Le fruit du baobab, un nouveau super aliment

Longtemps, Annah Muvhali a vécu sous les baobabs en ne profitant guère que de leur ombre. Cette Sud-Africaine s'est aujourd'hui lancée avec succès dans la vente de leurs fruits, un "super-aliment" très prisé dans les pays riches.
par
Camille
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En cette fin d'hiver austral, cette grand-mère de 54 ans s'est levée à 3 heures du matin pour récolter les bogues tombées de ces arbres légendaires. "Dans ma famille on utilisait le fruit du baobab pour en faire une espèce de yaourt aussi délicieux que nourrissant", dit-elle. "Et je m'en sers également pour mes petits-enfants, lorsqu'ils ont mal à l'estomac".

Mais les fruits qu'elle ramasse au pied des "arbres pharmaciens", ainsi que les appellent les locaux, sont désormais aussi réduits en poudre ou en huile qui s'arrachent dans le monde entier. On en ajoute par pincées entières dans les smoothies ou dans les sauces à cause de sa haute teneur en antioxydants, en fibres, en vitamines ou en minéraux. On s'en enduit aussi le corps pour soigner des maladies de peau comme l'eczéma. "Avant, je ne savais pas que le baobab pouvait avoir une quelconque valeur", commente Annah Muvhali.

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Pain de singe

"C'est une excellente combinaison de vitamine C naturelle, d'antioxydants, de protéines et de substances curatives, ce qui en fait un incroyable 'super fruit'", s'enthousiasme le nutritionniste Jean-François Sobiecki, de l'université de Johannesburg. Aujourd'hui, le "pain de singe" - ainsi appelé parce que son goût acidulé plaît tant aux humains qu'aux primates- parfume sodas, barres énergétiques, glaces et même gin. Les exportations annuelles de poudre sont passées de 50 tonnes en 2013 à 450 tonnes en 2017, selon l'African Baobab Alliance, qui réunit producteurs et vendeurs du continent.

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Comme Annah Muvhali, les femmes de Muswodi Dipeni et de la région de Mutale ont commencé dès 2006 à récolter des fruits d'"arbres magiques" pour les vendre. Grâce au succès grandissant de ce produit sur les marchés, un millier d'entre elles en ont fait aujourd'hui leur principale source de revenus.

Revenu durable

Engagée depuis une bonne dizaine d'années dans le commerce des fruits du baobab, Sarah Venter ne se contente pas de racheter les fruits ramassés par les glaneuses du village: pour leur assurer un revenu durable, elle en a fait des "gardiennes de baobab". "Elles prennent soin des arbres et je les paie pour ça", explique la directrice de l'entreprise Ecoproducts, par ailleurs chercheuse à l'université du Witwatersrand à Johannesburg.

"Dès que l'arbre grandit d'un centimètre, elles perçoivent un peu d'argent et sont payées ainsi jusqu'à ce que l'arbre atteigne 3 m de hauteur, ce qui garantit qu'il vivra ensuite pendant un millier d'années", poursuit Mme Venter. La moisson du baobab requiert une patience de bénédictin: il faut parfois attendre deux cents ans avant qu'il ne produise ses premiers fruits; un arrosage régulier peut toutefois réduire cette période de gestation à trente ans.

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"J'ai planté mon premier arbuste il y a deux ans et j'en prends bien soin", s'enorgueillit sa "gardienne", Elisa Phaswana, 59 ans. "J'ai choisi la meilleure place dans mon jardin pour le planter et je l'arrose tous les jours. Sarah (Venter) le mesure régulièrement et je gagne 320 rands (18 €) par centimètre gagné", explique-t-elle.

Des scientifiques se sont récemment inquiétés de l'avenir des baobabs, dénonçant la disparition "spectaculaire" des plus vieux spécimens en Afrique, peut-être à cause du dérèglement climatique. Elisa Phaswana, elle, s'applique pour que pousse son baobab d'un mètre de haut. "Quand mon arbre sera grand, il me donnera de l'ombre et de quoi vivre."