La prostitution en Belgique, un flou juridique dont certains profitent

par
Laura
Temps de lecture 3 min.

Bien qu'officiellement répréhensible, la tenue de «maisons de débauche» est une activité florissante en Belgique, notamment le long de la frontière française, où «Dodo la Saumure» a exploité des dizaines d'établissements «de charme» avant d'être rattrapé par la justice belge. «La prostitution en soi n'est pas punissable en Belgique. Sont en revanche punissables ceux qui organisent la prostitution», rappelle le ministère belge de la Justice, à quelques jours de l'ouverture du procès du Carlton de Lille.

Le business de Dodo la Saumure

«Dodo la Saumure», Dominique Alderweireld de son vrai nom, devra y répondre, dès le 2 février, de proxénétisme aggravé aux côtés des responsables de l'hôtel lillois. Ce Français de 65 ans, qui nie, est accusé d'avoir fourni des «filles», notamment à l'ancien ténor socialiste Dominique Strauss-Kahn. La police fédérale belge a comptabilisé, sur le seul arrondissement frontalier de Tournai, un total de 160 prostituées ayant travaillé pour le souteneur français, actif en Belgique depuis 1997, selon l'ordonnance de renvoi. Mais «Dodo», célèbre pour sa gouaille à la Audiard et ses provocations - il avait notamment ouvert un bar à hôtesses, ou «bar montant», face au commissariat principal de Tournai -, est loin d'être le seul à avoir profité, du moins jusqu'à un certain point, de la tolérance belge.

Une prostitution présente partout

A Saint-Trond (est), une route nationale a été rebaptisée «chaussée d'Amour» en raison de la cinquantaine de bordels aux noms évocateurs de «Crazy Love», «Night Dreams» ou encore «Climax» qui s'y sont implantés depuis des années. On retrouve ce type d'établissements à l'entrée de nombreuses grandes villes, tandis qu'à Bruxelles, les abords de la gare du Nord sont connus pour leurs prostituées attendant jour et nuit les clients en sous-vêtements transparents derrière des vitrines, souvent éclairées de néons rouges.

A Gand, les autorités ont récemment demandé aux prostituées de se «rhabiller» pour limiter les nuisances dans le «quartier chaud», très fréquenté le week-end par des jeunes venus de France, distante d'à peine 60 kilomètres. Et il suffit d'ouvrir un journal belge pour découvrir, sous la rubrique «soins du corps», des dizaines d'annonces vantant des salons de massage coquins avec la promesse d'une «détente complète». Plusieurs villes, comme Liège ou Anvers, ont autorisé la présence d'eros-center, préférant encadrer la prostitution plutôt que de l'interdire et prélevant au passage de nouvelles taxes.

Profiter du flou juridique 

L'article 380 du code pénal belge punit pourtant d'une peine pouvant aller jusqu'à 5 ans de prison «quiconque aura tenu une maison de débauche ou de prostitution». Mais il est peu appliqué par les tribunaux, sauf en cas de circonstances aggravantes comme le trafic d'êtres humains.

Jugé à Tournai en 2012, après avoir exercé ses activités en Belgique sans être inquiété pendant des années, Dominique Alderweireld avait cru pouvoir profiter de ce flou juridique. Face aux juges, il avait argué que le «proxénétisme n'est plus poursuivi depuis des dizaines d'années» en Belgique, où selon lui il existe «3.500 établissements» comme les siens. «Je ne suis pas venu en Belgique pour le climat, mais parce que tout le monde sait que les bordels y sont autorisés», avait-il confié à l'AFP, se plaignant d'être «le seul à être poursuivi». Le tribunal avait balayé l'argument, en estimant que le fait que «certains parquets ne poursuivent pas ou qu'il existe une tolérance administrative» dans certaines communes «ne constituait pas une excuse» et que l'application de la loi «n'est pas imprévisible», citant d'autres jugements.

«Dodo» avait été condamné à cinq ans de prison avec sursis et à la confiscation de 2,8 millions d'euros, fruit de commissions de 50% perçues sur les revenus des prostituées. «Il faut faire appliquer la loi. Les établissements de la frontière franco-belge n'ont qu'à bien se tenir», a tonné en septembre 2013 la ministre de la Justice de l'époque, Joëlle Milquet. «En Belgique, l'objectif prioritaire vis-à-vis des prostituées est de les soutenir dans toute la mesure du possible dans le domaine social» et de «lutter contre les trafics d'êtres humains», a cependant expliqué cette semaine à l'AFP un conseiller de son successeur, Koen Geens.