Le confinement, un terreau fertile pour les addictions ?

Alcool, calmants, tabac, drogue… Plusieurs études ont prouvé que le confinement représentait un danger pour notre santé mentale. Mais quel est son impact sur nos addictions ?  
par
oriane.renette
Temps de lecture 4 min.

La pandémie de Covid-19 nous a-t-elle tous rendus accros ? A priori, la réponse est non. Depuis le début de la pandémie, plusieurs études se sont en effet penchées sur l'effet qu'a le confinement sur les addictions des Belges. Une des plus médiatisées a probablement été celle de l'UCLouvain sur l'alcool qui, fin avril dernier, démontrait qu'il n'y a pas eu de hausse généralisée de la consommation d'alcool lors du confinement. Une petite surprise pour les chercheurs qui ont découvert que seul un quart de la population a estimé boire davantage durant le confinement. 46 % ont eu une consommation stable et 29 % rapportaient même une réduction de leur consommation. Cette réduction d'alcool est d'ailleurs très marquée chez les étudiants (61 %), leur consommation étant souvent marquée par le contexte social et festif. Ces chiffres ont été confirmés par la deuxième enquête de santé Covid-19 réalisée par Sciensano. Dans cette dernière, 23 % des répondants indiquaient boire moins depuis les mesures de restriction tandis que 20 % disaient consommer davantage.

Des résultats discordants

L'UCLouvain s'est également intéressée à la consommation des cigarettes des Belges avec des résultats plus mitigés. Si, selon l'université, la tendance est à une baisse de 42 %, celle de Sciensano pointait que 37 % des fumeurs disent avoir augmenté leur consommation de tabac alors que 16 % seulement l'ont diminuée. Pourtant, la population fumeuse semble avoir voulu prendre de bonnes résolutions pendant cette période. Une étude publiée en août dernier a en effet montré qu'un fumeur belge sur cinq a tenté de mettre un terme à cette mauvaise habitude durant le premier confinement. Ici encore, ce sont principalement les jeunes (moins de 34 ans) qui sont le plus concernés. Leurs efforts n'auraient cependant pas été récompensés, Sciensano pointant que l'augmentation tabagique était plus fréquente parmi les personnes de 25 à 34 ans (46 %).

En ce qui concerne les drogues, la plupart des usagers (44 %) ont continué à en consommer comme avant la crise. La proportion qui dit avoir diminué sa consommation (31,7 %) est toutefois supérieure à la proportion qui dit l'avoir augmentée (24,2 %). Comme pour l'alcool, les mesures de restriction sociale jouent en faveur d'une baisse globale de la consommation de stupéfiants, surtout parmi les plus jeunes (18-24 ans).

Une consommation différente

Ces résultats, Antoine Boucher, responsable de communication pour Infor-Drogues, tient à les nuancer. « On dit par exemple que la consommation d'alcool n'a pas fort bougé, mais c'est parce qu'elle a fort varié. Il y a l'alcool qu'on va consommer en moins car il y a moins de fêtes, mais il y a tout celui qu'on va consommer en plus parce qu'on est seul. »

Selon lui, le confinement a, dans la plupart des cas, un effet négatif sur les addictions. « Quand on a déjà un comportement addictif, qu'il soit de consommation de substance légale ou illégale, c'est que cette consommation sert déjà à surmonter une difficulté ». Et le confinement va « avoir tendance à renforcer les addictions car les autres manières permettant de gérer ses émotions ne sont plus là, ou plus difficilement accessibles ». C'est notamment le cas du simple verre entre amis, ou de la détente à la salle de sport par exemple. « Il reste donc les solutions des produits, qu'il s'agit d'alcool, de shit, ou bien de calmants. Je pense d'ailleurs que la consommation d'antidépresseur va exploser », poursuit-il.

« Sortez de chez vous » !

Selon M. Boucher, trois profils sont particulièrement touchés par les confinements : les personnes isolées, les étudiants et les personnes âgées. « Pour les jeunes, le temps n'est pas le même pour les adultes, il s'écoule beaucoup plus vite », confie-t-il. À l'inverse, « le temps devient très important pour les personnes âgées. Un mois quand on a 80 ans compte doublement. Et donc ce confinement est encore plus difficile quand on est en maison de repos ».

Personnes âgées ou jeunes, travailleurs ou non, il n'y a malheureusement pas de recette miracle pour sortir facilement de son addiction tant les causalités sont nombreuses. Antoine Boucher pointe cependant plusieurs pistes de réflexion. « Les rencontres à l'extérieur sont encore autorisées. Sortez de chez vous et rencontrez vos amis à l'extérieur. Partagez aussi vos émotions, vos difficultés liées au confinement. C'est important d'en parler. C'est d'ailleurs en parlant que d'éventuelles solutions peuvent venir à l'esprit », conclut-il.