Lena Dunham de la série 'Girls' : «Personne ne peut être la voix de ma génération»

par
Maite
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Personne aux États-Unis n'a dû essuyer autant de critiques que Lena Dunham. En cause: les scènes de sexe crues mais qui collent à la réalité qu'elle écrit, son féminisme dont elle ne fait pas mystère et des détails personnels qu'elle livre dans son livre. Tout cela n'empêche pas la créatrice de la série à succès «Girls» d'avoir des hordes de fans fidèles, à tel point qu'on lui a même collé l'étiquette de «voix de sa génération». Un entretien à propos d'hommes politiques nus et de la vie d'une princesse de Disney, à l'occasion de la promotion de son livre 'Not that kind of girl: l'antiguide à l'usage des filles d'aujourd'hui'.

Hannah, l'héroïne de «Girls», entièrement revendiquée par Lena Dunham, déclare dès le tout premier épisode qu'elle veut devenir la voix de sa génération. Ou du moins «une voix d'une génération». Lena Dunham rit quand nous lui citons cette réplique. «Mon personnage dit cela sous l'influence de la drogue, je n'en porte donc pas l'entière responsabilité

Notre auteure vient juste de pénétrer au 25e étage de The Hotel à Bruxelles, et elle est d'une exubérance bien américaine. Au cours de la demi-heure qui suit, elle nous bombarde de I love it et on entend même la sincérité dans sa voix quand elle roucoule «It's so nice to meet you!».

L'étoile de Lena Dunham a commencé à monter lors de la diffusion en 2012 de la première saison de sa série télévisée «Girls» sur la chaîne payante HBO. Deux saisons et autant de Golden Globe Awards plus tard, Lena Dunham est extrêmement populaire. Elle a touché pour ses mémoires -bien qu'elle n'ait que 28 ans- plus de 3,5 millions $!

Directe

C'est pour assurer la promotion de «Not that kind of girl», tel est le titre de son livre, qu'elle est de passage en Belgique. Elle avait dû annuler sa présence à la Foire du livre en raison du scandale qu'avait suscité ce même livre. Elle y décrit en effet comment elle a exploré à l'âge de 7 ans le vagin de sa sœur.

Dans ses mémoires, Lena Dunham ne mâche pas ses mots -le lecteur assiste à son dépucelage- et elle est aussi directe dans «Girls». Son personnage d'Hannah Horvath est une twentysomething de Brooklyn (New York) qui veut devenir écrivain. Ses parents refusent de la soutenir financièrement plus longtemps, l'entreprise où elle est stagiaire depuis deux ans refuse de l'engager et son partenaire sexuel, Adam, est un drôle de type. «Girls» montre la réalité quotidienne d'Hannah et de ses trois amies, sans filtre.

Lena Dunham s'est inspirée de sa propre vie pour la série. «Girls» est une comédie rafraîchissante mais hyper réaliste, une sorte de «Sex and the City» ou de «Friends», mais d'après la crise économique. «Même si les studios dans lesquels vivaient Rachel et Monica étaient bien trop grands par rapport aux normes new-yorkaises

Lena Dunham ne veut pas être qualifié de voix de sa génération. «Ma génération est tellement variée et complexe que personne ne peut en être la voix.» Ce qui ne signifie pas que notre auteure américaine n'a rien à dire!

L'après Manolo Blahniks!

«Les gens dans la vingtaine se trouvent dans une sorte de période intermédiaire. Vous n'êtes plus un enfant, mais pas non plus un adulte avec une famille, donc les gens s'intéressent peu à vous. Je voulais faire quelque chose autour de cette tranche d'âge, parce que je n'avais pas vu de bonnes propositions sur le sujet à la télévision

Lena Dunham a estimé qu'il était important de montrer «ce que cela signifie quand vous devez vous assumer après la récession, quand vous êtes diplômé et qu'il n'y a pas de jobs, et que la vie ne vous sourit pas». «J'entends souvent dire que mes contemporains sont apathiques et démotivés, ce qu'ils ne sont justement pas, mais ils réagissent tout simplement à un monde qui ne leur offre pas assez d'opportunités

