Le "macaque au selfie" chassé pour sa viande en Indonésie

Le "macaque à selfie" mondialement célèbre et protégé est aujourd'hui menacé pour sa viande en Indonésie.
par
Gaelle
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Le primate noir d'Indonésie aux yeux ambrés risque de disparaître. Il est actuellement chassé pour sa viande et menacé par la déforestation. Cette espèce est mondialement connue depuis que l'un d'entre eux a chipé un appareil photo et s'est pris en selfie en 2011.

Aujourd'hui, "son habitat se réduit. Et les gens mangent les singes...", déplore Yunita Siwi, de l'ONG Selamatkan Yaki.

L'espèce, protégée, est en voie d'extinction. Vivant uniquement dans la jungle, sur l'île des Célèbes, il est victime des chasseurs Minahasan. Pour ce peuple autochtone, ce singe est un mets aussi savoureux que le foie gras. Par ailleurs, comme son habitat naturel se réduit, il s'aventure dans des cultures, au risque de tomber sous les balles des paysans.

Environ 2.000 macaques noirs vivent à Tangkoko dans une réserve de 8.700 hectares où ils sont relativement protégés. Mais ce n'est pas le cas des 3.000 autres primates des forêts de la région.

Un mets prisé

"Je n'aime pas abattre de singe moi-même, mais quand il est cuit, j'aime le goût, avec beaucoup d'épices. Cela ressemble un peu à du sanglier ou du chien", raconte Nita, une femme appartenant aux Minahasan, une ethnie essentiellement chrétienne dans ce pays musulman le plus peuplé au monde.

Une fois tués, les macaques sont grillés au feu de bois. Cela permet de brûler le pelage et d'assurer une meilleure conservation de la viande dans cette région tropicale.

Sur un marché traditionnel à Tomohon, une ville de la région, des macaques au rictus macabre occupent une place de choix. Ils sont présentés au milieu d'autres espèces variées comme les serpents, rats, pythons, chauve-souris... On trouve aussi des chiens vivants enfermés dans des cages et promis au même sort, à côté d'étals où de jeunes hommes découpent de la viande. Ce marché regorge d'animaux exotiques dont le commerce est interdit.

Avec cette commercialisation, les effectifs de l'espèce se réduisent considérablement. En 40 ans, la population de macaques noirs a chuté de plus de 80%. Passant de 300 primates au km² en 1980 à 45 en 2011, selon IUCN.

Une espèce indispensable

Les défenseurs de la nature et les autorités locales s'efforcent de convaincre les villageois de Tangkoko d'arrêter de chasser et de consommer du macaque noir. Sur les marchés, des officiels viennent expliquer aux visiteurs que l'espèce est protégée. De plus, des panneaux avertissent les contrevenants qu'ils risquent jusqu'à cinq ans de prison.

De leur côté, des ONG tentent, avec l'aide des autorités locales, de persuader les responsables d'écoles d'inclure la protection des espèces sauvages dans leurs programmes scolaires.

"Les Minahasan mangent tout ce qui a des pattes ou des ailes. Pour faire cesser la demande sur le long terme, nous devons proposer d'aborder la question dans les programmes scolaires", explique Hendrieks Rundengan, de l'agence locale pour la protection de la vie sauvage.

Des défenseurs de la nature se rendent même dans les églises chrétiennes pour demander aux prêtres d'inculquer la protection à leurs fidèles. "Les humains sont les gardiens de la Terre. Ils doivent protéger les espèces en danger comme les singes", souligne Mme Siwi.

Tous insistent sur le fait que le macaque noir joue un rôle important pour la biodiversité. En effet, il répand des graines dans la jungle, qui contribuent à la croissance de certains arbres.

Chasser ces animaux pour leur viande, relève Simon Purser, c'est "le dernier clou dans le cercueil" pour une population dont le nombre baisse constamment.

L'histoire du singe à selfie

Maruto, le singe qui a rendu célèbre son espèce, vit dans la réserve de Tangkoko. En 2011, le singe avait dérobé l'appareil photo d'un photographe animalier britannique en reportage dans la jungle.  Le photographe, David Slater, s'était absenté quelques minutes après avoir installé son trépied. À son retour, il avait découvert que le macaque avait pris deux selfies.

Les images avaient fait le tour du monde et donné lieu à une bataille judiciaire aux Etats-Unis. Une association de défense des animaux avait affirmé devant un tribunal de San Francisco que le singe devrait être propriétaire des droits d'auteur. Une requête qui fut finalement rejetée l'an passé.