Le karaoké mobile est à la mode en Indonésie

par
Maite
Temps de lecture 4 min.

Sur une route de l'île de Java, un cyclo-pousse équipé d'une chaîne hifi et d'un écran débite une musique assourdissante à côté d'un stand d'alimentation. Tout autour, des gens dansent et chantent. Le karaoké mobile est devenu à la mode en Indonésie.

A vélo, en bus ou en train, le karaoké ambulant enchante de nombreux Indonésiens ravis d'interpréter, en tous lieux de cet archipel d'Asie du Sud-Est au climat tropical, les paroles de chansons s'affichant à l'écran. Dans ce pays à majorité musulmane, le karaoké était considéré naguère comme un passe-temps qui encourageait la consommation d'alcool et la prostitution. Mais il a redoré son blason ces dernières années pour devenir une forme de divertissement traditionnel, comme ailleurs en Asie.

Si les cafés-bars restent les lieux les plus populaires pour le karaoké, les versions mobiles comme le "Vélo Karaoké" de Rudi Hantoro connaissent un succès grandissant: cet homme de 65 ans a équipé son cyclo-pousse d'une chaîne hifi et de puissants haut-parleurs, d'un petit écran et d'un micro pour chanter. Basé à Depok, ville de l'ouest de Java, Rudi se déplace aussi à domicile sur commande. Le plus souvent, il vient se poser à côté d'échoppes d'alimentation près d'un dépôt de minibus et d'une gare, où l'attendent des amateurs réguliers, essentiellement des conducteurs de bus.

Si les cafés-bars restent les lieux les plus populaires pour le karaoké, les versions mobiles comme le "Vélo Karaoké" de Rudi Hantoro connaissent un succès grandissant Ph. AFP /G. Chai Hin

"C'est du karaoké pour tout le monde, conducteurs de bus, femmes au foyer, étudiants et chauffeurs de taxi...", raconte-t-il, pendant qu'un homme tatoué chante du rock au rythme des paroles qui défilent sur l'écran et au milieu de ses amis qui se déhanchent. Les participants doivent débourser 5.000 roupies (30 centimes €) pour trois chansons ou 10.000 roupies (60 centimes) pour sept titres, un prix raisonnable pour une offre comprenant du rock indonésien, des classiques en anglais et des "dangdut", un genre de musique pop locale connue pour ses paroles impudiques et ses mouvements de danse torrides.

"Après une dispute avec ma femme, je chante des chansons tristes ici", confie Abdul Haris Jamaludin, un conducteur de minibus âgé de 28 ans, amateur régulier du karaoké cyclo-pousse.

Dans un wagon ou en bus VIP 

Il existe d'autres options de karaoké mobile, motorisées et plus chères. Elles s'adressent à ceux, nombreux, qui ont vu leurs moyens augmenter ces dernières années à la faveur d'une forte croissance dans la première économie d'Asie du Sud-Est.

Pour organiser une soirée avec des amis, on peut ainsi louer un wagon de train équipé d'un système de karaoké. Il en coûte entre 20 et 40 millions de roupies (entre 1.320 et 2.640€) pour un wagon de 20 à 28 sièges équipé de canapés moelleux.

Une fois loué, le wagon est attaché à un train desservant une ligne régulière sur l'île de Java, avec plusieurs destinations possibles. Au total, 12 "wagons karaoké" ornés de décorations de différentes cultures de l'archipel peuvent être loués.

A Jakarta, un bus "Royale VIP" équipé d'une machine à karaoké, de deux pistes de danse et d'éclairages laser est à louer, au grand bonheur des amateurs qui s'en donnent à coeur joie en se déplaçant dans les embouteillages de la capitale au trafic congestionné.

Pour ceux qui préfèrent rester chez eux, il existe plusieurs offres dans la mégapole, à l'image de la petite société "Splash Mobile Karaoke", au slogan alléchant: "Le karaoké quand vous voulez et où vous voulez. Choisissez le lieu et on s'occupe de tout". Ce service lancé il y a deux ans est en plein boom, assure son créateur, Benny Navaro. Il propose des karaokés pour mariages, anniversaires, soirées d'adieu, réunions familiales...

Dans ce pays qui se réclame d'un islam modéré, certains musulmans conservateurs considèrent le karaoké comme une source de péchés. Ce qui conduit certaines boîtes de nuit à karaoké à fermer pendant le mois du jeûne du ramadan, afin d'éviter toute confrontation avec des partisans d'un islam rigoriste. Mais un nombre croissant d'Indonésiens estime au contraire que l'offre est insuffisante: "Si seulement il y avait plus de divertissements comme ça pour les gens ordinaires", estime Jamaludin, un habitué du karaoké en version cyclo-pousse. "Si vous avez des problèmes à la maison, ça peut vraiment vous remonter le moral".