«Girls» donne dès lors une image plus réaliste de ce qui se passe dans la tête des gens qui sont dans la vingtaine que «Sex and the City» et ses références omniprésentes à Manolo Blahniks. Ou pas? «Dans SATC, il y avait beaucoup d'ambition. On voyait des appartements, des chaussures et des personnages glamour, mais la série a aussi abordé pas mal de questions sexuelles à propos desquelles on n'avait jamais débattu à la télévision. De plus, les femmes de la série réussissaient sur tous les plans, mais elles ne pouvaient toujours pas se passer des hommes. Carrie Bradshaw a beau être une femme carriériste à la pointe de la mode, elle montre aussi qu'avoir du succès de façon classique ne signifie pas que vous avez tout ce que vous voulez

Lena Dunham est d'avis que nous avons toujours des attentes irréalistes en matière d'amour et de sexe. «Les médias présentent le romantisme et le sexe d'une façon qui n'est pas réaliste, que ce soit dans les téléréalités comme «The Bachelor» ou les films porno. Sans parler de Disney. Oh my god, comme toutes les petites filles j'aime les films de Disney, mais on ne peut pas vraiment qualifier de réaliste le mode de vie des princesses!», dit-elle en riant.

Séance de sexe uro dans la douche

Lena Dunham ne donne pas seulement une voix à (une partie de) sa génération, elle se fait aussi entendre sur les questions féministes. «Les femmes sont encore trop souvent idéalisées. Comme des femmes, des petites amies, des filles ayant de bonnes manières.» Les scènes de sexe crues dans «Girls», par exemple quand le petit ami d'Hannah, Adam, urine sur elle dans la douche, ne cadrent pas avec cette image.

Pas étonnant que Lena Dunham ait dû essuyer pas mal de critiques. Néanmoins, elles ont presque toutes la même origine. «J'ai surtout été critiquée par des personnes qui, politiquement parlant, sont plus conservatrices que moi», dit-elle diplomatiquement. «De plus, ceux qui me critiquent ne sont pas vraiment les personnes que je cherche à atteindre», ajoute-t-elle avec un grand sourire.

Pour chaque voix critique qui s'élève contre elle dans les médias américains, elle est rejointe par au moins cinq fans dévoués. Qui ne sont pas tous des personnes dans la vingtaine. «Régulièrement, des personnes de 75 ans me déclarent qu'elles regardent ‘Girls' avec leur petite-fille et qu'elles trouvent la série formidable. Rien ne me rend plus heureuse que ce genre de déclaration provenant d'une personne âgée

Obama et ses filles adoptives

Parler et partager sont deux mots qui reviennent régulièrement dans ses propos. «Je ne dis pas que j'ai toutes les réponses mais exposer votre vie à la loupe et vous sentir liée à des personnes qui vivent des choses similaires est important. Vous voyez que vous n'êtes pas seule. Il y a un peu d'Hannah dans chacun de nous

Elle refuse d'être taxée d'oversharing. «Tout le monde peut choisir d'écouter ou pas. Nous vivrions dans une société bien plus heureuse si plus de gens partageaient leurs expériences cachées, mais tout le monde n'est pas d'accord avec moi», dit-elle d'un ton légèrement grinçant.

Nous lui demandons si ce n'est pas une habitude typiquement américaine. «It's funny. Les Américains partagent plus, mais les Européens ont une attitude bien plus cool quand il s'agit de sexe.»

Outre le sexisme et l'image idéalisée du corps féminin, il y a aux États-Unis selon Lena Dunham encore beaucoup de travail à faire en matière de planning familial, de fossé salarial, de violence domestique, d'opportunités pour les femmes sur le marché du travail,etc.

Elle apparaît comme une jeune femme très combative mais la politique ce n'est pas pour elle! Même si elle a tourné à l'occasion des élections présidentielles américaines de 2012 un petit film pour Barack Obama, où elle compare le fait d'aller voter pour la première fois à perdre sa virginité.

«Je suis plus utile avec ce que je fais maintenant. De plus, je n'ai pas le bon background pour faire de la politique. Quand vous êtes politicien, vous devez faire comme si vous n'aviez encore jamais eu de relations sexuelles, donc quand vous êtes aussi souvent que moi apparue nue à la télévision ce n'est pas une option!», dit-elle en riant. «Barack Obama n'a encore jamais retiré ses vêtements et ses enfants sont adoptés», continue-t-elle sur le ton de la plaisanterie. «Pourtant, j'aimerais bien le voir nu, and that is on the record!»

 

Eldrid Deleu

 

 

« Not that kind of girl », de Lena Dunham, éditions Belfond, 320 pages, 20 €