psychologique, c'est travailler sur soi, ses émotions, la relation à l'autre, les bonnes décisions de vie qui sont les plus justes pour soi. Et à côté de cela, on doit prendre conscience qu'on ne doit pas se réduire à notre être psychologique, comme on le fait souvent dans le monde occidental. Il faut nourrir également son être spirituel.»

 

Concrètement aujourd'hui, comment faire?

«Aujourd'hui, en Occident, on parle beaucoup de méditation. On la détourne parfois pour en faire un outil de développement psychologique personnel. Mais en réalité, la méditation a une portée beaucoup plus vaste. On peut également le nourrir par la lecture, les enseignements. Mais il faut aussi le décliner dans son quotidien. Dans le livre, je parle des six ‘paramitas'. Prenons la première: la générosité. C'est choisir de donner un sourire à son collègue de travail plutôt que d'arriver au bureau avec un visage fermé. Un autre ‘paramita' consiste à développer la patience. Ce n'est pas du tout déconnecté de l'existence. Et ce n'est pas de la psychologie. Les deux doivent donc marcher main dans la main.»

C'est là que l'on retrouve le ‘enfin' du titre?

«Oui, le ‘enfin' de ‘S'aimer enfin!', ne veut pas dire s'aimer enfin virgule une fois qu'on a résolu nos problèmes psychologiques. Non, c'est s'aimer enfin en intégrant toutes les difficultés psychologiques de notre existence et relationnelles, et prenant en considération une autre dimension de notre être qui, si elle est nourrie par des choses très simples, nous permet d'atteindre un socle global sur lequel on peut s'appuyer pour donner du sens à sa vie jour après jour.»

Dans notre quotidien, nous sommes pourtant rattrapés par les choses de la vie.

«Ce que j'ai appris au monastère bouddhiste, c'est qu'il ne faut pas se déconnecter de la réalité. Il faut l'utiliser comme un matériau premier pour pouvoir avancer. Prenons l'exemple d'un conflit relationnel avec sa compagne. On doit se poser la question de l'enseignement de la situation. Dans le Bouddhisme, on se demande: ‘quelle est la bienveillance de la situation?'. Même si elle est malheureuse, il y a quelque chose dans cette situation qui va me permettre d'avancer. Tout ça est un entraînement, cela demande un effort. Mais il faut pouvoir se dire ‘quel est le sens de tout ça?', ‘qu'est-ce que ça éclaire de moi et de ma compréhension du monde?'.»

 

Pour atteindre votre bien-être psychologique et spirituel, vous avez tout abandonné pour devenir moine bouddhiste. Quels conseils peut-on donner aux lecteurs qui ne veulent pas devenir moine?

«Il ne faut pas être aussi extrême, non (rires). Un disciple du Bouddha lui demande un jour de résumer tout ce qu'il lui a dit en trois points. Premièrement, efforce-toi du mieux que tu peux, là où tu es, d'être bienveillant pour toi-même et autrui, en même temps. Le bienfait pour toi et pour moi en même temps, c'est important. Car le bienfait pour toi et rien pour moi, c'est sacrificiel et ça génère que de la négligence et de la violence vis-à-vis de soi-même. Et le contraire fait aussi des dégâts. Deuxièmement, essaie du mieux que tu peux d'être le moins toxique et négatif pour toi-même et pour autrui. C'est un effort constant. Troisièmement, pose ton esprit. Même si tu ne le fais qu'un quart d'heure par jour, il faut le poser car c'est dans ce calme-là que la dimension ‘lumineuse' de ton esprit, cette petite voix intérieure, va commencer à se faire entendre.»

Qu'est-ce cette voix?

«Cette voix est fondamentale, c'est celle de la sagesse. Cela peut se faire par la méditation. Mais ça peut être juste un déjeuner durant lequel on se pose tout en respirant en conscience. Il y a, aujourd'hui, tellement d'outils à la disposition, ne fût-ce que sur internet. Le mot méditation en tibétain se dit ‘gom', qui veut dire ‘s'habituer à, devenir familier de'. L'objectif est de s'habituer à cette dimension qui se révèle à soi-même quand on pose son esprit régulièrement. Le but n'est pas de faire le vide. Le flot des pensées et d'émotions, c'est le contenu. Mais il y a aussi le contenant. On se rend compte au fur et à mesure que le contenant est de la même couleur à chaque fois. Jour après jour, on va reconnaître cette note, et on va s'habituer à elle. On se rend compte qu'il y a autre chose en soi qui se révèle. Plus, j'œuvre sur les deux premiers enseignements de Bouddha, plus ce qui émerge quand je pose mon esprit devient clair. Les trois choses doivent se faire en même temps. Et tout deviendra plus clair, vous trouverez votre nord.»

Maïté Hamouchi

@Maite_Hamouchi

«S'aimer enfin!: un chemin initiatique pour retrouver l'essentiel», du Dr Christophe Fauré, éditions Albin Michel, 16€