Le genévrier redonne du piquant aux pelouses wallonnes

Autrefois très répandu sur les terres incultes, le genévrier, conifère aux multiples usages ancestraux, est aujourd'hui intégralement protégé. Peu exigeant quant à la nature du sol, peu sensible au froid et ne craignant pas la sécheresse, il est pourtant devenu rare en Wallonie.
par
ThomasW
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Les terres vaines et vagues qu'il affectionnait tant se sont drastiquement raréfiées. La disparition des landes acides et des pelouses calcaires parcourues par les troupeaux a, en effet, failli sonner le glas pour cette espèce pionnière dont les baies servaient autrefois à la fabrication du fameux peket. Dans le cadre du projet LIFE Pays mosan, une action de renforcement de populations est menée. Objectif: donner un nouveau souffle aux genévriers encore présents sur les pelouses calcicoles de la zone de projet.

Un conifère bien de chez nous!

Le genévrier commun (Juniperus communis) est, avec l'if, un des deux conifères indigènes de Wallonie. Il s'agit d'un arbuste dioïque – il existe des individus mâles et femelles – à feuillage persistant et piquant. Dans nos régions, il dépasse rarement l'âge de 100 ans et n'atteint jamais plus de quelques mètres de hauteur. Les baies, appelées genièvres ou galbules, sont portées par les individus femelles et arrivent à maturité après deux ou trois ans. Elles sont notamment utilisées pour aromatiser des plats comme la choucroute.

Si le genévrier commun n'est pas exigeant quant au type de sol, il a besoin de bonnes conditions d'ensoleillement pour pouvoir se développer. Qui plus est, la germination des graines ne se déroule que sur les sols nus, libre de toute concurrence. Voilà pourquoi le genévrier est lié aux milieux maintenus ouverts par le pâturage. L'abandon des pratiques agro-pastorales mais aussi l'agriculture et la sylviculture modernes ont mis à mal ses populations.

Ph. Sébastien Pirotte

Situation inquiétante en Wallonie

Bien que protégé depuis 1976, sa situation dans notre pays est inquiétante. La plupart des populations connues, les «genévrières», sont en déclin et se composent d'individus âgés dont la fertilité est réduite. Avant 1860, le genévrier était pourtant considéré comme assez commun en Belgique.

En Wallonie, beaucoup de genévrières ont disparu au cours des dernières décennies par manque d'entretien, le plus souvent étouffées sous la végétation forestière. Des actions ont été entreprises dans plusieurs réserves naturelles mais les résultats espérés ne sont pas toujours au rendez-vous. Dans bien des cas, la régénération spontanée est absente ou insuffisante et il est apparu nécessaire de réintroduire l'espèce au départ de semis ou de boutures prélevées sur les individus encore présents.

Des actions pour renforcer les populations

Élément structurel indissociable de la pelouse sur calcaire, le genévrier fait l'objet d'une action menée par le projet LIFE Pays mosan. La remise en lumière des individus encore présents est une étape indispensable mais elle ne suffit pas à pérenniser les populations visées. Après de nombreux échanges sur le sujet avec des spécialistes, nous avons opté pour un renforcement des populations par bouturage.

Dans les populations sénescentes et peu fertiles, le bouturage de tiges permet de lever l'obstacle lié à l'absence de graines viables. Afin de préserver au maximum la diversité génétique, les boutures sont prélevées sur plusieurs dizaines d'individus des deux sexes. Une collaboration étroite avec Philippe Nivelle de la pépinière domaniale de la Région wallonne, le DEMNA et le Jardin Botanique de Meise a permis de mener à bien l'expérience.

Plusieurs centaines d'individus bouturés, issus d'une douzaine d'origines wallonnes, ont déjà été replantés sur 25 sites où le genévrier est ou a été historiquement présent. Une fois ces jeunes plants installés en petits groupes et protégés de la dent des moutons, gestionnaires des sites concernés, il reste à suivre leur évolution et voir si ces renforcements portent leurs fruits. L'avenir du genévrier commun en Wallonie tient probablement à la réussite de ce genre d'action. Et nous comptons bien pouvoir admirer longtemps encore cette espèce sans laquelle la choucroute et le peket n'auraient jamais eu la même saveur.

Rudi Vanherck