La protection des chauves-souris porte ses fruits

Chaque année, les populations de chauves-souris sont recensées dans leurs gîtes hivernaux. Une analyse des tendances de ces 25 dernières années montre une embellie de la plupart des espèces.
par
Pierre
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Cette augmentation est à nuancer et reste difficile à expliquer, mais constitue une bonne nouvelle tandis que la pression reste forte sur ces animaux très fragiles.

Le mode de vie nocturne et discret des chauves-souris complexifie l'étude de l'évolution des populations. En hiver, grottes naturelles, forts, tunnels, bunkers, anciennes mines, carrières ou glacières font chaque année l'objet d'une visite discrète.

En Wallonie, ce monitoring est coordonné par Plecotus, le pôle chauves-souris de Natagora, en étroite collaboration et avec le soutien du SPW-DNF-DEMNA. L'objectif est simple : compter toutes les chauves-souris présentes et les identifier.

Ces chiffres récoltés patiemment permettent aujourd'hui une analyse des tendances. Environ 1000 sites sont suivis chaque année (600 en Flandre, 400 en Wallonie) et quelque 30.000 chauves-souris sont comptées chaque hiver en Belgique. Et les résultats sont encourageants: les chiffres augmentent pour quasi toutes les espèces comptées.

Celles qui vont le mieux sont le murin à oreilles échancrées et le murin de Bechstein, suivis de près par le murin de Natterer et le petit rhinolophe, qui affichent un taux de croissance entre +5 et +10 % chaque année. Notons que pour différentes espèces qui passent l'hiver dans les maisons ou dans les arbres creux, telles que pipistrelles, noctules, sérotines ou encore barbastelles, le calcul des tendances sur base des données hivernales est quasi impossible.

Le récent rapport sur l'état de l'environnement wallon fait état du même constat : en Wallonie, l'état de conservation, tant au niveau de la population que l'aire de répartition, reste critique pour bon nombre d'espèces (état défavorable), mais les tendances sont à l'augmentation.

Records de l'hiver 2017-2018

L'hiver qui se termine a lui aussi apporté son lot de chiffres record. Pour l'ensemble des sites de la Montagne Saint Pierre, dans la région de Visé, le cap des 7000 individus a été franchi.

A titre de comparaison, on comptait 3000 chauves-souris en 2002, 5000 en 2008, 6000 en 2014 dans ces sites. Les effectifs ont donc augmenté de 4000 individus en 16 ans. Parmi ces 7000 individus, le chiffre record de 1677 murins à oreilles échancrées est particulièrement remarquable.

De l'autre côté de la Wallonie, dans les anciennes carrières de Ciply (réserve naturelle de Natagora près de Mons), les effectifs ont doublé depuis 3 ans. Les records de nombre de petits Rhinolophes ont également été pulvérisés dans la région de la famenne Rochefortoise, ainsi que du côté de Modave. Le grand Rhinolophe, lui, s'aventure plus au nord que d'habitude avec un individu à Namur au nord de la Meuse, à la Visé (où il n'avait plus été observé depuis 1995), ainsi qu'à la Malogne à Mons.

Une embellie bien fragile

Les raisons de cette augmentation sont multiples et difficiles à interpréter. Déjà, les sites visités sont constamment améliorés: pose de grilles pour réduire le dérangement, apport d'eau et de microgîtes dans les sites artificiels, cloisonnement pour diminuer les courants d'air dans les forts, etc.

La qualité des comptages, qui s'améliore avec le temps, est également un biais du jeu de données. Une autre partie de l'explication est que les populations de certaines espèces se rétablissent lentement après le déclin majeur amorcé dans la période 1960-1980, probablement dû à l'usage d'une série de pesticides très toxiques.

Aujourd'hui, même si tout n'est pas rose, les produits utilisés sont différents et ont peut-être un impact plus réduit sur les chauves-souris. La création de réserves naturelles, les projets LIFE de restauration des milieux et la protection d'espaces naturels, comme les sites Natura 2000, apportent leur pierre à l'édifice également. La protection de gîtes d'hiver et l'augmentation en forêt de la quantité d'arbres à cavité ou morts sont d'autres facteurs positifs.

Malgré cela, bon nombre de menaces persistent ou s'intensifient ces dernières années : trafic routier, pollution lumineuse, éoliennes, fragmentation de l'habitat, réchauffement climatique, urbanisation, disparition des petits éléments du paysage,… Les efforts de protection des chauves-souris et de suivi des populations menés par Natagora sont donc nécessaires et indispensables pour ne pas s'arrêter en si bon chemin!

Plus d'infos nature: www.natagora.be