Le tourisme très lucratif de Noël fait les affaires de la Laponie

Chaque année, à l'approche des fêtes de Noël, les touristes convergent en nombre vers la Laponie finlandaise. Cet afflux est un véritable enjeu pour la région qui s'organise pour recevoir tous les visiteurs, notamment dans le village de Rovaniemi. Reportage.
par
sebastien.paulus
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Dans la lumière de soie bleue qui nimbe les reliefs piqués de sapins, une foule d'ombres glisse sur la neige entre cafés et boutiques: chaque hiver, les visiteurs étrangers envahissent la Laponie finlandaise. D'Europe et d'Asie, en couple ou en famille, ils sont des centaines de milliers à converger dans cette immense toundra dans l'espoir d'y rencontrer le "vrai" père Noël, apercevoir une aurore boréale, fendre le froid en traîneau.

Le tourisme est vital pour l'espace arctique peuplé d'élans, d'ours et de loups, à court d'espèces sonnantes et trébuchantes. Mais les locaux, et surtout les Sames, éleveurs de rennes autochtones autrefois désignés sous le nom devenu péjoratif de Lapons, s'alarment de ses effets sur leur mode de vie et sur l'environnement dans une région aux avant-postes du réchauffement climatique.

AFP / J. Nackstrand

Un parc très touristique

A Rovaniemi, le "Santa Claus Village" est un parc d'attractions féérique où les vacanciers s'offrent des promenades en moto-neige ou en traîneau tiré par des rennes, fuient le vent dans des châteaux de glace, écument les magasins de souvenirs, dégustent du vin chaud à la cannelle près du feu.

Au coeur du village, de jolis chalets en bois abritent l'antre du père Noël. Depuis les années 1980, les responsables du tourisme locaux ont fait de Rovaniemi le pays officiel de l'homme à la barbe blanche.

A l'intérieur, un elfe en costume rouge et vert prénommé "Vanilla" anime une visite guidée jusqu'au repaire fabuleux. Le père Noël, dans son habit rouge rehaussé de fourrure blanche, les accueille sur les notes tintinnabulantes d'un chant de Noël.

"Je ne sais pas pourquoi, je suis un peu nerveux", avoue Topi, un Finlandais d'une vingtaine d'années venu avec ses amis.

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Marchés lucratifs

L'afflux de visiteurs en Laponie ne cesse de croître année après année. 2,9 millions de nuitées ont été enregistrées l'an dernier, contre 2,2 millions en 2010.

"Les chiens de traîneau et les longues randonnées sont plébiscités par les touristes français, les Britanniques sont particulièrement intéressés par la moto-neige, les Asiatiques préfèrent les aurores boréales", explique Sanna Kärkkäinen qui dirige l'office du tourisme de Rovaniemi.

De nouveaux marchés, très lucratifs, s'ouvrent aux opérateurs. Le nombre de touristes chinois a quadruplé depuis 2015, pour atteindre 45.000, et devrait encore tripler au cours de la prochaine décennie, qui profitent de la multiplication des vols de la compagnie nationale Finnair entre l'Asie et l'Europe, via la capitale Helsinki.

Les statistiques montrent que les Chinois dépensent trois fois plus en moyenne que les visiteurs d'autres nationalités. Le gouvernement chinois, désireux d'asseoir sa présence dans l'Arctique, a publié en 2018 un rapport encourageant ses entreprises touristiques à s'y établir.

Les pays du Moyen-Orient montrent aussi un appétit croissant. "Cette semaine nous avons eu le premier vol direct de Turkish Airlines en provenance d'Istanbul, ce qui automatiquement ouvre Rovaniemi à 20 nouveaux pays", se réjouit Sanna Kärkkäinen.

AFP / J. Nackstrand

AFP / J. Nackstrand

Préjugés contre les Sames

Bien que la manne touristique ait ramené le chômage à Rovaniemi à son plus bas niveau depuis 30 ans, le tourisme de masse suscite l'inquiétude parmi la population qui chérit sa tranquillité et son rapport privilégié à la nature.

Présents depuis trois millénaires dans les contrées inhospitalières de l'Arctique en Finlande, Norvège, Suède et Russie, les Sames voient d'un mauvais oeil l'essor du tourisme industriel qui selon eux reproduit les pires préjugés à leur encontre et fait du chiffre à leurs dépens sous couvert de traditions et d'artisanat présentés comme "indigènes".

Le raccourcissement des hivers commence déjà à se faire ressentir ici. L'an dernier, des opérateurs ont dû renoncer à certaines activités faute de neige en novembre.

Au village du père Noël, les derniers visiteurs du soir quittent sa grotte. A-t-il moins de temps aujourd'hui à consacrer à chaque visiteur quand ils sont de plus en plus nombreux? "Certainement pas", grogne-t-il.

"Nous sommes sur le cercle arctique, cette époque de l'année est magique. Il suffit de s'organiser pour être en des millions de lieux différents au même moment". "Cela fait des siècles que je fais ça et je pense me débrouiller pas mal".