La renaissance des vergers traditionnels, un bienfait pour la biodiversité

Les vergers traditionnels constituent un milieu agricole aujourd'hui presqu'entièrement disparu. Pourtant, milieux semi-ouverts à l'intérêt agronomique et écologique remarquable, ils sont un refuge essentiel pour plusieurs espèces animales dont les populations sont en régression.
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Dans les campagnes d'autrefois, les vergers représentaient un espace transitoire entre le bâti et les prairies ou cultures. Ce paysage a été largement mis en place à partir du 18e siècle dans un but de production fruitière, à une époque où le développement de l'agronomie permettait l'amélioration des variétés. Ces vergers traditionnels, appelés aussi «prés-vergers», sont des parcelles plantées d'arbres greffés, à plus d'1,80 m du sol, sur un porte-greffe issu de semis ou sélectionné pour sa qualité. Une technique qui donne un véritable arbre appelé «haute tige» ou «de plein-vent».

 

Ces vergers, plantés principalement de pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers ou noyers, comptent d'une vingtaine à une cinquantaine d'arbres à l'hectare. Ils sont historiquement exploités en association avec la prairie pâturée. En Wallonie, les principales régions concernées sont la Hesbaye, le Pays de Herve, le Condroz, la vallée de la Meuse, la Fagne-Famenne et le Tournaisis. L'apogée de ces prés-vergers est atteint dans les années quarante, époque qui voit aussi l'apparition d'une demande plus importante pour les fruits frais de table. Jusqu'aux années trente, la production fruitière issue des vergers traditionnels était surtout destinée à la siroperie.

La révolution des basses tiges

La situation change après la Seconde Guerre mondiale. Un type de fruitiers révolutionnaire arrive sur le marché: les «basses tiges». Ce type de porte-greffe doit contribuer à assurer la prospérité alimentaire de l'Europe grâce à une production qui passe en quelques années de l'échelle familiale à l'échelle industrielle. Les arbres hautes tiges traditionnels se voient ainsi peu à peu remplacés par des arbustes basses tiges qui facilitent grandement la production: la cueillette est plus facile, les frais moins importants, et le rendement à l'hectare bien meilleur (jusqu'à 2.000 arbres peuvent être plantés sur un hectare). La mode est également aux fruits calibrés, qui demandent l'utilisation massive de produits phytosanitaires incompatibles avec le pré-verger.

Rapidement, la production devient colossale et dépasse les besoins. À la fin des années soixante, des primes incitatives de la Commission européenne facilitent l'arrachage des hautes tiges. La disparition des arbres de plein-vent et des nombreuses variétés traditionnelles de fruits n'a pas pour seul résultat la perte d'un trésor génétique irremplaçable. C'est aussi une catastrophe pour la biodiversité.

Des gîtes pour la reproduction ou l'hivernage

Les vergers traditionnels sont en effet une aubaine pour la biodiversité. Ils permettent d'améliorer les conditions de vie et de circulation de nombreuses espèces d'oiseaux, de chauves-souris, d'amphibiens, de reptiles et d'insectes. Ces espèces trouvent toute l'année une offre abondante en nourriture grâce au bois, aux fleurs, aux fruits, aux insectes. Elles bénéficient aussi de nombreux gîtes pour la reproduction ou l'hivernage grâce aux cavités qui se développent dans les vieux arbres.

Ces cavités, qui peuvent occuper la totalité d'un tronc, sont le résultat de la décomposition du bois sous l'effet d'organismes. Elles profitent à une microfaune diversifiée. Cette petite faune attire ensuite un important cortège de prédateurs comme les carabes (un coléoptère), des chauves-souris et des oiseaux insectivores. Elles constituent des sites de nidification privilégiés pour les mésanges charbonnière et bleue, la chouette chevêche, l'étourneau sansonnet ou le moineau friquet.

Les multiples rôles des prés-vergers

Les prés-vergers, comme d'autres formes de parcelles agroforestières, les alignements d'arbres têtards ou les haies, jouent donc un rôle essentiel dans le maintien et le redéploiement de la biodiversité. Mais ils ont d'autres atouts, environnementaux, agronomiques ou simplement paysagers. Ils permettent la diversification des fruits que nous consommons, la production d'herbe, de bois et de miel, le maintien de la structure et de la qualité des sols, la participation à la protection des eaux (par la filtration des racines), la fixation du carbone atmosphérique ou l'harmonie paysagère. À tous points de vue, des milieux à conserver et à redévelopper.

C'est ce que font ardemment les projets LIFE Prairies bocagères et LIFE Pays mosan. Ils protègent, plantent, creusent, fauchent et refaçonnent nos paysages bocagers patrimoniaux pour préserver des espèces menacées d'extinction. Et ils mettent en place une gestion durable des milieux protégés, compatible avec les pratiques agricoles actuelles. Au total, le projet LIFE Prairies bocagères a déjà planté, en Fagne-Famenne namuroise et avec l'aide de ses nombreux volontaires, plus de 300 arbres fruitiers (sur 9 ha) et plus de 10 km de haies. Le projet LIFE Pays mosan a, quant à lui, déjà planté 1 713 arbres fruitiers (sur 71 ha de terrain) et 25,8 km de haies en Province de Liège. Des résultats inespérés pour des actions qui seront poursuivies jusqu'en 2020.

Benoît Vignet et Thibaut Goret