Le Ceta entre en vigueur aujourd'hui

L'accord de libre-échange entre l'UE et le Canada (Ceta) entre aujourd'hui en application de façon provisoire. La possibilité de saisir des tribunaux d'arbitrage privés, elle, attendra.
par
Camille
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La négociation d'un accord de libre-échange avec les États-Unis avait provoqué de nombreuses manifestations l'an dernier. Ses opposants redoutaient une remise en cause des normes sociales et environnementales pour faire les affaires des grosses entreprises. Rapidement, les regards s'étaient tournés vers le petit frère de ce projet, le Ceta, un accord similaire déjà négocié avec le Canada.

Le texte a été approuvé par le Parlement canadien et par le parlement européen. Mais la ratification par les parlements nationaux et parfois locaux pourrait prendre des années. En octobre 2016, la Wallonie avait menacé de mettre son veto au texte. Le gouvernement wallon avait finalement accepté de ne pas bloquer le processus dans l'attente d'un avis de la Cour de justice de l'UE.

Entrée en vigueur «provisoire»

Afin de remédier à ce problème de délai posé par la ratification par les multiples entités, le texte entre aujourd'hui en vigueur de façon provisoire. Cela exclut certaines des dispositions prévues dans le texte, et notamment l'un des points sensibles de la discussion: la possibilité pour une entreprise de saisir un tribunal d'arbitrage si un État qui adopte une politique publique contraire à ses intérêts.

L'application totale du texte doit supprimer la quasi-totalité des barrières d'importations, et permettre aux entreprises européennes de participer aux appels d'offres au Canada, et inversement. La Commission européenne estime que cela rendra possible une hausse du PIB de l'EU de 12 milliards € par an.

Les opposants dénoncent, eux, un texte qui serait trop favorable aux grandes entreprises, au détriment des PME et des entrepreneurs. ils s'inquiètent également des conséquences qu'aura le texte pour le climat, alors que le gouvernement canadien est un ardent défenseur d'énergies fossiles. Enfin, les agriculteurs s'inquiètent de voir déferler sur les marchés européens des produits canadiens aux exigences sanitaires moindres.

«Ce texte ne garantit pas les droits sociaux et environnementaux»

L'eurodéputée Marie Arena (PS) s'oppose vivement aux mesures incluses dans l'accord de libre-échange avec le Canada. Elle plaide pour une nouvelle politique commerciale européenne.

Belga / D. Waem

Que pensez-vous de cet accord?

«Il est loin d'être satisfaisant. Des élus, des syndicats, des scientifiques, des associations de consommateur, des ONG, n'ont cessé de dénoncer cet accord. Il est totalement déséquilibré, au profit des multinationales et au détriment de nos droits sociaux et du climat.»

Le précédent gouvernement wallon a obtenu un blocage, au moins provisoire, des tribunaux privés, l'un des points critiqués par les opposants.

«Oui, et c'est une petite victoire pour les droits des citoyens. Le texte reste tout de même insatisfaisant. Il favorise la libéralisation à outrance des services, et n'apporte rien sur le respect des normes sociales et environnementales. Cela a été confirmé par diverses études, notamment une menée à la demande du président français, Emmanuel Macron. La commission d'évaluation à qui il a demandé un avis qualifie le texte d'accord ‘peu ambitieux', qui passe ‘à côté des questions environnementales'.»

Est-il envisageable que le Ceta n'entre jamais pleinement en vigueur?

«Oui, si un parlement national ou régional s'y oppose. Quoi qu'il en soit, nous demandons qu'une commission de suivi soit mise en place pour déceler au plus vite les effets négatifs de cet accord. Cela doit permettre des ajustements avant la ratification finale, et de réorienter la politique commerciale de l'UE. Celle-ci ne doit plus être basée sur le modèle commerce/concurrence, mais fixer des normes qui garantissent les droits sociaux et environnementaux.»